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Pour sensibiliser le grand public à ses thématiques, expliquer ses campagnes et mettre les citoyennes et citoyens en action, Oxfam-Magasins du monde créé des outils pédagogiques et d’information. Les utilisations de ces outils sont multiples : réaliser une animation en classe ou en dehors du contexte scolaire, mettre en action un groupe de personnes, sensibiliser le grand public lors de stands, informer sur les thématiques d’une campagne…
En septembre 2016, nous avons créé un nouvel outil : une exposition pour la campagne « Cultivons des alternatives », menée par Oxfam-Magasins du monde de septembre 2016 à juin 2017.
Nous souhaitions être innovants avec cet outil, et ne pas créer, une fois de plus, des roll-up informatifs. Bien que pratiques d’utilisation, ces roll-up manquent parfois d’attractivité. Il nous semblait dès lors intéressant de développer un nouveau design et de nouvelles fonctionnalités à l’occasion de cette exposition.
Nous avons saisi l’opportunité de réaliser une exposition sous forme de grands cubes en carton qui présenteraient les différentes étapes du système alimentaire. Nous avons décidé d’y inclure de la réalité augmentée. Présent depuis plusieurs années déjà dans le monde informatique, ce concept se développe et est utilisé pour des applications de plus en plus diversifiées.
Qu’est-ce que la réalité augmentée ?
La réalité augmentée désigne toutes les interactions entre une situation réelle et des éléments virtuels tels que de la 3D, des images 2D ou de la géolocalisation. Cette interaction est rendue possible par un “device”, à savoir un appareil qui va faire office d’unité de calcul.
Concrètement, la réalité augmentée combine le monde réel et les éléments numériques en temps réel, offre à l’utilisateur des possibilités d’interaction en temps réel, et repose généralement sur un environnement 3D[1. Définition proposée par Ronald T. Azuma, chercheur à l’Université de Caroline du Nord, dans son livre « A survey of Augmented reality », 1997.].
Pour notre exposition, nous avons demandé à une entreprise, Baku-Digital, de créer une application sur la base des visuels que nous lui avions fournis. Nous souhaitions un contenu informatif mais ludique sans trop de texte, car il y en avait suffisamment sur les cubes. Avec l’équipe de création, nous avons décidé d’imaginer des jeux pour chacun des cubes.
Beaucoup de visuel et peu de texte, c’est peut-être ça le succès de la réalité augmentée.
Ce qui se fait ailleurs
Les ONG commencent petit à petit à utiliser les réalités augmentée et virtuelle, bien conscientes que c’est un nouveau mode de communication très prisé par leurs sympathisant·e·s.
Amnesty international propose de s’immerger dans une ville syrienne, afin de constater de visu les dégâts causés par la guerre. Très réaliste, et toujours très visuel, ce dispositif permet de s’immiscer au plus près de l’action, « comme si on y était ».
Unicef-Canada propose à ses sympathisant·e·s de se rendre sur le terrain, grâce à de la réalité virtuelle. A l’aide d’une application à télécharger et d’un support en carton dans lequel on insère le smartphone, Unicef propose différents documentaires pour faire comprendre au mieux ce qui se passe sur le terrain.
En Belgique, Oxfam-Wereldwinkels, nos collègues néerlandophones ont proposé ce même dispositif lors du fair forum organisé le 9 septembre dernier à Mechelen. Les personnes qui enfilaient des lunettes virtuelles, se retrouvaient pour quelques minutes dans la peau d’un enfant en exil.
Tous ces dispositifs permettent de s’immerger partiellement ou totalement dans un autre univers. Ils permettent de se projeter dans la réalité, d’être virtuellement sur le terrain, de vivre ce qu’à la simple lecture d’informations, l’imagination ne peut combler. Et cela, parfois mieux que la réalité car la RA augmentée permet d’accélérer ou ralentir le temps ainsi que de montrer des détails que l’œil ne voit pas ou au contraire d’élargir le champ au-delà de ce que l’œil peut voir.
C’est ainsi que, par exemple, avec l’outil que nous avons créé pour notre exposition cubes, on peut comparer la culture de deux champs (pesticides et monoculture d’un côté, engrais naturel et diversification des cultures de l’autre) ou se plonger au plus près d’un compost afin de savoir ce qu’on peut y jeter dedans.
Regards croisés sur la réalité augmentée
Pour avoir différents retours sur l’utilité de la réalité augmentée (RA) pour une association telle qu’Oxfam-Magasins du monde, et comprendre l’impact de l’utilisation de la RA sur l’un de nos outils, nous avons interrogé différentes personnes.
Arnaud Loir, de Baku-digital est l’un des concepteurs de l’application ; Lucie, élève en rhéto (2016-2017) dans une école bruxelloise et Françoise, bénévole chez Oxfam-Magasins du monde ont pu utiliser l’application, respectivement lors d’une animation en classe et lors d’une formation de bénévoles. Carole Van der Elst est animatrice et formatrice chez Oxfam-Magasins du monde et a proposé l’animation avec la réalité augmentée auprès d’adolescent·e·s.
Pour vous, quels sont les avantages d’une application telle que celle proposée par Oxfam-Magasins du monde ?
Arnaud : Pouvoir faire passer un message fort de manière ludique. Les gens lisent de moins en moins, il y a des études qui ont démontré ce fait. Dès lors, proposer une animation avec un contenu ludique et informatif permet de faire passer un message d’une autre manière. Ce n’est pas parce que ce n’est pas du texte que le message sera peu ou mal perçu. Au contraire, cela peut permettre une meilleure compréhension, grâce aux dessins, aux animations, aux bruitages… Un autre avantage de la RA, c’est que le public à qui on s’adresse est très large, car même dès le plus jeune âge, des enfants qui ne savent pas encore lire peuvent s’y intéresser ! Et jusqu’à… En fait, il n’y a pas de limite d’âge !
Carole : Clairement, le côté ludique ! Mais tout en étant pédagogique, c’est ça qui est intéressant. Pour les jeunes, c’est l’idéal ! Venir avec un autre support que celui auquel ils sont habitués (ndlr : tableau et craies), cela permet de capter l’attention. Ils seront plus réceptifs à ce qui leur sera dit. Et pour Oxfam-Magasins du monde, chez qui je travaille, cela permet de montrer qu’on s’adapte aux réalités technologiques d’aujourd’hui car de plus en plus de personnes sont en possession d’un smartphone, peu importe leur âge.
Lucie : Le côté fun, les jeux ! Pouvoir utiliser son smartphone en classe, quand notre professeur nous le demande, c’est sympa aussi (rire) ! Mais en même temps, j’ai appris des choses que je n’aurais pas forcément lues sur l’expo, car il y a quand même beaucoup de texte ! Ce sont des jeux, mais éducatifs, et ça, c’est chouette !
Françoise : Pour les personnes plus âgées, comme moi qui ne suis pas née dans toute cette technologie, je ne vois pas vraiment d’avantage. Oui, c’est bien fait et c’est rigolo, mais je n’ai pas de smartphone, donc je n’aurais pas pu y jouer par moi-même. Mais je reconnais que c’est sympa les petites animations. En tant qu’ancienne enseignante, je trouve que c’est bien de montrer indirectement Oxfam comme ouvert à l’utilisation pédagogique de cette technologie, ça passe bien auprès des jeunes.
Est-ce obligatoire d’avoir de la réalité augmentée pour qu’une animation soit ludique ?
Arnaud : mon métier est de créer des supports de réalité augmentée, ce ne serait pas de la publicité de dire le contraire ! (rire) mais je suppose qu’avec un bon animateur, et quelques bouts de ficelle, tout est possible !
Carole : Bien sûr que non, car ce n’est que la première fois que nous produisons un outil avec une telle technologie, or cela fait longtemps qu’Oxfam-Magasins du monde propose des animations, bien avant toute cette technologie ! Mais c’est important de se poser la question car dans quelques années (voire déjà demain !) ce genre de technologie sera de plus en plus utilisée, et il faut qu’on reste « à la page », pour que les jeunes qu’on désire sensibiliser continuent à nous faire confiance et nous suivre.
Lucie : Non évidemment, c’est pas obligatoire, mais je pense que ça va devenir de plus en plus courant. Tous mes amis ont un smartphone, et il y a déjà plein d’applications qui utilisent la réalité augmentée, comme Snapchat et Pokemon Go ! Je pense que si Oxfam continue à avoir de la réalité augmentée dans ses animations, ça permettra aux jeunes de s’intéresser à tout ce que vous faites. En tout cas, moi je serai intéressée !
Quels sont les inconvénients de la réalité augmentée ?
Arnaud : Le souci majeur est que ce n’est pas encore à la portée de tout le monde. Il faut pour pouvoir utiliser cette fonctionnalité être équipé·e d’un smartphone ou d’une tablette. Mais je pense que ce genre d’appareil se généralise de plus en plus, surtout après des plus jeunes. Il y a également une contrainte extérieure aux utilisateurs, c’est l’absence de wifi, utile pour télécharger l’application requise.
Carole : [Pour moi aussi], c’est le fait que tout le monde n’ait pas le matériel adéquat qui est un inconvénient. Dans les écoles, les jeunes ont pour la plupart un smartphone, mais il n’y a pas toujours le wifi. Ce qui me pose problème, mais à titre plus personnel, c’est que les personnes désireuses d’utiliser le matériel soient obligées de télécharger l’application sur leur téléphone. Une solution pourrait être de venir en classe avec nos propres tablettes, et ainsi de ne pas contraindre les utilisateurs de télécharger quelque chose qu’ils ne souhaitent pas. Le coût de cette application est également un frein, mais peut-être que ça aura tendance à se démocratiser avec le temps.
L’utilisation de la réalité augmentée dans le cadre de cette exposition a été très apprécié, et cela a permis aux utilisatrices et utilisateurs d’accéder à davantage de contenu. Elle est donc une belle plus-value pour notre exposition.
Que retenir de cette expérience ?
L’utilisation de la réalité augmentée pour renforcer l’exposition qu’Oxfam-Magasins du monde a réalisé dans le cadre de sa campagne « Cultivons les alternatives » a été très appréciée. Elle a permis aux utilisatrices et utilisateurs d’accéder à davantage de contenu. Elle est donc une belle plus-value.
Ses avantages sont nombreux : la réalité augmentée permet de se projeter dans la réalité avec la possibilité de la comprendre de manière encore plus consciente (exemple : on ne voit pas en l’observant un arbre qui pousse ou une graine qui germe… avec la réalité augmentée, c’est possible) ; elle permet de ressentir, de vivre, de se mettre à la place de quelqu’un d’autre, d’incarner la réalité.
La réalité augmentée permet également de sensibiliser des personnes moins familières de l’écrit ou motivées par lui ainsi que de capter un public qui est moins visuel et plus kinesthésique ou spatial.
La réalité augmentée permet donc de toucher davantage de personnes et ce d’autant si on la couple avec une exposition plus conventionnelle, ce que nous avons fait.
Mais développer une application en réalité augmentée comporte aussi des inconvénients et des risques.
Le coût élevé de la production est un frein majeur. Avec les cubes en carton, l’exposition a coûté plus de 10 000 € pour 10 exemplaires. En comparaison, 6 exemplaires de l’exposition que nous avons créée pour la campagne suivante ont coûté 1 500 €.
La fracture numérique ne doit pas être négligée. Tout le monde n’a pas de smartphone ou de tablette. L’utilisation de la réalité augmentée, si on n’y réfléchit pas, risque de renforcer cette fracture. Pour une organisation comme Oxfam-Magasins du monde dont la mission est de réduire les inégalités, il est nécessaire de permettre à tout le monde de bénéficier de l’outil de sensibilisation. C’est pourquoi, pour une prochaine expérience, il sera nécessaire de prévoir des tablettes pour ceux et celles qui n’en ont pas.
Un autre frein à l’utilisation de la réalité augmentée est la nécessité d’avoir accès au Wifi pour télécharger l’application. Celui-ci n’est pas disponible partout, notamment dans certains établissements scolaires. La mise à disposition de tablettes sur lesquelles l’application a été installée est ici aussi une solution à mettre en œuvre.
La réalité augmentée permet plusieurs niveaux de lecture, ainsi que de toucher un plus grand nombre de personnes et de comprendre la réalité plus facilement que des outils de sensibilisation conventionnels. Si elle permet à chacun sur son smartphone ou sa tablette de s’approprier le contenu à son rythme, comme tous les outils de sensibilisation elle ne pourra pas remplacer les moments d’animation et d’échanges collectifs permettant de prendre du recul et d’exercer l’esprit critique.