La loi organique des Centres Publics d’Action Sociale prévoit le dispositif de réinsertion de bénéficiaires sociaux dans le monde du travail par ce qu’on a appelle les contrats « Article 60§7 ». Des organisations d’économie sociale ont la possibilité de disposer de ces travailleurs·euses. Sur la base du modèle actuel des équipes locales de bénévoles d’Oxfam-Magasins du monde, est-il possible d’utiliser ce dispositif ? Quelles seraient les balises à mettre en place ? Cette analyse ne brosse pas les nombreux enjeux qui entourent ce dispositif mais, en se basant sur l’exemple concret de l’équipe de Herve et de leur partenaire Nos Racines, donne une vision critique du projet et des difficultés vécues.
Introduction
Depuis 1976, la loi organique des Centres Publics d’Action Sociale prévoit le dispositif de réinsertion de bénéficiaires sociaux dans le monde du travail par ce qu’on a appelle les contrats « Article 60§7 ». Une vingtaine d’années plus tard, des organisations d’économie sociale obtiennent la possibilité de disposer de ces travailleurs·euses au sein de leur organisation.
En nous basant sur le modèle actuel de nos équipes locales de bénévoles, comment insérer le dispositif au sein de notre organisation ? Quelles seraient les balises à mettre en place ? Comment concevoir la réinsertion sociale avec l’identité d’Oxfam-Magasins du monde ?
Cette analyse ne brossera pas les nombreux enjeux qui entourent ce dispositif mais en nous basant sur l’exemple concret de l’équipe de Herve et de leur partenaire Nos Racines, nous pourrons entrevoir le projet et les difficultés vécues et avoir une vision critique de sa mise en place dans un mouvement d’éducation permanente comme le nôtre.
Le dispositif « Article 60 » en pratique
Concrètement,cette mesure s’adresse aux personnes qui répondent aux conditions suivantes : être bénéficiaire de l’aide sociale ou du revenu d’intégration sociale, être inscrit au registre de la population ou au registre des étrangers et ne pas avoir droit à des allocations sociales complètes.
Le travailleur sous « article 60§7 » signe un contrat de travail avec le CPAS qui devient légalement l’employeur, qu’il effectue son contrat au sein du CPAS ou qu’il soit mis à disposition d’une autre structure. Le contrat « article 60§7 » est limité dans le temps en fonction des profils des bénéficiaires. Ces contrats dépassent rarement les 36 mois[1]Véronique HUENS, « Article 60§7. Derrière le mécanisme administratif : des travailleurs, des réalités et des enjeux. » Analyse SAWB, pp. 1-2 http://www.saw-b.be/spip/IMG/pdf/a1311_art60.pdf. Le salaire des travailleurs·euses engagé·e·s sous « article60§7 » est donc pris en charge par le CPAS ainsi que les avantages financiers (chèque-repas, treizième mois, etc.). Ces règlementations peuvent être variables d’un CPAS à l’autre.[2]Ibid.
La mise à disposition de personnes sous statut « Article 60 » peut se faire auprès de plusieurs types de structures externes aux CPAS telle que les communes, les hôpitaux publics, les ASBL, etc. Des réglementations subsidiaires particulières s’appliquent en fonction du lieu de mise à disposition. Dans les faits, les bénéficiaires sont essentiellement mis à disposition de structures qu’on appelle « initiatives ou entreprises d’économie sociale ».
Pour pouvoir collaborer avec les CPAS et disposer gratuitement de travailleurs/euses sous le statut « Article 60 », il s’agit pour une organisation comme Oxfam-Magasins du monde d’être reconnue initiative d’économie sociale[3]Par économie sociale, au sens du présent décret, on entend les activités économiques productrices de biens ou de services, exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à … Continue reading par la Région wallonne.
Comment envisager la mise à disposition de personnes sous contrat Article 60 au sein d’Oxfam-Magasins du monde ?
Oxfam-Magasins du monde est un mouvement de citoyens et de citoyennes mobilisé·e·s pour construire la justice socioéconomique en combattant les inégalités et les injustices de manière structurelle et globale, tant au niveau local avec notre mouvement, qu’aux niveaux national et international grâce à nos relais au sein d’Oxfam International. Nous menons à bien cette mission sur base de nos valeurs : la justice, la solidarité, la dignité, l’égalité. Nous aspirons à un monde dans lequel tous les hommes et femmes sont considéré·e·s et traité·e·s sur un pied d’égalité, exercent pleinement leurs droits et peuvent influencer les décisions qui touchent à leur vie.
Au niveau local, le mouvement est structuré autour d’une soixantaine d’équipes, composées chacune d’une trentaine de bénévoles qui organisent leurs activités autour de trois pôles :
- L’éducation permanente : se former en partant de l’expérience pour apprendre en équipe, se sensibiliser et sensibiliser les autres, faire vivre les campagnes ;
- L’organisation d’alternatives commerciales : la vente de produits du commerce équitable de nos partenaires du Sud et du Nord ainsi que des vêtements et livres de seconde main ;
- La sensibilisation et l’interpellation des citoyen·ne·s, des pouvoirs publics et des entreprises afin de promouvoir les changements nécessaires à un développement durable et solidaire.
Chaque bénévole Oxfam-Magasins du monde adhère aux valeurs de l’organisation, s’engage au sein d’un mouvement de citoyen·ne·s et s’organise en équipe locale dans la mise en œuvre des 3 pôles d’activités.
Notre mouvement est au pilotage d’une entreprise d’économie sociale et solidaire. Cela signifie que chaque bénévole a une parcelle de pouvoir. Il/elle débat, donne son avis et participe à la prise de décision à travers les instances du mouvement.
En tant qu’initiative d’économie sociale, et compte tenu de la structure de notre mouvement de bénévoles en équipes locales, comment concevoir le dispositif « Article 60 » ?
Mise en œuvre d’un projet de réinsertion sociale : exemple de Nos Racines à Herve
En février 2018, l’équipe Oxfam-Magasins du monde locale de Herve et l’équipe Nos Racines ont concrétisé un partenariat existant depuis de nombreuses années en fusionnant leurs activités dans une même surface commerciale.
Nos Racines est un projet du groupe Li Cramignon, un commerce local qui promeut une autre manière de se nourrir et de consommer en proposant des produits locaux, bio et en circuit-court. Ce projet est porté par l’asbl De Bouche à Oreilles – DBAO, une association d’éducation permanente. Nos Racines emploie trois salariés permanents et renforce son équipe par des travailleurs·euses sous statut « Article 60 » tout au long de l’année. Ces travailleurs·euses sont autant à la préparation des commandes (de paniers de produits frais) qu’à la caisse du magasin, côtoyant directement les bénévoles Oxfam.
Le magasin est structuré en deux parties, commerce équitable d’Oxfam-Magasins du monde d’un côté, produits frais et locaux de Nos Racines de l’autre. Pour faciliter l’organisation et les comptes de chaque association, le comptoir est partagé en deux espaces avec deux caisses distinctes. Les permanences du magasin sont assurées par les bénévoles d’Oxfam-Magasins du monde pour la partie commerce équitable et par des travailleurs·euses « Article 60 » pour la partie Nos Racines. Les salarié·e·s permanents de Nos racines sont présent·e·s dans un bureau à l’arrière du magasin.
L’asbl DBAO possède une longue expérience de réinsertion sociale par le biais de son projet d’économie sociale « les 3R » qui est une entreprise d’insertion sociale et socioprofessionnelle basée sur le réemploi, la réutilisation, le recyclage. Ce sont les valeurs et la dynamique d’économie sociale qui ont poussé l’asbl à accueillir des travailleurs·euses sous ce statut. À la création de Nos Racines, également dans une dynamique d’économie sociale, l’agrément a été étendu. Actuellement quatre travailleurs·euses en insertion y travaillent.
Le souhait de DBAO est que ce dispositif de réinsertion sociale soit un projet à part entière, parallèle au projet Nos Racines.Alain Klein, directeur de DBAO, en détaille l’objectif : « bien sûr que sans ces travailleurs·euses nous n’assurerions pas la viabilité du magasin Nos Racines. Mais plutôt que d’envisager ces travailleurs·euses comme de la main d’œuvre « bon marché », on essaie d’aller plus loin, que ce projet de réinsertion ait vraiment du sens. On essaie que le passage de ces travailleurs·euses chez nous soit une réelle plus-value dans leur parcours de vie future et qu’ils se projettent aussi vers l’après, qu’ils puissent se donner des objectifs. » [4]Entretien Alain Klein, directeur de l’asbl DBAO, le 25 octobre 2019 Les travailleurs·euses participent pleinement aux réunions d’équipes et ont la possibilité d’évoluer dans la structure. Leurs compétences sont valorisées en fonction de leur domaine de prédilection.
Avec cet objectif ambitieux, le suivi et l’encadrement de ces travailleurs·euses demande un gros travail de la part du personnel salarié. En parallèle aux évaluations réalisées par le CPAS, DBAO se met des objectifs de supervisions et des évaluations internes. C’est une démarche que l’association a toujours tenu à construire. Un (ou plusieurs) référent est désigné au sein de l’équipe salariée. Il assure la formation de base du travailleur, son suivi au quotidien et plusieurs évaluations en cours de parcours. Selon Alain Klein, le temps de travail dévolu à ce suivi est conséquent et non négligeable. Ce n’est d’ailleurs pas toujours simple à gérer pour le personnel encadrant : « il faut savoir qu’on est face à des réalités sociales et socioéconomique très larges, avec des profils parfois très différents mais aussi difficiles à gérer. Des personnes qui sont parfois en grande précarité sociale, familiale, économique ou culturelle. »[5] Ibid. Cette variété de profils et de compétences fait qu’il est compliqué d’avoir les mêmes attentes et exigences pour tout le monde et notamment par rapport à des bénévoles qui font leur travail avec passion depuis des années.
Enfin, dans ce projet de réinsertion sociale, Nos Racines développe une démarche d’éducation permanente par la sensibilisation de ces travailleurs·euses à la philosophie du projet, basé sur des valeurs et des alternatives. Après une formation de base sur l’identité de l’association, c’est par l’expérience concrète que les travailleurs·euses sont sensibilisé·e·s et comprennent la raison d’être de Nos Racines : « On essaie de leur faire voir toutes les facettes du projet. Ils ont l’opportunité de suivre tout le parcours d’un produit, du producteur local à l’achat du produit en magasin. C’est plus facile d’être sensible à ce qu’on défend lorsqu’on le vit. » [6]Ibid. L’éducation permanente est donc un fil rouge dans ce programme par une prise de conscience des enjeux d’une production et d’une consommation plus respectueuse de l’homme et la planète et le développement d’une capacité d’action et de réflexion.
Le projet vécu à travers l’expérience des bénévoles Oxfam de Herve
L’expérience est intéressante à analyser car les bénévoles d’Oxfam-Magasins du monde furent amené·e·s à collaborer avec les travailleurs·euses sous statut « Article 60 » sans avoir connaissance des tenants et aboutissants du projet de réinsertion sociale. Cela nous permet d’identifier les difficultés rencontrées et quelles balises mettre en place avant de concrétiser ce type de projet.
Côtoyant de manière quotidienne les travailleurs·euses sous statut « Article 60 », les bénévoles ont très vite rencontré des difficultés liées à la méconnaissance du projet de manière générale et la confusion entre insertion sociale et insertion socioprofessionnelle.
L’idée de la réinsertion sociale se réfère à la réintroduction dans la communauté d’un individu qui, pour une raison ou une autre, a été marginalisé. Le concept est souvent utilisé pour nommer les efforts visant à ramener les gens en dehors du système social dans le système.[7]Site internet, DEFINITION SIMPLE, https://definition-simple.com/reinsertion-sociale/ La mise à l’emploi via le dispositif « Article 60§7 » vise à réinsérer les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sur le marché du travail par le biais d’une expérience professionnelle,’objectif premier étant de leur permettre la récupération de leur droit aux allocations de chômage.
Cela est à distinguer de l’insertion socioprofessionnelle qui est prise en charge par des structures qui forment et accompagnent les demandeurs d’emploi fragilisés. Le dispositif « Article 60§7 » ne prévoit pas de formations professionnalisantes ni d’orientations professionnelles. Alain Klein, directeur de DBAO décrit le projet comme « un accompagnement social, de la réinsertion dont le but du parcours est de remettre les travailleurs·euses dans une dynamique d’emploi, de retrouver le cadre d’un travail : se lever tous les matins, être à l’heure, pouvoir réaliser des tâches, etc. Nous ne sommes pas là pour les former à un métier. »[8]Entretien Alain Klein, directeur de l’asbl DBAO, le 25 octobre 2019
Ensuite, les bénévoles Oxfam ont souligné des difficultés de compréhension des uns et des autres liées à une méconnaissance des différences de statut et la prise de conscience des différences de motivations.
Les travailleurs·euses en réinsertion sont liés à un contrat de travail avec le CPAS. Même si le travailleur s’engage de manière volontaire dans ce projet, le caractère contraignant est évident. Les motivations à s’investir dans le projet peuvent évoluer mais au départ, ces travailleurs·euses ne sont pas là pour la philosophie de l’organisation ou ce qu’elle défend.
Le statut des bénévoles est évidemment tout autre. Le bénévolat est le « résultat d’un engagement libre, acte gratuit, non contractuel, désintéressé et tourné vers autrui. »[9]Article collectif du CESEP, « La gestion des ressources humaines bénévoles » Le Volontariat en Wallonie et Bruxelles, Regards du monde associatif et de la recherche académique, publication du … Continue reading Chez Oxfam-Magasins du monde, c’est un contrat moral qui lie les bénévoles à un projet collectif qui rencontre les aspirations individuelles de chacun.e. Le bénévole est libre de s’investir ou de se désinvestir. Il·elle peut donc arrêter son bénévolat quand il·elle le souhaite.
Les motivations à un engagement en tant que bénévole sont multiformes. Comme le décrit Anne-Marie Dieu, il y a les motivations idéologiques (défendre des valeurs), altruistes (aider les autres), des motivations affectives (se faire des amis) et utilitaristes (expérience à valoriser sur un CV)[10]Anne-Marie DIEU, « Le processus de l’engagement volontaire et citoyen : des valeurs, des individus et des associations », pp.2-3 … Continue reading. L’équipe de Herve a un profil militant, portée sur la sensibilisation du public à l’alternative que représente le commerce équitable. Leurs motivations sont surtout d’ordre idéologique.
Ainsi, les bénévoles envisagent leurs actions et la réalisation de leurs tâches et activités comme guidées par les valeurs de l’organisation. C’est donc très différent d’un travailleur·euse salarié·e qui exécute des tâches telles qu’elles lui ont été décrites par son employeur.
Une autre difficulté rencontrée réside dans la durée de l’engagement. Pour les bénévoles Oxfam, l’engagement est durable, ils·elles sont fidèles à l’organisation et s’engagent généralement pour de longues années. La durée d’emploi d’un travailleur·euse sous statut « Articles 60 » varie entre 12 et 36 mois,la durée moyenne étant plutôt de 18 mois. Cela implique donc un turn-over important et un travail de réadaptation à répéter avec chaque nouveau travailleur·euse.
Après avoir rencontré toutes ces difficultés, une « réunion gouvernance » a rassemblé les salariés de Nos Racines, le directeur de DBAO et les bénévoles Oxfam. Ceux-ci ont pu obtenir une information détaillée du dispositif de réinsertion sociale sous statut « Article 60 » et mieux comprendre les objectifs de celui-ci.
Afin de garantir la bonne gestion du magasin mais aussi de la collaboration avec les travailleurs·euses sous statut « Article 60 », les équipes Oxfam et Nos Racines ont mis en place le groupe « vie quotidienne ». Un organe où se rencontrent une fois par mois les bénévoles Oxfam et une salariée de Nos Racines. Cet organe, au sein duquel chacun·e est clairement identifié·e, permet de rapporter et de discuter les vécus des référent·e·s des travailleurs·euses sous statut « article 60 » ainsi que des bénévoles délégué·e·s par l’équipe.
Ces rencontres se déroulent sous le signe de la bienveillance et du respect de chacun·e. Lorsque les difficultés concernent des personnes particulières, une cellule, composée de trois bénévoles qui s’occupent particulièrement de la gestion des ressources humaines dans l’équipe, renforce le groupe pour apporter son aide à la résolution du conflit.
Aujourd’hui le projet évolue et la collaboration est positive. Une travailleuse en insertion s’est investie dans ce groupe « vie quotidienne » qui gère la collaboration des deux équipes dans le lieu. Les bénévoles Oxfam sont ravis de la voir prendre des responsabilités et s’investir de plus en plus dans la vie du magasin. L’équipe Oxfam de Herve est bienveillante, une qualité humaine qui permet cette bonne collaboration.
Comment envisager la concrétisation de ce genre de projet ?
En s’appuyant sur l’expérience de Nos Racines et celle vécue par les bénévoles Oxfam, nous pouvons formuler quelques recommandations avant de concrétiser un projet de réinsertion de travailleurs·euses sous statut « Article 60 ».
Le projet de réinsertion de travailleurs·euses est porteur de sens à condition qu’il soit réfléchi comme un projet d’économie sociale à part entière. Le projet n’est intéressant que s’il est envisagé avec des objectifs qui dépassent le simple fait de disposer d’une main d’œuvre bon marché.
Une organisation comme la nôtre pourrait développer sa créativité pour apporter une plus-value à ce projet de réinsertion sociale. Par exemple, l’envisager comme un projet collectif, humain et bienveillant, transcendé par une démarche d’éducation permanente qui amène chacun·e à se questionner, questionner nos représentations sociales et permettre à chacun·e de s’émanciper.
Cette démarche d’éducation permanente, nous la pratiquons déjà avec nos bénévoles. Une organisation telle qu’Oxfam-Magasins du monde a-t-elle les ressources pour développer des objectifs d’émancipation avec les travailleurs·euses en réinsertion sociale ? Cela demanderait à notre mouvement de développer de nouveaux enjeux stratégiques et de nouveaux axes d’action dans le cadre du contrat-programme et qui nous lie avec la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Nous l’avons vu au travers l’expérience de Nos Racines et de l’équipe Oxfam de Herve, pour que le projet réussisse, beaucoup de temps et d’énergie sont consacrées à l’information au sein de l’équipe. Il est essentiel que chacun·e comprenne les enjeux du dispositif mais aussi la place et le rôle de l’autre dans l’organisation. Cette communication est principalement pratiquée lors des réunions d’équipe.
Il est essentiel également que bénévoles et travailleurs·euses puissent communiquer sur les difficultés vécues dans cette collaboration et puissent trouver des solutions, des compromis. Pour répondre à cet objectif, les équipes Oxfam et Nos Racines ont mis en place le groupe « vie quotidienne ». Ces entrevues demandent un investissement considérable et des compétences humaines indispensables.
Les équipes bénévoles d’Oxfam-magasins du monde peuvent compter sur le Plan Dynamique des Bénévoles pour leur apporter un cadre quant à la gestion humaine de leur équipe. Ce plan, créé et rédigé par une commission de salariés et bénévoles, se révèle être une base solide pour appuyer les équipes dans le domaine de l’accueil, de la formation, de l’évaluation et de la reconnaissance des bénévoles. Il soutient les équipes dans le renforcement du projet collectif où chacun trouve sa place, dans un cadre convivial et épanouissant.
Cette gestion d’équipe, souvent coordonnée par quelques bénévoles qui se rassemblent en Cellule DDB demande déjà beaucoup de temps et d’investissement. Rajouter des missions et objectifs d’un projet d’économie sociale avec l’encadrement de travailleurs·euses en réinsertion sur une équipe bénévole nous parait lourd à mettre en œuvre et à porter.
Nous savons que toutes les équipes d’Oxfam-Magasins du monde ne seraient pas en capacité de mettre en place cette gestion qui implique une identification de référent·e·s pour les travailleurs·euses, une cellule DDB active, des réunions régulières pour permettre l’expression des vécus et la résolution d’éventuels conflits.
Les équipes qui se révèleraient capables sont généralement des équipes autonomes et qui assurent l’ensemble de leurs activités. Or une contradiction se présente, les équipes qui auraient davantage besoin de travailleurs·euses pour les renforcer dans leurs missions de vente se révèlent souvent aussi faibles en gestion humaine avec une cellule DDB peu active et une vie d’équipe peu dynamique.
Enfin, une question essentielle à étudier est celle de la désignation des référents officiels des travailleurs sous statut « Article 60 ». Dans la convention de partenariat avec les CPAS, il y a l’obligation pour la structure accueillante de désigner un ou plusieurs référent·e·s pour les travailleurs·euses sous statut « Article 60 ». Les salarié·e·s d’Oxfam-Magasins du monde ne sont pas présents quotidiennement dans les magasins, comment organiser la supervision à distance ? Des bénévoles pourraient-ils endosser ce rôle avec tous les enjeux que cela comporte ?
Conclusion
Cette analyse nous a permis de mieux appréhender le système de mise à disposition de travailleurs·euses sous statut « Article 60 ». Nous avons pu le relater de manière concrète au travers d’une expérience vécue par des bénévoles et une association partenaire.
Par les difficultés rencontrées et la manière dont les équipes Oxfam et Nos Racines gèrent la collaboration, il nous semble compliqué d’envisager la mise en place de ce projet de manière structurelle. Ce projet d’insertion de travailleurs sous statut « Article 60 » nous parait complexe et devra être mûrement réfléchi avec une mise en place « au cas par cas ». En effet, chaque équipe a une vitalité et une capacité dans la gestion humaine de son groupe qui lui est propre.
Il est essentiel que le besoin d’une équipe d’être renforcée par des travailleurs·euses soit envisagé avec sa capacité à accueillir ces profils. Il est primordial que l’équipe et les travailleurs·euses en insertion sociale soient encadré.e.s par l’équipe salariée tant pour assurer une bonne collaboration que pour superviser les travailleurs selon la convention conclue avec le CPAS.
Enfin, nous pensons que le projet de réinsertion sociale de travailleurs sous statut « Article 60 » n’a de sens que s’il est envisagé comme un projet d’économie sociale à part entière avec comme fil rouge, l’éducation permanente. Notre mouvement poursuit déjà des objectifs d’éducation permanente avec nos bénévoles. Une organisation telle que la nôtre a-t-elle les ressources pour se donner de mêmes objectifs avec des travailleurs/euses sous statut « Article 60 » ?
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Notes