Du 4 au6 juin 2012 se tiendra la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement – communément appelé Sommet de la Terre- à Rio de Janeiro (Brésil). Ce rendez-vous est capital pour la planète, les êtres humains et la vie. Au-delàde l’importance symbolique, l’enjeu est de parvenir à des conventions en vue d’une approche cosmopolitique pour des enjeux environnementaux (climat, biodiversité,…) où la place des hommes et des femmes est déterminante. Il s’agit de faire d’eux des acteurs et non des consommateurs de la planète. Au vue de la campagne Oxfam« Cultivons. La terre. Lavie. Le monde », nous nous mobiliserons afin que les voix du sud soient entendues. Nous mettrons en avant l’agriculture paysanne comme solution pour répondre aux questions de faim et aux changements climatiques. C’est dans ce cadre que nous présentons ici les perspectives pour ce sommet au regard de l’évolution historique des sommets depuis 1972. Un retour historique nous permet d’ancrer les enjeux de 2012.
1. D’où venons-nous ?
En 1972, à Stockholm, l’Organisation des Nations Unies a pris la décision d’organiser une conférence tous les 10 ans sur les enjeux environnementaux. Pour la première fois, les questions écologiques trouvent une résonnance internationale. De ce sommet sortira le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
Dix ans plus tard (1982,) le sommet tenu à Nairobi ne débouche sur rien de concret. Etant donné, d’une part, le contexte de guerre froide qui empêche le dialogue entre les deux blocs ; d’autre part, les Etats-Unis de Ronald Reagan qui se désintéressent totalement des questions d’environnement.
Par contre, la conférence de 1992 est une caisse de résonnance pour toucher l’opinion publique sur les enjeux environnementaux et la nécessité de maintenir et restaurer la biodiversité de notre planète en y incluant les êtres humains comme acteurs de changement. Y sont réunis 110 chefs d’Etats, 2400 organisations non gouvernementales. En parallèle du sommet officiel, les ONG regroupent plus de 17.000 personnes à leur forum. La notion de développement durable né en 1987 au sein du rapport Bruntland prend toute son ampleur. Rio 92 souligne également qu’un ensemble de problèmes environnementaux ne pourra trouver des parades uniquement à un niveau mondial. De Rio 92, nait la « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » texte fondateur reprenant 27 principes pour une meilleure gestion de la planète.
Ce texte, comme tout texte international, est l’objet d’un compromis. Celui-ci s’effectue entre les positions des pays industrialisés et celles des pays en développement. Les premiers défendent une courte déclaration pour réaffirmer la Déclaration de Stockholm tout en y soulignant la nécessité de protégerla planète. Les seconds quant à eux veulent mettre en avant leur droit souverain au développement et faire reconnaître que les pays industrialisés sont les principaux responsables des problèmes écologiques. De plus, il est nécessaire pour ne pas imposer un modèle de développement néfaste à l’environnement d’allouer de nouvelles ressources et techniques pour y parvenir. Cet esprit se retrouve dans le principe 11 :
Les Etats doivent promulguer des mesures législatives efficaces en matière d’environnement. Les normes écologiques et les objectifs et priorités pour la gestion de l’environnement devraient être adaptés à la situation en matière d’environnement et de développement à laquelle ils s’appliquent. Les normes appliquées par certains pays peuvent ne pas convenir à d’autres pays, en particulier à des pays en développement, et leur imposer un coût économique et social injustifié.
Au sein de la déclaration, la place des êtres humains et leurs interactions avec l’environnement est mise en évidence :
Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. (principe 1).
Soulignons toutefois que la déclaration n’est pas juridiquement contraignante et laisse aux Etats la souveraineté sur les questions environnementales :
Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et de développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale (principe 2).
Les principes de la Déclarationse traduisent dans un programme d’action comportant 2500 recommandations de mise en œuvre pour le XXIème siècle ; d’où le nom Agenda 21. Ce dernier prend en compte les problématiques liées à la santé, au logement, à la pollution de l’air, à la gestion des mers, des forêts et des montagnes, à la désertification, à la gestion des ressources en eau et de l’assainissement, à la gestion de l’agriculture, à la gestion des déchets… L’Agenda 21 trouve encore aujourd’hui écho lors de mise en œuvre du développement durable au niveau des territoires (communes, régions).
Au-delà de la déclaration de principe, 3 conventions sont adoptées. Celles-ci portent sur :
- La Convention sur la diversité biologique (CDB)
- La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)
- La Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD)
Par ces 3 conventions, le sommet de Rio fonde les bases d’un programme mondial ambitieux. Le CCNUCC abouti à l’adoption du protocole de Kyoto (1997) [[highslide](1;1;;;)
Lire à ce propos l’analyse sur les enjeux du COP 17 .
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En 2002, la conférence de Johannesburg s’axe autour du développement durable par thématique (eau, énergie, impacts de la productivité agricole, biodiversité, santé, …). Au vu du contexte post-11 septembre, l’un des principaux enjeux du sommet fut de démontrer que la guerre contre le terrorisme n’est pas l’unique problème mondial.
2. Vers où allons-nous ?
Comme nous venons de le voir, le sommet de 1992 à Rio de Janeiro établit les bases d’une approche cosmopolitique des enjeux environnementaux dans une approche de développement durable. 20 ans après, le sommet RIO + 20 poursuit 3 objectifs :
- renouveler l’engagement politique international en faveur du développement durable
- évaluer les progrès réalisés et les lacunes qui persistent dans la mise en œuvre des engagements préalablement convenus
- relever les nouveaux défis qui ont émergé
Comme le souligne le président de la conférence, le chinois Sha Zukang – Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales – la communauté internationale, par cette conférence, a l’opportunité de définir «des voies plus sûres» pour s’acheminer «vers un monde plus propre, plus écologique et plus prospère pour tous».
Les thèmes prioritaires sont
- l’économie verte dans le contexte de l’éradication de la pauvreté
- la gouvernance du développement durable.
Le souhait de Sha Zukang est que les Etats membres s’entendent sur le principe d’un passage à une économie verte assurant un développement durable. De plus, il espère qu’à l’issue de la conférence, les Etats établissent une « boîte à outils » permettant la mise en œuvre des principes sur lesquels ils se seront entendus. Il souligne qu’à la suite des crises alimentaires, énergétiques et financières, Rio 2012 représente un des évènements les plus importants pour la décennie à venir. Car c’est dans cet espace que devrait naître des réponses collectives.
Il s’agira de développer le cadre pour une économie verte et le mode de financement de cette transition économique. Comme le souligne Susan Georges, les éléments d’une économie verte existent, mais son financement ne trouve pas suffisamment d’investisseurs.
D’ici juin 2012, le sommet continue à se préparer. Pour le 1er novembre 2011, des propositions seront émises et résumées au sein d’un document final pour mi-décembre 2011. Pour début janvier 2012, un « draft zéro » du document final de la conférence sera déjà en discussion afin d’arriver à la fin de la conférence avec un document final.
3. Face à ces enjeux différents acteurs se mobilisent
Comme nous venons de le voir, un sommet d’une telle ampleur ne se résume pas à quelques jours de discussions. En parallèle des démarches politiques, différents groupes d’intérêts s’organisent.
Du côté des entreprises
Au niveau international, les entreprises créent le Business Action for Sustainable Development 2012 (BASD2012). Son but est de veiller à
- ce que les entreprises puissent jouer un rôle dans la préparation du sommet
- de montrer que les entreprises sont déjà actuellement actives dans le domaine du développement durable
- de déterminer où les entreprises peuvent jouer un rôle constructif pour un avenir durable.
Belles intentions. Ceci dit, au vu des enjeux économiques, les entreprises ne se trompent pas quand elles désirent mener un rôle. Cela leur permet d’orienter en leurs faveurs les décisions afin d’empêcher la mise en place de décisions les obligeants à réorganiser l’ensemble de leurs activités. Ce afin de limiter l’impact économique, financier, organisationnel que cela peu représenter .Ce travail de lobby favorise des intérêts privés à court terme en opposition avec une vision tournée vers le bien commun.
Autre exemple, peu de temps avant le sommet de Copenhague sur le climat en 2009, le patron de l’IATA – organisation du secteur aérien- a rencontré différents chefs d’Etats afin de les « sensibiliser » sur le fait qu’une taxation du fuel aérien n’est vraiment pas intéressante pour le secteur. Or les gaz à effet de serre produits par cette activité sont énormes.
Du côté de la société civile
Au niveau européen, le Comité Economique et Social Européen – CESE (espace à haute représentation du monde du travail via les syndicats) souligne le faible engagement des Etats membres de l’ONU. Le CESE appelle l’Union Européenne et les Etas membres à saisir l’opportunité de Rio + 20 pour engager un processus ambitieux.
Pour le CESE, le sommet Rio+20 permettrait à l’Union Européenne d’une part, de soutenir l’économie verte entre autre via des incitants fiscaux ; d’autre part renforcerait le cadre institutionnel tout en mutualisant les expériences européennes en terme social au niveau du développement durable.
Au niveau d’Oxfam International, un travail de préparation débute afin de dégager nos lignes directrices. Notre objectif est d’interroger le modèle de développement actuel au niveau de ses externalités négatives non prises en charge par l’émetteur, mais bien par la collectivité. Pour nous, le carrefour des crises où nous trouvons doit être dépassé non par un renforcement des inégalités, mais par une approche intégrée. Il s’agit pour nous d’une approche holistique où chaque acteur du système compte. Nous voulons démontrer qu’une approche durable économiquement, socialement, environnementalement passe par des changements culturels.
C’est dans cette perspective, que nous invitons un maximum de personnes à devenir acteur de changement dans son quotidien mais également à se mobiliser pour exiger des décideurs politiques qu’ils prennent leurs responsabilités, comportement digne d’un élu qui honore notre démocratie ouverte vers les générations futures.
Au plaisir de vous compter parmi nous dans ce combat.
Corentin Hecquet
Animateur politique
Pour aller plus loin :
Pour rester informé : www.frdo-cfdd.be