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Oxfam-Magasins du monde

Potentia

Étude – Décembre 2015

Potentia

Introduction

Des organisations de la société civile comme les nôtres s’efforcent de servir l’intérêt général en jouant les lanceuses d’alertes, en dénonçant l’injustice sous tous ses habits et en proposant des pistes d’action face aux défis mondiaux. Si cet engagement est parsemé de belles victoires et de modifications parfois profondes des agendas politiques, il est pourtant difficile de faire l’impasse sur le fait que les évolutions environnementales et sociales, à l’échelle planétaire, ne vont pas du tout dans le bon sens et les réponses qui sont apportées à ces problèmes ont davantage tendance à en engendrer d’autres qu’à les améliorer. Nos organisations s’interrogent dès lors sur la pertinence des stratégies et des actions que nous proposons.

Notre réflexion débouche sur le constat que la plupart des organisations de la société civile (ci-après OSC) ont tardé à prendre la mesure de la complexité et de la nature systémique de la crise profonde de société que nous traversons, et ne voient dès lors pas la nécessité de revoir les fondements même de cette société. Nous traversons en réalité une crise culturelle profonde qui nous amène à revoir de fond en comble nos modes de vie, nos structures économiques et sociales, notre conception du progrès et notre rapport général au monde du vivant. Une évolution vers une société mondiale juste et durable nécessite également un changement radical dans notre manière de concevoir le changement.

Il n’existe toutefois pas aujourd’hui un modèle de remplacement, une recette ou une méthode claire et fiable pour reconstruire notre société. Cela n’empêche pourtant pas des citoyennes et des citoyens d’agir. Alors que pour les uns, les motivations s’évaporent devant l’ampleur de la tâche, d’autres agissent et créent des dynamiques qui leur permettent de faire face aux défis auxquels ils sont confrontés. Refusant « l’aliénation » du système, ils réinventent des logiques et des principes d’actions dans les situations qu’ils vivent concrètement, sans prétention à avoir trouvé LA bonne solution. Dans les fissures d’un système qui s’effondre, des citoyennes et citoyens expérimentent d’autres manières de fonctionner et d’être en relation entre eux et avec le vivant. Et, ce faisant, ils réinjectent du sens dans leur manière de vivre et de s’organiser, se libérant ainsi des entraves de la société actuelle.

Aussi locales qu’elles puissent paraître, ces innovations citoyennes sont centrales pour la transition de nos sociétés et notre rôle, en tant que membres de la société civile organisée, est de les accompagner. Elles sont à la fois des lieux physiques où se crée directement de la justice sociale et des lieux symboliques d’où se dégagent des propositions pour un monde plus juste, solidaire et soutenable. Pour le dire autrement, des initiatives citoyennes telles que le système d’échange local (SEL), le groupement d’achat solidaire (GAS) ou la coopérative foncière sont à la fois un moyen et une fin en soi. A court terme, elles sont une fin en soi vu qu’elles répondent à des problématiques ou des injustices directement vécues. A long terme, ces expériences locales singulières sont des propositions vivantes de ce à quoi pourraient ressembler d’autres manières de vivre ensemble. Fin et moyen ne s’opposent plus, ils se complètent.