Longtemps perçu comme réservé aux plus défavorisés, l’achat de vêtements de seconde main connaît un succès croissant ces dernières années et se diffuse enfin dans toutes les catégories sociales. Même si la crise explique en partie cette évolution, on n’en assiste pas moins à une évolution des mentalités, lente, certes, mais réelle : il est de moins en moins souvent considéré comme « dévalorisant » d’acheter du « vieux. ». Ainsi, selon les résultats d’une enquête datant de 2009 et portant sur les habitudes de consommation des européens, 43% de ceux-ci ont déclaré avoir déjà acheté au moins une fois un vêtement de seconde main. En Belgique, 25% des sondés ont affirmé l’avoir déjà fait plusieurs fois, c’est-à-dire un quart de la population [[highslide](1;1;;;)« Consommer en 2010 : pas moins, mais mieux », Observatoire Cetelem, groupe BNP Paribas, 2009. Disponible sur le site http://observatoirecetelem.com/identite [/highslide]] ! Ce type d’achat semble donc se répandre de plus en plus, et c’est tant mieux !
Car en plus de soulager votre porte monnaie, cette habitude de consommation est bonne pour l’environnement ! Pour estimer ce gain, il est utile de commencer par réaliser un tout d’horizon des pollutions engendrées par la filière du textile traditionnel. [[highslide](2;2;;;)« Choisir l’éco-solidarité », publiée le 11 mars 2008 et « la filière des vêtements de seconde main » publiée le 9 janvier 2008 sur le site d’Oxfam-Magasins du monde. Ces deux analyses expliquent, entre autres, plus précisément le fonctionnement de la filière de vêtements de seconde main à Oxfam-Magasins du monde.[/highslide]]
Une industrie très polluante
Les soldes du mois de janvier nous le démontrent encore : malgré les crises successives et la fameuse « perte du pouvoir d’achat », le secteur de l’habillement génère toujours une consommation importante. Même si on a enregistré une baisse légère des ventes au cours de ces dernières années, les garde-robes des habitants des pays occidentaux n’ont jamais été aussi remplies et aussi souvent renouvelées. Résultat : la consommation de vêtements a explosé au cours du 20ème siècle.
En Europe, on estime l’achat annuel de textile par tête à environ 24kg dont plus de la moitié est consacrée à l’habillement. Ce qui représente une trentaine de vêtements achetés par personnes [[highslide](3;3;;;)Envirotex « filière de valorisation des déchets textiles. La problématique environnementale » disponible sur le site :http://www.textilemagazine.be/usite/textilemagazine/pdf/pdf0000002167_1.pdf[/highslide]] . Ces chiffres sont encore plus élevés aux États-Unis puisque la consommation moyenne y est de 48 articles par an. [[highslide](4;4;;;)http://www.auxilia.asso.fr/pages/articles/fiche.php?s_code=fichevetement[/highslide]]
Cette surconsommation a des impacts environnementaux très importants. Ceux-ci varient selon la nature de l’article, sa composition, ses procédés, phases et lieux de fabrication. Voici un rapide tour d’horizon des plus importants :
La culture du coton qui, malgré l’essor des fibres synthétiques, reste la fibre textile la plus largement utilisée est responsable de la consommation de 25 % des insecticides et 11 % des pesticides utilisés dans le monde alors qu’elle n’occupe seulement que 2,5 % de la surface de la planète. De plus, le cotonnier est très gourmand en eau [[highslide](5;5;;;)On attribue d’ailleurs à cette culture la disparition progressive de la Mer d’Aral car c’est là que se trouvent 73% du coton mondial irrigué. Or, les fleuves qui alimentaient cette mer ont été détournés vers les cultures de coton. A titre d’exemple, le coton utilise 30 fois plus d’eau que le blé.[/highslide]] . On a estimé que la production d’1kg de coton (c’est-à-dire la quantité de coton nécessaire pour produire un jeans), nécessite de 5000 à 25000 litres d’eau, 75g de pesticides et 2 kg d’engrais chimiques… [[highslide](6;6;;;)« Planète jeans, planète blues », l’art d’éco…consommer n°37 publiée en mai 2008 sur le site www.ecoconso.be[/highslide]] Pour un t-shirt, ce sont en moyenne 1724 litres d’eau, 57 grammes d’engrais et 16 grammes de pesticides qui sont nécessaires à sa fabrication. [[highslide](7;7;;;)« Analyse du cycle de vie : T-shirt en coton, plus noir que noir ? » Portail du développement durable www.developpementdurable.be[/highslide]]
L’impact environnemental des fibres synthétiques (polyester, nylon, acrylique, élasthanne…) est lui aussi considérable, notamment parce qu’elles sont produites à base de pétrole, ressource non renouvelable.
Viennent ensuite les différentes phases de transformation : égrainage, filature, tissage ou tricotage, ennoblissement et confection. A chacune de ces étapes correspondent de nouvelles pollutions, que ce soit pour les consommations d’énergie, ou encore l’utilisation de produits nocifs pour l’environnement.
[highslide](Quels produits ?;Quels produits ?;;;)On utilise des régulateurs de croissance comme l’arsenic pour contrôler l’ouverture des capsules de coton, étape nécessaire pour pouvoir en récolter les fibres. Des produits comme le plomb, le nickel, le chrome, les phtalates ou encore le formaldéhyde sont employés afin de teindre ou rendre plus doux nos vêtements.[/highslide]
Comme la majorité de la production du textile se situe dans les pays en voie de développement, l’absence de législation sur le traitement des eaux a pour conséquence que ces produits provoquent également des dégâts irréversibles à l’environnement. Sans parler des dangers qu’ils représentent pour la santé des travailleurs.
Une autre source importante de pollution provient des milliers de kilomètres parcourus par les matières premières utilisées pour la confection des vêtements. En effet, les différentes étapes de la confection des vêtements se situent dans des pays différents, souvent très éloignés. Cette division géographique du travail a pour seul but de diminuer les coûts de production, notamment pour trouver la main d’œuvre la moins chère possible.
[highslide](Ce que pollue un jean;Ce que pollue un jean;;;)L’analyse du cycle de vie d’un jeans, figure emblématique de l’habillement moderne, donne les chiffres suivants : de la culture du coton jusqu’à son acheminement en Europe en passant par sa confection, un jeans aura consommé l’équivalent de 25 litres de pétrole et engendré un rejet de 2 kg éqCO2 dans l’atmosphère. La distance parcourue depuis la récolte du coton jusqu’à son acheminement en magasin peut aller jusqu’à 19000km, 27200 km et même jusqu’à 65000km, selon les études. A l’heure des grands défis du réchauffement climatique, ces chiffres ne laissent pas indifférents.
(Sources : « le jeans : bleu et pas vert » Sciences et vie junior. Hors-série (N°64 avril 2006)[/highslide]
Enfin après leur utilisation, les vêtements doivent être traités comme déchets ce qui cause également des nuisances environnementales. Les fibres synthétiques sont encore plus difficiles à traiter, ne se recyclent pratiquement pas et mettent du temps à se décomposer (30 à 40 ans pour le nylon). [[highslide](8;8;;;)Ecoconso : « les fibres végétales », l’art d’éco…consommer n°50, juillet 2009. www.ecoconso.be [/highslide]]
Additionnées, ces différentes pollutions provoquent des impacts environnementaux très importants. Selon l’association « les amis de la terre » l’industrie textile serait à elle seule responsable de 5% des émissions de gaz à effet de serre. [[highslide](9;9;;;)http://www.produitspourlavie.org/index.php[/highslide]]
[highslide](Et le social ?;Et le social ?;;;)
Si cette analyse se concentre sur l’aspect environnemental de la filière textile, l’on ne peut pas passer sous silence les problèmes sociaux liés à cette activité. Souvent, la législation sociale y est inexistante et la main d’œuvre y est surexploitée : les salaires sont généralement inférieurs aux minimaux requis par la loi et sont insuffisants pour couvrir les besoins fondamentaux du travailleur et de sa famille (le coût en main d’œuvre ne représente en moyenne qu’entre 5% et 14% du coût total d’une pièce de vêtement). Le travail des enfants y est fréquent (pour plus d’informations : Campagne vêtements propres – www.vêtementspropres.be).
La santé des travailleurs du textile est menacée par les conditions de travail et les produits toxiques utilisés : selon l’OMS, les pesticides utilisés dans la culture du coton causent chaque année l’intoxication d’1 million de personnes et la mort de 22.000 personnes. En Turquie, les procédés de pulvérisation du sable utilisé pour donner un aspect délavé aux jeans a provoqué des cas de silicose, une maladie pulmonaire incurable, chez des milliers de travailleurs du textile (Source : le soir « quand le jeans tue » 13.09.2009).
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Comment diminuer ces impacts ?
La première mesure consiste bien sûr à essayer de limiter sa consommation.
Acheter des vêtements issus de l’agriculture biologique, composés de fibres végétales comme le lin et le chanvre, permet également de limiter les impacts environnementaux de la production du textile. [[highslide](10;10;;;)Ecoconso : « les fibres végétales », l’art d’éco…consommer n°50, juillet 2009. www.ecoconso.be[/highslide]]
Une autre alternative est l’utilisation de vêtements de seconde main. L’achat d’un vêtement de seconde main évite les pollutions provoquées par la production d’un vêtement neuf ainsi que ceux découlant des transports nécessaires à son importation.
[highslide](Le secteur du seconde main;Le secteur du seconde main;;;)
Outre des opérateurs privés comme les fripiers et certains magasins de seconde main, le secteur de la seconde main en Belgique est surtout dominé par des associations comme l’ASBL Terre, les Petits riens et Oxfam solidarité, ainsi que bien évidemment Oxfam-Magasins du monde. A noter que la vente par Internet de vêtements de seconde main est en constante évolution ces dernières années (l’habillement représente 8, 7% du total des ventes réalisées sur eBay).
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Dans un rapport publié par la Région Wallonne sur l’intérêt social, économique et environnemental des filières de réemploi [[highslide](11;11;;;)« Evaluation des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux de différents scénarios de réutilisation des déchets dans les entreprises d’économie sociale », Etude commandée par la Région Wallonne et réalisée par RDC environnement, disponible sur le site de l’office wallon des déchets. Juillet 2008. Disponible sur le site de l’office wallon des déchets.[/highslide]] , ses auteurs ont estimé le gain environnemental de la vente de vêtements de seconde main en utilisant l’outil de la monétarisation.
Cet outil vise à rendre comparables des impacts environnementaux de natures différentes (consommation de ressources, utilisation de produits chimiques, transports, etc.) en les exprimant dans une unité commune, soit une unité monétaire (dans ce cas-ci, l’euro).
Cette méthode de calcul a permis de déterminer que le gain environnemental par tonne de vêtements insérée dans le circuit de seconde main est de 3000 euros. Il s’agit de loin du bénéfice environnemental le plus élevé de toutes les filières de récupération. A titre de comparaison, le gain environnemental pour la seconde activité de récupération la plus intéressante selon cette étude, le mobilier, est de 200 euros. [[highslide](12;12;;;)« Evaluation des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux de différents scénarios de réutilisation des déchets dans les entreprises d’économie sociale », Etude commandée par la Région Wallonne et réalisée par RDC environnement, disponible sur le site de l’office wallon des déchets. Juillet 2008. Disponible sur le site de l’office wallon des déchets.[/highslide]]
Selon la même étude, 66% du textile jeté dans les poubelles mixtes est potentiellement revalorisable, soit comme vêtements et textile ménager soit en le recyclant comme chiffon ou pour les fibres. [[highslide](13;13;;;)Ibidem.[/highslide]] Les vêtements représentent environ la moitié de cette proportion.
La région wallonne a par ailleurs estimé que les ménages du sud du pays se débarrassent chaque année de 11 à 12 kg de textiles dans les poubelles non triées [[highslide](14;14;;;)Cellule Etat de l’environnement wallon 2005, « tableau de bord de l’environnement wallon 2005 », Namur : MRW-DGRNE, p.74.[/highslide]] , c’est dire si la quantité potentielle de vêtements qui pourraient être réemployés est énorme ! Avec des gains directs pour l’environnement : Une étude commandée par Bruxelles-environnement a estimé que 9kg de CO2 sont épargnés par kilo de vêtements réutilisés. Au total, si chaque membre de la population belge accomplissait ce geste, ce serait plus de 90.000 tonnes de Co2 que l’on pourrait économiser sur une année ! [[highslide](15;15;;;)GHG balance of Prevention actions, Bernard De Caevel et Marc Bosmans, Janvier 2006, étude réalisée par RDC-Environment pour Bruxelles-Environnement, pp.16-17, 30 & 34.[/highslide]]
[highslide](Le seconde main chez Oxfam-Magasins du monde;Le seconde main chez Oxfam-Magasins du monde;;;)
Oxfam-Magasins du monde reçoit ses dons presque exclusivement de manière directe en magasins. La quantité de vêtements récoltée pour nos 34 magasins du monde-Oxfam actifs dans les vêtements de seconde main est d’environ 300T/an, soit en moyenne 30 kg par jour et par magasin. De cette quantité, seule une partie limitée peut être mise en vente, (entre 10 à 30%), après un tri très strict. C’est pour cette raison qu’il est très important d’encourager les dons de qualité. 20% de l’argent récolté à travers ces ventes sont reversé à Oxfam-solidarité pour soutenir un projet de solidarité avec le Sud (soit 1 € versé pour 5 € récoltés).
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Comme nous venons de le voir, des possibilités existent pour s’habiller tout en limitant les conséquences sur l’environnement. Rappelons-nous de la règle des 3 « R » : d’abord réduire, et se demander si nous voulons vraiment ce pull ou cette jupe que nous venons de voir en vitrine, ensuite réutiliser, en encourageant par le don ou par l’achat l’activité de vêtements de seconde main, et seulement ensuite recycler, cette dernière option étant encore malheureusement peu développée dans le cas du textile.
Francesco Iammarino
Eco-conseiller stagiaire