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Pour un commerce au service de la justice climatique

Let's do it fair
Pour un commerce au service de la justice climatique

« Climate is everything »

Une couverture récente du magazine Time rappelle cette évidence : la lutte contre le dérèglement climatique est au centre de tout. L’augmentation des températures, la disparition des espèces, la multiplication des catastrophes naturelles, etc. : tous ces impacts mettent en jeu l’existence même de l’humanité. Malgré cela, un autre article du Monde soulignait en avril 2021 combien cette évidence n’a pas atteint certaines sphères : il y était relevé que sur 77.000 articles économiques publiés dans des revues scientifiques, seuls 0,07 % concernaient le changement climatique !

Le commerce, l’angle mort des politiques climatiques

Pourquoi le commerce est-il si peu pris en compte dans les politiques climatiques? On n’en retrouve par exemple aucune mention explicite dans l’Accord de Paris. De même à l’ONU, la libéralisation du commerce a tendance à l’emporter sur toute considération environnementale. Comme si dans ces cercles, le climat était, selon l’expression américaine, « l’éléphant dans la pièce » : un sujet aussi gênant qu’incontournable mais que personne ne veut aborder frontalement.

Pourquoi un tel angle mort ? Au-delà des raisons économiques, idéologiques, culturelles ou (géo) politiques, une explication plus technique tient dans le mode de calcul « territorial » des émissions de gaz à effet de serre : les émissions d’un produit importé (par ex. un jouet en plastique), sont rapportées au pays producteur (ex. la Chine) et non à l’importateur (ex. la Belgique).

Les résultats peuvent ainsi être très différents si l’on attribue les émissions aux pays où ces biens sont consommés. Avec cette approche, dite de l’empreinte carbone, le bilan par exemple des émissions de la Belgique entre 1990 et 2017 n’est pas de -17% mais de +20%. Cela explique également pourquoi la Chine, véritable usine du monde, est devenue en deux décennies le deuxième plus gros émetteur mondial.

Cette « invisibilité climatique » du commerce s’explique aussi par l’absence d’une comptabilité claire des émissions liées aux transports internationaux (par bateau ou en avion), alors qu’elles sont en forte augmentation depuis quelques années.

Un commerce néolibéral qui aggrave la crise climatique

Difficile donc d’agir sur ce qu’on ne mesure pas (ou mal) ! C’est pourtant urgent tant le commerce, dans sa forme néolibérale, aggrave la crise climatique et les inégalités. On peut citer comme causes de la hausse des émissions : l’allongement et la fragmentation des chaines d’approvisionnement (ce que l’on appelle le commerce « intra-firme », voir ci-contre), l’harmonisation par le bas des normes sociales et environnementales (on délocalise là où on peut polluer !) ou encore la généralisation des modes de production et de consommation non durables (le fameux « mode de vie occidental » et ses marques mondialisées).

En dépit de ces effets, l’agenda politique reste centré sur toujours plus de libéralisation commerciale. On assiste en particulier à la multiplication des accords bilatéraux, tels l’accord UE-Mercosur ou le traité sur la charte de l’énergie, aux impacts sociaux et environnementaux désastreux.

Les 10 % les plus riches sont responsables de 52% des émissions de dioxyde de carbone

C’est la conclusion d’un rapport publié par Oxfam et le Stockholm Environment Institute. Pour Tim Gore, d’Oxfam International,

le fait que les riches concentrent entre leurs mains un tel volume d’émissions de gaz carbonique signifie que même si nous avons conduit le monde au bord de la catastrophe climatique en brûlant des énergies fossiles, nous n’avons toujours pas amélioré la vie de milliards de personnes.

Pour en savoir plus : www.oxfam.org/fr/publications/combattre-les-inegalitesdes- emissions-de-co2

Le « commerce intra-firme », en plein essor

Ce type de commerce, estimé à plus du tiers du commerce mondial, s’opère entre les différentes unités d’une même firme multinationale. Apple fait par exemple fabriquer et assembler les composants de ses i-phones dans une dizaine de pays différents (ex. Chine, Japon, Corée, UE, etc.). Cette pratique est non seulement polluante mais aussi assez fragile en cas de crise des transports, comme la crise du Covid l’a démontré.

De nombreuses alternatives

Il existe pourtant de nombreuses politiques et pratiques alternatives pour atténuer ces effets du commerce sur le climat. Afin de réduire les émissions du transport international, on pourrait par exemple imposer aux porte-containers des carburants moins polluants, ou bien les taxer davantage. On pourrait aussi relocaliser toute une série de productions : par exemple cultiver en Europe plus de pois ou de lupin, des plantes riches en protéines, alternatives au soja si destructeur de l’Amazonie.

En matière de politique commerciale, pourquoi ne pas s’interdire de conclure des traités avec tout pays non respectueux de l’accord de Paris ? Ou bien taxer à la frontière les produits les plus polluants afin qu’ils ne concurrencent pas des produits locaux moins intensifs en carbone ? Ou encore rassembler dans un même espace commercial tous les pays ambitieux en matière de climat?

Ce qui est certain, c’est que les entreprises multinationales – les principales actrices de la mondialisation commerciale – doivent être davantage contrôlées : diverses lois ou projets de lois en matière de devoir de vigilance s’y attaquent, en combinant droits humains et questions environnementales. C’est ce type de loi qui a par exemple permis à un collectif d’ONG d’attaquer en France la multinationale du pétrole Total pour son absence (totale !) d’ambition en matière de politique climatique.

Commerce équitable et climat, même combat !

Mais si toutes ces pistes sont prometteuses, elles ont pour la plupart un gros défaut : elles négligent les questions de justice climatique. Autrement dit, elles ne tiennent pas suffisamment compte des populations et pays (dits) du Sud, les plus impactés par les dérèglements climatiques (alors qu’elles en sont historiquement les moins responsables). Certaines politiques pourraient même avoir un effet contre-productif pour les pays en développement, telles les taxes aux frontières ou la relocalisation de certaines filières, potentiellement synonymes d’un accès réduit aux marchés du Nord.

Parmi les nombreuses solutions, il en existe une toute faite : le commerce équitable ! En plus de critères environnementaux renforcés, il fournit aussi et surtout un soutien économique aux producteurs/rices et travailleurs·euses défavorisé·e·s, ce qui leur permet d’investir dans des pratiques plus résilientes et moins émettrices. Cela en fait un véritable outil d’accompagnement « clef en main » de la transition écologique, à un niveau micro-économique.

De nombreux partenaires d’Oxfam se sont ainsi engagés ces dernières années (voire décennies !) dans des projets en matière d’agroécologie, d’agriculture biologique, d’économie circulaire, de reforestation ou encore d’irrigation. Leur but ? S’adapter aux changements climatiques mais aussi « faire leur part » en matière d’atténuation.

Patrick Veillard

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