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Oxfam-Magasins du monde

COP 27 - La présence d'activistes du Sud aux sommets climatiques

2022 Analyses
COP 27 - La présence d'activistes du Sud aux sommets climatiques

On retrouve beaucoup d’associations et d’activistes du Nord aux différents sommets climatiques, les « Conference Of the Parties » (COP). Mais la présence du Sud y est bien plus minime, alors que ces pays sont finalement les plus touchés par le dérèglement climatique. Outre la thématique de prédilection d’une COP, à savoir les changements climatiques, la COP 26 a mis en avant d’autres sujets comme l’équité vaccinale et l’accès aux visas, en raison de la difficulté du Sud d’être présent. Cette analyse aborde ce sujet à travers différents témoignages d’activistes, du Sud comme du Nord.

Susie Fryns

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Introduction

On retrouve beaucoup d’associations et d’activistes du Nord aux différents sommets climatiques, les « Conference Of the Parties » (COP). Mais la présence du Sud y est bien plus minime, alors que ces pays sont finalement les plus touchés par le dérèglement climatique. Outre la thématique de prédilection d’une COP, à savoir les changements climatiques, la COP 26 a mis en avant d’autres sujets comme l’équité vaccinale et l’accès aux visas, en raison de la difficulté du Sud d’être présent. Cette analyse aborde ce sujet à travers différents témoignages d’activistes, du Sud comme du Nord.

Elle commence par un bref retour sur la COP 26, dont nous avions déjà parlé dans une précédente analyse, pour ensuite résumer les conclusions du dernier volet du rapport du GIEC qui rappelle l’importance et l’urgence d’agir face au dérèglement climatique.

Elle abordera enfin la présence du Sud à la COP 26 à Glasgow et le fait que les activistes aient été très peu présent.e.s et écouté.e.s, tout en revenant sur plusieurs témoignages de jeunes des pays les plus touchés par le dérèglement climatique. Nous aurons l’occasion de découvrir des témoignages de jeunes Belges ainsi que des témoignages envoyés par des jeunes de Sud qui n’ont pas pu faire le trajet,mais aussi d’activistes venu.e.s de Namibie, d’Ouganda, du Mexique et du Bangladesh avec le Rainbow Warrior III de l’organisation environnementale Greenpeace.

Retour sur la COP 26

Mais qu’est-ce dont qu’une COP ? La COP est un sommet qui rassemble des dirigeant.e.s de tous les pays du monde pour discuter et essayer de résoudre la crise climatique. Elle a lieu chaque année dans une ville différente, la première a eu lieu en 1995 à Berlin. Y sont présent.e.s à la fois des acteurs/rices étatiques mais aussi des acteurs/rices en dehors de l’Etat comme des ONG, des entreprises, des citoyen.ne.s, etc.

Nous reviendrons ici sur la COP26 qui a eu lieu en 2021 à Glasgow.

Dans l’analyse « Engagement des jeunes pour climat : témoignage d’une « ambassadrice pour le climat » à la COP 26 », nous avions pu découvrir le vécu de Mutesi qui était partie avec un groupe de jeunes ambassadeurs.rices du climat à la COP 26. Nous revenions aussi sur les décisions clés prises lors de ce sommet. On peut retenir qu’un signal clair avait été lancé sous la forme d’une prise de conscience générale et officielle de l’urgence à laquelle nous devons faire face, couplée aux premiers pas vers une transition juste. On a cependant pu déplorer les engagements trop peu concrets et toujours trop peu ambitieux par rapport aux défis colossaux du dérèglement climatique.

Le rapport du GIEC

En avril 2022, le GIEC a publié le dernier volet de son rapport sur le changement climatique. Le premier volet a démontré les responsabilités des activités humaines dans l’accélération du changement climatique ; le deuxième volet s’est attaché aux effets et aux capacités d’adaptation à ces bouleversements. Enfin, le troisième volet « Atténuation du changement climatique » s’est attardé sur les solutions pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Le rapport souligne, notamment, que les dépenses nécessaires aux solutions pour rester dans la limite du réchauffement à +2°c sont inférieures aux dépenses à engager si cet objectif n’est pas atteint.

Ce récent rapport du GIEC lance à nouveau un signal d’alarme important ; les impacts du dérèglement climatique seront encore plus rapides et plus lourds que prévu.

Quelles sont les nouvelles informations ressortant de ce rapport ?

 La santé, la vie et les moyens de subsistance des gens, de même que les biens matériels et les infrastructures cruciales comme les systèmes d’énergie et de transport, sont de plus en plus touchés par les aléas dus aux vagues de chaleur, tempêtes, sécheresses et inondations, ainsi que par les phénomènes à évolution lente telle l’élévation du niveau de la mer.  [1]https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/resources/press/press-release-french/

Dès lors (et selon le rapport) il ne fait aucun doute qu’une action drastique, immédiate et mondiale est requise pour faire face aux bouleversements imposés par le dérèglement climatique. Par conséquent, afin d’atteindre une certaine résilience et de limiter le réchauffement déjà en cours, il est impératif que les gouvernements, le secteur privé et la société civile travaillent ensemble. Cette collaboration doit avoir pour vocation la réduction des risques et la gestion des conséquences, et ce de manière équitable et juste.

Selon ce rapport, dépasser la limite de réchauffement de 2°C signifie que, pour certaines régions du monde, faire face et s’adapter aux bouleversements sera impossible. Toutefois, arriver à ne pas dépasser la limite de réchauffement de 1,5°C permettra d’atteindre une certaine résilience mondiale et de développer ainsi des solutions locales.

Le rapport est donc clair, des mesures d’atténuation doivent être prises afin de diminuer les difficultés et les coûts et d’éviter que des régions du monde soient inhabitables et des populations touchées de manière disproportionnée[2]https://climat.be/changements-climatiques/changements-observes/rapports-du-giec/2022-impacts-adaptation-et-vulnerabilite.

Les régions du monde les plus touchées sont l’Afrique, l’Asie, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, les petites îles et l’Arctique. Dans ces régions, les risques d’insécurité alimentaire et hydrique sont de plus en plus présents.

Ces régions dites du « Sud » ont en réalité très peu contribué au changement climatique. Il existe donc bel et bien une certaine injustice climatique ; certains pays ont contribué plus que d’autres au réchauffement, certains en subissent plus lourdement les conséquences. Certains sont davantage dépendants des énergies fossiles, d’autres pourraient voir compromises à jamais leurs perspectives de développement[3]Youba Sokona, Climat : si l’Europe se souciait des pays du Sud ?, Revue projet 2014/6 (n°343), p. 81-87.

Ce qui nous amène au cœur de cette analyse, qui porte sur la présence du Sud aux sommets climatiques. Leur représentation est importante pour les raisons évoquées ci-dessus. Actuellement, les rapports de force internationaux accentuent les inégalités Nord/Sud, et cette situation très inégale ne permet pas de répondre aux enjeux environnement.

Témoignages d’ONG et de jeunes activistes

Avec les grèves climatiques, initiées par des jeunes partout dans le monde, le sujet climatique est revenu très fortement dans l’actualité. Pourtant ces mêmes jeunes, surtout celles et ceux des pays du Sud, ont eu beaucoup de difficultés à se joindre à la dernière conférence climatique de novembre 2021.

Par exemple, le navire Rainbow Warrior III de l’organisation environnementale Greenpeace, avec à son bord des jeunes venant de Namibie, d’Ouganda, du Mexique et du Bangladesh, n’avait pas reçu d’autorisation pour arriver sur le site de la COP 26 à Glasgow et s’est donc retrouvé bloqué avec 4 activistes à bord. Qui plus est, ces jeunes avaient eu des difficultés d’accès au visa et au vaccin contre la COVID-19 (indispensables pour se rendre à Glasgow). Finalement, après concertation entre la capitaine et les autorités, le groupe a reçu les autorisations nécessaires. La capitaine a réussi à convaincre de l’importance de la présence d’activistes du Sud à cet évènement pour la lutte contre les changements climatiques.

Le témoignage de Maria Reyes, mexicaine et âgée de 19 ans, est révélateur :

From vaccines to visas and travel restrictions, we’ve already had to overcome many obstacles that the COP26 organisers tried to use in an attempt to shut us out. But we’re here, we’re coming and we won’t be stopped.

Inequalities such as gender violence, racial discrimination, class inequality and forced migration are exacerbated by the climate crisis. By denying us entry these so-called “leaders” are fanning the flames of these inequalities. Enough empty speeches, there won’t be climate action without climate justice.[4]https://www.greenpeace.org/aotearoa/story/youth-activists-sailing-to-cop26-onboard-the-rainbow-warrior-ignore-warnings-from-port-authorities/[5]Traduction : « Des vaccins aux visas en passant par les restrictions de voyage, nous avons déjà dû surmonter de nombreux obstacles que les organisateurs/rices de la COP26 ont tenté … Continue reading

La jeune ambassadrice pour Oxfam Belgique, Lotus Li, est aussi allée jusqu’à Glasgow. Lotus Li appuie les propos de Maria,surtout suite aux témoignages d’activistes du Sud qu’elle a pu apporter avec elle sur place pour faire entendre la voix de jeunes du Sud.

Non, la crise climatique n’est pas que l’affaire d’Européens blancs privilégiés qui veulent sauver quelques arbres. Ces témoignages m’ont montré que ce sont les femmes, les enfants, la communauté LGBTQIA+, les personnes racisées et les minorités qui sont les plus touchés par ses conséquences. Cette crise nous concerne toutes et tous. [6]https://oxfamsol.be/sites/default/files/oh_magazine_nr_10_fr.pdf

Tout comme Lotus Li , Mutesi témoigne d’un sentiment d’imposture alors que les personnes les plus touchées ne sont pas présentes ou représentées.

Voici le témoignage de Mutesi à ce propos :

L’exemple le plus frappant pour moi c’était la légitimité d’aller à la COP 26 ou pas, par rapport au fait que les pays du Sud ne pouvaient pas soi-disant parce qu’ils n’étaient pas vaccinés alors qu’on sait tous, je n’aime pas dire ça parce que ça fait vraiment je sais tout mais on sait bien que c’est de nouveau une manière de perpétrer encore, de les isoler des décisions climatiques, de leurs décisions de leurs combats, c’est le combat de tous mais c’est surtout le leur, donc nous on s’est remis en doute […] c’est vrai c’était un moyen d’utiliser nos privilèges pour mettre le lumière sur eux etc. […] nous on est clairement des privilégiés on va parler de quelque chose qu’on connait de loin mais qui nous touche pas ou qui commence seulement à nous toucher.

Lors d’une action à la COP 26, le groupe d’ambasseurs/rices d’Oxfam a pu mettre en avant les histoires de plusieurs activistes du Sud. Voici un des témoignages que Mutesi nous a partagé, rédigé par Osman Felix Cole vivant à Sierra Leone Freetown :

The manifest injustice of climate change and the fact that the least responsible are the most vulnerable to its impacts has racist overtones linked to the legacy of colonialism. Racism and climate change have been intertwined since their inception, and both colonial continuities and hierarchies continue to determine climate policy and action. The two crises can only be addressed in tandem – and current climate governances fails to do so. This is one of the key points of the message, which also argues that the lack of action to avoid the most dangerous impacts of climate change can be traced to the fact that it overwhelmingly affects people.[7]Traduction :  » L’injustice manifeste du changement climatique et le fait que les moins responsables soient les plus vulnérables à ses impacts ont des connotations racistes liées à … Continue reading

À travers tous ces témoignages, on retrouve la notion importante de justice climatique. Ces témoignages mettent également l’accent sur le fait que la crise climatique renforce voire exacerbe les inégalités existantes et que cette crise ne peut être traitée qu’en prenant en compte les enjeux sociaux ainsi que les rapports de domination présents. Ces rapports de domination se traduisent par le fait que les pays dits du « Nord » ont davantage contribué aux dérèglements climatiques et que les pays dit du « Sud » en subissent davantage les conséquences. Malgré cette inégalités Nord/Sud, contributeur/victime, les pays du Nord continuent à prendre des décisions sans être à l’écoute de ce qu’il se passe au Sud.

A priori, comme la COP 27 devrait avoir lieu dans un pays du Sud (en Egypte), la société civile, attentive à cette justice climatique, espère que cette localisation permettra d’écouter enfin la voix du Sud mais également d’atténuer ce rapport de force Nord/Sud encore très présent.

Conclusion

À travers cette analyse nous avons pu rappeler que la COP 26 avait apporté une prise de conscience générale et officielle de l’urgence climatique mais aussi un manque d’ambition face à la crise climatique. Nous avons également souligné, suite au dernier volet du rapport du GIEC, que des mesures drastiques, immédiates et mondiales doivent être prises  pour éviter de dépasser les 1,5°C de réchauffement climatique. Finalement, à travers divers témoignages d’activistes du Nord et du Sud, il est clair que la présence du Sud a manqué à la COP 26. Les activistes insistent aussi sur les rapports de domination présents et les effets inégaux du dérèglement climatique d’une région à une autre.

À l’approche du sommet climatique en Égypte de novembre 2022, la société civile ne peut qu’espérer que les populations les plus touchées soient entendues et qu’elles y aient un accès équitables et juste. De plus, il y a un espoir certain pour que, comme le rappelle le rapport du GIEC, cette COP 27 aboutisse à des décisions fortes, équitables et justes pour rapidement réagir à l’urgence de la situation et nous garantir la possibilité de résilience face à ce qui s’annonce.

Ces inégalités mises en avant lors de la COP 26 rappellent à Oxfam Magasins du monde, l’importance de continuer à militer, à sensibiliser et à mobiliser pour plus de justice climatique auprès des gouvernements et de l’Union européenne.

Bibliographie

Articles et publications

  • OH, Magazine trimestriel d’Oxfam Belgique, n°10-décembre 2021-Janvier/février 2022

Sites internet

Entretien

  • Entretien avec Mutesi Ven Hoecke réalisé le 6 janvier 2022

Notes[+]