Situation sociale et économique du Sri Lanka
La République démocratique du Sri Lanka est un pays d’Asie du Sud, île située dans l’océan Indien, à 50 km de l’Inde qui compte quelque 19 millions d’habitants sur une superficie de 66.000 km2.
Sa population est composée de Composition ethnique : 78 % de Cinghalais, 13 % Tamoul, 7 % de Moors . 2 langues officielles y sont présentes à parts égales, le cingalais et le tamoul. Mais la première est prédominante dans la plus grande part du pays, car 85% des habitants parlent le Cingalais, pour 10-12% qui parlent le Tamoul.
Selon les chiffres du FMI, Le produit intérieur brut annuel par habitant était de 1244 dollars US en 2006 contre 762 usd pour l’Inde et 1709 usd pour la Chine. Soit, le double de la moyenne sud asiatique. De la même manière, le Sri lanka montre une situation sociale nettement meilleure que celle de l’Inde.
En effet, même si sur les dix-neuf millions d’habitants, 25% vit sous le niveau de pauvreté, l’espérance de vie à la naissance est élevée (74 ans) et la mortalité infantile réduite (16 sur mille). Le taux d’analphabètes est également très bas : seulement 8% au-dessus des 15 ans, encore moins chez les enfants. Le Sri Lanka ne dispose par contre d’aucun système de sécurité sociale.
Nombre de Sri lankais ont dû pour des raisons économiques ou politiques s’expatrier. Les apports financiers des émigrés ne bénéficient pas uniquement aux familles restées au Sri Lanka. Ils contribuent à maintenir une économie dépendante de l’extérieur. Puisque les plantations de thé, le secteur textile et l’artisanat ne fournissent plus autant d’emplois, il a fallu se « débrouiller » autrement. Une émigration importante est organisée pour les femmes vers les pays du Golfe où les conditions de vie et de travail sont particulièrement difficiles. Par ailleurs, les groupes séparatistes comme les Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul (TLET) recrutent des jeunes sans emplois leur fournissant des revenus que l’organisation tire notamment du trafic d’armes mais aussi de l’aide fournie par la diaspora en Occident.
Le gouvernement Sri Lankais, quant à lui, a fourni des emplois à 100 000 hommes… mais pour former une armée qui même dans une logique militaire est inefficace car trop inexpérimentée. Par ailleurs, les services à distance (call centers, gestion comptable, maintenance à distance) dépendent du bon vouloir des entreprises occidentales toujours susceptibles de les délocaliser puisque précisément ces activités ne dépendent pas de leur localisation.
Le thé n’est plus le produit d’exportation principal. Il a cédé sa place aujourd’hui aux produits industriels, principalement l’habillement, que l’on estime à 78% des revenus. Le tourisme comme la pêche et les élevages de poissons destinés à l’exportation fournissent des emplois, mais entraînent un renchérissement du coût de la vie. Sur les marchés locaux, le prix du poisson peut atteindre 8 $ le kilo alors que le salaire minimum est de 50 $ par mois ! Ceci est encore plus absurde quand on pense que le Sri Lanka est une île ! Le renchérissement des matières premières comme le pétrole mais aussi agricoles comme le blé et le sucre ont porté l’inflation à 20% dès 2007, ce qui ne fait que montrer encore la dépendance du pays vis-à-vis des marchés extérieurs.
Enfin l’aide extérieure reçue lors du Tsunami de 2004, qui a dévasté les côtes et fait 30 000 victimes n’a pas contribué à promouvoir des projets à long terme tenant compte des clivages internes.
Situation politique
Le probléme majeur du Sri Lanka est, depuis des dizaines d’années, la guerre civile entre les séparatistes de l’ethnie tamoule et le gouvernement représentant l’ethnie majoritaire, celle cingalaise: le mouvement des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) – contrôle actuellement une partie de la péninsule de Jaffna (au Nord) où ils sont installés depuis longtemps. Les combats qui les opposent ont débuté dans les années 1980. Le cessez-le-feu déclaré en 2002 a commencé à se fragiliser en 2005, et au début de l’année 2008, le gouvernement s’est retiré de l’accord. En 2008, le conflit armé s’est intensifié dans le Vanni, région du nord de Sri Lanka aux mains des TLTE. En janvier 2009, les forces gouvernementales ont pris le contrôle de zones importantes précédemment tenues par les TLTE. Des affrontements sont toujours en cours.
Cette guerre civile cristallise les tensions entre Cinghalais et Tamouls. Le conflit a fait 70 000 victimes et causé la fuite de nombreux Sri Lankais qui constituent une importante diaspora à l’étranger.
Certaines zones de combat demeurent inaccessibles aux ONG alors que la situation humanitaire est préoccupante. La guerre civile constitue un terrain propice aux violations des Droits l’Homme des deux côtés. Des actes de torture et de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ont été relevés dans le chef du gouvernement. Une Commission d’enquête relative aux disparitions forcées a été mise en place par la France. Depuis que le conflit s’est aggravé fin 2008 et début 2009, 250 000 personnes sont prises au piège dans une zone de 250 km2 soumise à des combats intenses.
Enjeux géostratégiques d’une île aux confins de l’Histoire
Géographiquement très proche de l’Inde, le Sri Lanka ne pouvait que voir son Histoire liée à son grand voisin. De l’indépendance de l’Inde (1947) au début des années 80, l’interventionnisme du gouvernement indien s’était limité à protéger les travailleurs indiens qui n’avait pas obtenu de facto la nationalité Sri Lankaise lors de l’indépendance de l’ïle. A partir de 1983, Indira Gandhi puis son fils Rajiv, inquiets de l’influence exercée par les Etats-Unis au Sri Lanka, firent pression sur le gouvernement de Colombo et encouragèrent discrètement les groupes séparatistes Tamoul par ailleurs soutenus par un courant de solidarité en Inde dans l’Etat du Tamil Nadu. Ce soutien alla jusqu’à signer avec le gouvernement Sri Lankais un accord de retrait des troupes gouvernementales des territoires de l’île à majorité Tamoule contre l’engagement du gouvernement indien de maintenir l’ordre dans ces territoires et contrôler le Port de Trincomalee. Mal leur en a pris ! Les Tamouls du TLET ne rendirent pas les armes et se mirent à lutter contre les troupes indiennes. Après le retrait des troupes indiennes et l’assassinat de Rajiv Gandhi en 1991, l’Inde adopta une politique plus distante mais pragmatique puisqu’elle collabore avec le Sri Lanka en matière d’échange d’information sur les groupes séparatistes et les soutiens extérieurs aux rebelles sans pour autant intervenir directement dans les affaires de son voisin.
Naissance d’une alternative
C’est dans ce contexte de crise politique et sociale qu’est née, en 1985, l’entreprise privée Golden Palm dans le but de créer des possibilités d’emploi dans les milieux ruraux, où le travail était bien rare. Elle est membre du WFTO (World fair trade organization) ex-IFAT) depuis 1986.
Le bureau principal est situé dans la capitale, Colombo, mais Golden Palm possède des ateliers d’ébénisterie et de peinture dans de nombreux villages. L’entreprise employe environ 50 producteurs de tous âges, dont une majorité de femmes, dans cinq ateliers de villages ruraux, dont la majorité sont l’unique salarié de leur famille. Les artisans reçoivent une rémunération de 40% supérieure à ce qui est généralement pratiqué, ainsi que des indemnités pour les accidents de travail, des prestations de pension et de l’aide avec les frais de scolarité. 23% du salaire est versé à une caisse de retraite (15% par l’employeur et 8% par l’employé).
Les salaires équitables permettent aux familles d’améliorer leur niveau de vie, de se procurer de la meilleure nourriture, des meilleurs vêtements et un meilleur logement. La plupart des employés ont pu laisser leu
r maison au toit en chaume pour emménager dans des maisons en briques, avec des toits en acier galvanisé.
Une part des profits de l’entreprise est réinvestie avec les producteurs, permettant l’achat de nouvelles machines, d’outils et de formations afin d’améliorer les conditions de travail et de créer plus d’emplois. Une autre partie des profits va dans une « caisse de prévoyance sociale », qui sert à aider les familles pendant les périodes difficiles, ou pour les aider à couvrir les frais funéraires.
Les artisans bénéficient de locaux aérés et propres en fonction des recommandations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et contrôlés par la Société d’Investissement du Sri Lanka.
Dans le contexte politique dans lequel il évolue, il serait dangereux pour Golden Palm et les producteurs de mener un travail politique au sens strict du terme. Cependant, dans ce contexte, l’activité d’exportation peut déjà quasi être considérée comme politique et sociale en soi.
Concurrence chinoise
Golden Palm fait face à une concurrence croissante des jouets chinois. Celle-ci est de plus en plus remarquable, entre autres dans les salons professionnels internationaux. Selon le responsable de golden palm, en raison du principe de précaution, les produits issus du commerce équitable devraient avoir la préférence de certains clients exigeants. Ce n’est malheureusement pas le cas. Jusqu’à l’absurde, puisque, en 2008, par exemple, les producteurs de commerce équitable étant particulièrement peu présents au salon Ambiente à Francfort, la demande ne fut pas entièrement satisfaite ! Il faut dire que les frais liés à la participation des Salons dissuadent des organisations aux moyens réduits à se déplacer. D’autre part le fait que la Chine ne sache plus que faire des liquidités tirées de ses exportations explique qu’elle couvre facilement les frais de représentation à l’étranger. Ce qui à son tour contribue à développer les débouchés de leurs entreprises.
Recherche de qualité, norme ISO 9001
Dans ce contexte d’instabilité et de concurrence grandissante, Golden Palm est de plus en plus à la recherche d’une meilleure qualité de ses produits, objets de décoration faits à la main, en MDF – à partir de bois d’importation comme le pin de Nouvelle Zélande issu de plantations.
En plus d’un travail de développement de produits avec des designers espagnols et italiens, la recherche d’une meilleure qualité des produits a aussi motivé Golden Palm à solliciter la norme de qualité ISO 9001 ce qui a abouti en 2007.
ISO 9001 (International Standardization Organization) est une norme générique de qualité applicable à tous les secteurs d’activité. C’est une norme internationale qui présente l’avantage pour une organisation exportatrice d’être adaptée au marché international. Elle est accompagnée par un Institut de standardisation présent dans chaque pays (SLSI au Sri Lanka). Son coût pour Golden Palm a été de 1500 $ pour la première phase qui est aussi la plus importante. Le référentiel ISO 9001 définit des exigences et des objectifs de principe. Chaque entreprise est libre de concevoir un système de management conforme à ces critères. Il s’agit d’améliorer la qualité des produits et des procédures de réalisation (support, management). L’avantage en est que le référentiel est accessible à tous et permet à chacun de s’approprier le processus en fonction de ses besoins. L’aspect important « d’ amélioration continue » permet de partir d’exigences de base pour être ensuite augmentées et vérifiées régulièrement. L’inconvénient est que le champ couvert par la norme est donc susceptible d’être volontairement limité par les entreprises elles-mêmes. Une unité de production sera couverte par la norme sans garantie que toutes celles qui dépendent d’une entreprise le sont également. Cela est encore plus vrai quand les unités sont dispersées géographiquement. Ce n’est pas le cas ici.
Pour Golden Palm, la procédure a consisté tout d’abord à consigner par écrit les procédures de fabrication et répertorier les produits utilisés (peintures, vernis…). Ce travail s’est fait en collaboration avec les travailleurs afin que le langage utilisé soit accessible. De même, on a pris soin – en collaboration avec les travailleurs – de mettre au point le meilleur processus de fabrication pour ensuite le consigner par écrit en listant étapes et précautions. Chaque machine est vérifiée et des consignes sont données aux travailleurs afin qu’ils contrôlent leurs outils avant de les utiliser pour éviter des accidents. Tous les mois une vérification a lieu avec les travailleurs pour tester la praticabilité du nouveau système de qualité mis en place. La production est soumise par deux fois à des contrôles de qualité avant l’exportation. Les emballages ont également été repensés en fonction des utilisateurs : importateurs, parents et enfants (lisibilité des informations, couvercle transparent sur un côté de la boîte de jouets). Le manque de recul dans le temps ne permet pas encore de mesurer les apports de la procédure ISO 9001. Cependant, selon son Président, depuis sa mise en œuvre, en 2007, les progrès de productivité et la tendance à rationaliser les opérations intervenant dans la fabrication d’un objet sont déjà visibles. Au risque de voir les artisans accomplir des tâches par trop répétitives ? En l’absence d’autres éléments d’appréciation, rien ne permet de l’affirmer.
Qualité environnementale
Golden Palm met également un accent de plus en plus grand sur la qualité environnementale des produits qui est de plus en plus prise en compte par les acheteurs. Golden Palm a choisi la filière d’importation de bois de Nouvelle Zélande, la préférant au bois des forêts primaires du Sri Lanka éprouvées par la surexploitation des coupes sauvages et l’érosion que cela entraîne.
La situation des forêts au Sri Lanka est réellement préoccupante. En raison d’une activité minière intensive, de la pollution importante générée par la capitale, Colombo, et des rejets industriels, les forêts côtières ont fort diminué. Ailleurs, la déforestation est galopante en raison des besoins en bois de combustion et de construction. Même dans les zones habitées des campagnes les arbres disparaissent. Entre 1990 et 2005, le Sri Lanka a perdu ainsi 17% de ses forêts. Ce qui signifie aussi que l’île a perdu nombre de plantes, d’animaux et d’insectes rompant une chaîne indispensable au maintien d’un milieu naturel. Mais cela touche également les structures fondamentales de la société, à commencer par la vie quotidienne des femmes.
Il faut rappeler que ce sont les femmes qui, dans nombre de pays, entretiennent la forêt. Ceci est lié d’abord aux tâches domestiques des femmes car les familles dépendent de l’approvisionnement en bois pour la cuisson des repas. Des plantes médicinales, des champignons et des fruits des forêts que les femmes connaissent et savent préparer complètent l’alimentation de base. Ce qui a fait dire que la forêt procure aux femmes les 3 F : « food, fuel and fodder » (nourriture, combustible et fourrage pour les animaux). Au Sri Lanka, comme ailleurs, la déforestation oblige les femmes à parcourir des distances de plus en plus longues pour se procurer du bois. Les conséquences sur leur santé ne se sont pas fait attendre puisqu’il n’est pas rare à présent qu’elles doivent transporter 35 kg de bois pendant 10 km. La nécessité d’économiser le bois pour espacer la corvée a une influence sur la composition des repas de moins en moins élaborés et diversifiés. Enfin, le travail dans les plantations de thé et de tabac remplace la corvée du bois, mais déborde sur le temps que les femmes consacrent à leur potager c’est-à-dire à l’approvisionnement en légumes et fruits frais. Une économie locale vivrière disparaît peu à peu…