Face à l’urgence climatique, la perte de biodiversité et la précarité qui touchent le monde rural, l’agroécologie est largement reconnue comme une solution systémique pour transformer nos systèmes alimentaires. Pourtant, s’engager dans cette transition n’est pas sans risque pour les agriculteur·ices, nécessitant des investissements coûteux et entraînant parfois des baisses temporaires de rendements. Pour sécuriser cette démarche, il est crucial de développer des Chaînes d’Approvisionnement Agroécologiques (CAAE) qui garantissent aux producteur·rices des débouchés fiables et des prix véritablement rémunérateurs. C’est dans ce contexte qu’Agroecology in Action (AiA) – un mouvement regroupant 40 organisations belges – et Oxfam-Magasins du monde ont mené une étude approfondie pour définir le socle minimal de critères que ces chaînes doivent respecter pour grandir sans perdre leur âme.
L’étude, basée sur l’analyse de quatre modèles concrets en Wallonie (Bel’grain, Farm For Good, Cultivae et le Collectif 5C), a simplifié les 13 principes internationaux du HLPE en quatre piliers fondamentaux. Ces piliers sont : le caractère agroécologique des pratiques agronomiques, l’équité des pratiques commerciales, l’existence d’une gouvernance collective et démocratique, et l’existence d’engagements formalisés entre les acteurs. Le message clé est clair : pour être considérée comme réellement agroécologique et éviter tout risque de « green-washing » ou de conventionnalisation, une filière doit intégrer ces dimensions à chaque maillon.
Quelles sont donc les règles non négociables ? Premièrement, sur le plan agronomique, le minimum exigé est le plancher minimal bio. Deuxièmement, les pratiques commerciales doivent être équitables. Pour les circuits-courts, cela signifie le respect des principes de l’économie sociale, notamment un prix fixé par ou en accord avec les producteur·ices et une marge commerciale minimisée. Pour les chaînes longues, l’exigence minimale est d’octroyer un prix juste calculé sur la base des coûts de production durable, idéalement intégrant les charges et les risques liés à la transition.
Enfin, le succès durable des CAAE repose sur un principe de réciprocité formalisée. Il doit y avoir un équilibre entre les engagements agronomiques des agriculteur·ices (le passage à l’agroécologie) et les engagements économiques de l’aval (le prix juste). Dans les chaînes longues, cela se traduit par l’utilisation de systèmes de certification en tierce partie (comme la combinaison des labels bio et Prix Juste Producteur) ou, à défaut, par la mise en place d’outils de contractualisation commerciale formelle et pluri-annuelle, incluant des clauses dérogatoires en cas d’aléas climatiques. En définissant ce cadre d’exigences claires et progressives, cette analyse permet aux autorités publiques de conditionner les soutiens et le financement des filières afin de bâtir des Systèmes Alimentaires Territorialisés (SAT) résilients.
Téléchargez l’étude et le Policy Brief
Pour découvrir en détail l’analyse des modèles de terrain (Bel’grain, Farm For Good, Cultivae, Collectif 5C) et les recommandations politiques complètes pour structurer l’offre agroécologique en Belgique, vous pouvez télécharger : L’Étude Complète : «Chaînes d’approvisionnement agroécologiques : Caractérisation de différents modèles et définition d’un socle commun, en vue d’une mise à l’échelle de la transition».
Le Policy Brief : «Caractérisation de différents modèles de chaînes d’approvisionnement agroécologiques et définition d’un socle commun en vue d’une mise à l’échelle de la transition».
Notes
L’étude intitulée « Caractérisation de différents modèles de chaînes d’approvisionnement agroécologiques et définition d’un socle commun, en vue d’une mise à l’échelle de la transition » est le fruit d’une collaboration entre Oxfam-Magasins du monde et le mouvement Agroecology in Action (AiA).
Agroecology in Action (AiA) est le mouvement qui promeut l’agroécologie et les systèmes alimentaires solidaires en Belgique francophone. Créée en 2016 à la suite d’un forum citoyen soutenu par Bruxelles Environnement, cette plateforme rassemble aujourd’hui 40 organisations de Bruxelles et de Wallonie. L’objectif principal d’AiA est d’impulser un changement systémique dans les systèmes alimentaires, en plaidant auprès des décideur·euses politiques et en apportant un soutien aux acteur·ices de terrain pour multiplier les projets agroécologiques en Belgique. La force d’AiA réside dans la diversité de ses membres, incluant des mouvements paysans, des syndicats, des ONG, des chercheurs et des collectifs citoyens, qui défendent ensemble une vision commune de l’agroécologie.
L’étude a été spécifiquement rédigée par Patrick Veillard d’ Oxfam-Magasins du monde en collaboration avec le sous-groupe de travail d’AiA intitulé « Systèmes alimentaires territorialisés (SAT) en agroécologie ». Ce sous-groupe de travail comprend notamment des organisations clés telles que 5C, AE lab ULB, CNCD, Farm For Good, FIAN, Fugea, GASAP, MAP, et UNAB.