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Candidats de Bruxelles - législatives 2007

Analyses
Candidats de Bruxelles - législatives 2007

A Bruxelles, trois rencontres sont planifiées, et une quatrième espérée. Les écologistes ouvrent le bal, avec Zoé Genot qui tirera la liste verte à la Chambre. Suite avec le CDH et sa présidente de parti, Joëlle Milquet, elle aussi à la Chambre. Petit changement de programme au PS. Convoquée le matin même par Guy Verhofstadt afin de déterminer quels articles de la Constitution seront révisables sous la prochaine législature, Laurette Onkelinx est empêchée. C’est Jean Cornil (sénateur et ancien directeur adjoint du centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme), candidat à la Chambre, qui la remplacera au pied levé. Quant au MR – on parle d’Armand De Decker -, le doute plane encore sur la rencontre.

C’est Benoît qui se lance à l’eau sur le commerce équitable. À quand une loi belge encadrant le commerce équitable ? « Avec la multiplication des initiatives, tout devient plus confus. Il faut éviter ce qui se déroule pour le bio : une érosion des critères et le flou général pour le consommateur. »

« Pendant longtemps, rappelle Zoé Genot, il n’y a pas eu de demande d’intervention du législateur. Mais maintenant, avec l’apparition de pseudo labels, il devient urgent de séparer le bon grain de l’ivraie. » Cette législature, le Parlement a vu fleurir trois propositions de loi sur le sujet : rouge, orange et verte. Le vrai défi consistant, selon l’écologiste, à n’en redéposer plus qu’une seule devant la nouvelle assemblée. « Il y a un consensus pour travailler ensemble, mais pas encore sur le texte. »

Joëlle Milquet ne dit pas le contraire. « Oui, il faut vite quelque chose de concret. Et ce serait mieux de n’avoir plus qu’un texte. L’objectif étant commun, on doit pouvoir discuter des modalités. » Même si des divergences existent, la proposition CDH étant la plus « dure », de l’avis de Denis Lambert.

« Mais tout à fait, lance un Jean Cornil enthousiaste. On va trouver un accord, les différences sont d’ordre secondaire. Les pouvoirs publics doivent revêtir un caractère exemplatif, c’est important pour la conscientisation de la population. » Et de noter qu’il y aura sans doute quelques incohérences à chasser après le vote. Comme lorsque le Sénat avait voté une résolution condamnant l’action de Total en Birmanie et possédait en même temps des actions de Total dans son fonds…

Le chapitre deux aborde le droit à la souveraineté alimentaire. Le thème fétiche de Stéphane, qui pourrait en parler des heures durant. Dès lors, difficile de formuler une question concise… « Entre 1980 et 2005, le prix des matières premières comme le sucre, le cacao ou le coton a baissé de plus de 70% ». Via L’Europe, la Belgique ne pourrait-elle pas peser sur l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin qu’elle reconnaisse le droit des Etats à protéger leurs marchés locaux et à signer des accords de régulation ? Sur le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) afin de cesser de conditionner les prêts financiers à l’ouverture forcée des marchés ? Sur l’Union européenne (UE) enfin, pour qu’elle revoie sa politique agricole commune (PAC) ?

En guise d’introduction à ce vaste menu, Zoé Genot tient à rappeler ce qui a déjà été fait. Par exemple, le vote de la résolution café. « C’est un premier pas, même s’il n’est pas toujours facile à faire appliquer car il s’agit d’une résolution et non d’une loi. » Pour le reste, elle souligne son engagement à continuer à harceler les ministres compétents. « L’enjeu est crucial : le contrôle parlementaire et démocratique sur les mandats européens. Aujourd’hui, l’accès à l’information est très difficile, on ne sait rien. Si on arrive à plus de transparence, c’est déjà ça de gagné. Pour le reste, quotas et autres, Ecolo est demandeur ! » Ce qui ne manque pas de faire soupirer Denis Lambert. De désarroi. « En la matière, les législatives ont-elles un sens ? Comment reconquérir ce pouvoir ? »

De son côté, Joëlle Milquet souligne qu’il s’agit d’un débat délicat. « Le monde agricole belge n’est pas toujours en grande forme. Mais si nous partageons les mêmes objectifs, nous divergeons sur les voies envisagées, moins abruptes. En Belgique, on observe un resserrement naturel de l’offre. » Stéphane bondit : « On ne va quand même pas tabler sur la disparition naturelle des agriculteurs ! » Réponse de l’intéressée : « L’idée serait de les réorienter vers le secteur des énergies renouvelables, comme les biocarburants. Là, il y a vraiment un besoin. » Pour la présidente du CDH, le fédéral doit peser de tout son poids sur les débats européens. « Au niveau international, nous avons toujours défendu l’encadrement par des règles impératives, notamment sur la protection des marchés locaux. Tout en dépassant le protectionnisme pur et dur. Cela peut paraître un peu utopiste mais cela se fera ? Une sorte d’ONU, mais économique et social… »

Sur le sujet, Jean Cornil reconnaît ne pas être un expert. « J’apprends, c’est bien ». Et tapotant l’épais programme du PS qu’il a, fermé, devant lui : « Le programme du PS s’inscrit dans ce que vous dites, mais je ne vais quand même pas vous le lire. Pour répondre à Denis, à mon sens, le fédéral a sa place dans le débat. À l’heure actuelle, le politique est dissolu dans l’économique. Je lâche souvent sous forme de boutade que l’internationale libérale a parfaitement réussi : c’est un combat sur lequel la gauche a beaucoup perdu au niveau international. Ce qu’il faut, c’est sortir de l’incantatoire et lancer un véritable programme de reconquête, pour remettre de l’espace public, petit à petit. Le contrôle parlementaire sur toutes ces assemblées est illusoire pour le moment. Mais il ne faut pas baisser les bras ! Un exemple. Dans les textes fondamentaux, certains droits subjectifs ont fait leur apparition. Le droit au logement, etc. Pour ma part, je veux inscrire dans la Constitution le droit à l’eau, même s’il y a un blocage libéral. »

En guise d’intermède ludique, Denis Lambert lance : « Que celui qui est client chez Ikea lève la main ! » Pas si innocent que cela, au vu de l’intitulé du troisième volet de l’interpellation : la responsabilité sociale des entreprises. Pour la petite histoire, l’écrasante majorité des mains se sont levées, à trois reprises. Quand la Belgique va-t-elle soutenir la proposition de la Commission européenne sur l’inscription obligatoire du pays d’origine pour certains produits ? Oxfam suggère même d’aller plus loin, en parlant de transparence quant à l’identification de la chaîne de sous-traitants et celle du fabricant principal.

« Outre ces informations, il faut prévoir des sanctions, avertit Zoé Genot. Oui, pourquoi pas des rapports internationaux sur la traçabilité des produits ? Mais attention, pas question de payer soi-même une entreprise pour le rédiger. C’est un chantier à travailler, sur lequel Ecolo ne s’est pas encore concrètement penché. »

La traçabilité séduit aussi Joëlle Milquet. Et comme tout code de conduite a une portée insuffisante, « il existe des voies fiscales contraignantes et/ou incitatives. » Apprenant que via le ministre de l’économie Marc Verwilghen, la Belgique se trouve dans la minorité de blocage de la proposition de la Commission européenne sur l’inscription du pays d’origine, elle sort son calepin. « On pourrait interpeller là-dessus. » Avant de conclure : « Le problème, c’est que le marché belge est difficilement isolable. Cela doit se jouer avant tout au niveau européen. »

Quant à Jean Cornil, il tend les bras à la traçabilité. « Je suis totalement d’accord, il faut aller le plus loin possible en la matière. » Et pour répondre à Denis Lambert, qui souligne un affaiblissement de la norme et de l’intervention des pouvoirs publics, i
l enchaîne : « Et évitons de chaque fois rejeter la responsabilité sur un autre niveau. Tout ce que l’on peut faire au national, eh bien faisons-le. Ca commence même par diminuer les incohérences dans son propre comportement. Par exemple, moi client d’Ikea. Ou les communes dont la carte essence porte le sigle Total… »

Le dernier grand thème de l’interpellation est mis sur la table par Josiane, très soucieuse de l’état environnemental de sa planète. Quand la Belgique va-t-elle respecter ses engagements pour Kyoto ? Et dégager des budgets pour prévenir le réchauffement climatique dans les pays du Sud ?

Grand sourire de Zoé Genot. « On le voit enfin, les dérèglements climatiques, ce n’est pas qu’un truc d’écologistes en folie. Rien qu’un exemple : la forêt de Soignes. La plus grande hêtraie d’Europe a besoin d’un bon gel en hiver, sous peine de disparaître. Et c’est encore pire dans le Sud… » Denis Lambert la coupe : « D’accord, maintenant tout le monde en parle. Mais quelle est l’offre Ecolo ? » Zoé Genot ne se laisse pas démonter. « Mais d’abord faire ce que l’on dit, pas comme PS, CDH et MR qui ont voté une dérogation à l’Europe pour les 4×4. Limiter les possibilités d’achats de droits d’aller polluer ailleurs. Et chez nous, mieux isoler les habitations. À Bruxelles, 70% des émissions de gaz à effet de serre proviennent du chauffage. C’est là qu’il faut frapper : chauffage, transport, entreprises. Autre exemple, jeter la taxe de circulation fixe et en introduite une basée sur le nombre de kilomètres parcourus. En Belgique, nous avons certains leviers en mains, surtout fiscaux. À l’échelle mondiale, c’est plus compliqué… »

Joëlle Milquet en profite pour attribuer bons et mauvais points. Tout en décochant quelques flèches écologiques au fédéral et… au parti écologiste. « Il est nécessaire d’avoir des objectifs nationaux clairs afin d’éviter tout éclatement de la politique environnementale. Sur le sujet, la Région wallonne est un élève modèle. Bruxelles a par contre encore beaucoup d’efforts à faire. » Kyoto ? « Pour atteindre ces objectifs, a-t-on les moyens de sortir du nucléaire aussi vite que prévu ? Nous sommes perplexes à ce sujet. Bien sûr, à terme, il faut en sortir. Mais pourquoi ne pas reporter de cinq ans ? L’urgence, c’est Kyoto : tout, sauf l’énergie fossile. » Et puisque elle est échevine à la Ville de Bruxelles : « Pour les grandes villes, de plus grandes contraintes doivent être imposées. Dans ce domaine, l’investissement du fédéral pour sa capitale est nullissime. Le fonds de coopération Beliris devrait être investi dans la mobilité, plutôt que dans une piscine, tout ça pour faire plaisir à un bourgmestre. Etablissons plutôt des normes plus sévères de production, on ne va pas mourir si l’on n’a pas de 4×4. Soucions-nous de performances énergétiques. Rendez-vous compte. Après douze ans de présence d’Ecolo à la Ville, un cadastre énergétique n’a jamais été dressé ! »

Sur ce sujet, le plus engagé reste toutefois Jean Cornil. Le coup de l’hélicoptère d’André Flahaut, PS lui aussi ? « Un scandale ! En ce qui concerne les 4×4, je suis encore plus iconoclaste. Ce n’est pas compliqué : je suis opposé à l’automobile. Je n’ai pas de permis, je suis venu ici en transports en commun. Je suis pour l’essence à cinq euros le litre ! » Une hésitation, un sourire. « Mais il ne faut pas dire ça, mon président va hurler… Plus sérieusement, il est heureux que l’environnement soit enfin entré dans l’imaginaire politique. À moyen terme, mon but est de concilier social et environnemental. C’est vital, sans vouloir donner dans l’apocalyptique… Pour moi, c’est la priorité absolue de la société. Mon but, ma légitimité, c’est cela : faire évoluer le PS dans ce sens. Et le secteur public doit montrer l’exemple. Je maintiens qu’il faut sortir du nucléaire, qui n’est pas une énergie propre. Investissons dans l’énergie solaire ! Il va s’éteindre dans 4,5 milliards d’années, cela nous laisse un peu de temps… Il est plus que nécessaire d’avoir cette lucidité difficile et de résoudre le problème de manque d’éducation au développement durable. »

Entre Palestine et sans-papiers

Une grande table rectangulaire aux accents équitables, du jus de fruit au chocolat, en passant par le sucre. Et une entrée en matière commune pour les trois candidats bruxellois : sont-ils venus en hélicoptère, comme le ministre de la défense André Flahaut pour aller voir le film d’Al Gore sur… le réchauffement climatique ? Rires sincères. Non, aucun n’est venu par les airs. Seule Joëlle Milquet affiche un air plus coupable. « Mais j’avoue, je ne suis venue ni à pied, ni en vélo, ni en transports en commun… » Aucun problème de conscience pour Jean Cornil, grand habitué de la Stib.

En dehors des quatre grands thèmes de l’interpellation, Oxfam a prévu quelques petites questions bonus, dont la dernière surprendra plus ou moins tous les candidats. C’est Denis Lambert qui dirige les débats. Et n’hésite pas à intervenir lorsque le discours ronronne un petit peu trop pour lui.

Premier « bonus » : la Palestine. À quand la fin des sanctions qui pèsent sur l’Autorité palestinienne ? Et quand la Belgique se résoudra-t-elle à suspendre ses accords d’association avec Israël, puisque ce dernier n’en respecte pas les termes ? « La suspension de l’aide aux Palestiniens s’est faite dans la précipitation », estime Zoé Genot. Jean Cornil, lui, connaît bien le pays pour y avoir été à plusieurs reprises. « Les positions du PS sont tout à fait favorables à vos propositions. » Joëlle Milquet apparaît moins tranchée. « J’estime qu’il ne faut pas aborder le problème de manière unilatérale. Du côté palestinien, on trouve un problème de reconnaissance d’Israël et de contrôle du terrorisme. Ce qu’il faut, c’est une politique volontariste vis-à-vis des deux parties. »

Deuxième sujet abordé en fin de rencontre : les sans-papiers, en Belgique. Avec, en toile de fond, les centre fermés. Zoé Genot est favorable à la création d’une commission structurelle. « Quant aux centres fermés, eh bien, il faut les fermer. Ce sont des zones de non droit injustifiables. Nous n’avons pas le droit d’enfermer des gens qui n’ont commis aucun délit. » Joëlle Milquet ne dit pas autre chose : « Les centres fermés sont une injure au système démocratique. » Et de faire une double proposition. Acte un, une opération « one shot » de régularisation afin de « vider le contentieux ». Acte deux, la création d’une commission travaillant sur base de critères « le moins injustes possibles et objectifs, pour éviter l’arbitraire du ministre ». Au final, ce sera Jean Cornil le plus mitigé. « Elio Di Rupo a pris l’engagement de faire de la régularisation une affaire de gouvernement. Par contre, je crains que les centres fermés ne soient nécessaires. Sinon, c’est la prison. Mais il faut absolument limiter les catégories de gens que l’on y place ! »

En guise d’au revoir, chaque candidat repart avec son cadeau Oxfam. Petit sac à dos en toile, un « mètre Ikea », ainsi que la pétition, du savon de Palestine – « parce que nous n’avons plus d’huile pour l’instant » – et une tasse « pour y verser du café équitable ».