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Green Net : agir pour le climat avec le bio et l’équitable

Analyses
Green Net : agir pour le climat avec le bio et l’équitable

Dans le cadre de sa campagne internationale Cultivons, Oxfam met en avant l’action de ses partenaires du Sud pour une agriculture durable. La présente analyse est consacrée à Green Net, une organisation thaïlandaise engagée dans le commerce équitable et l’agriculture biologique. L’adaptation des activités paysannes aux changements climatiques est devenue une priorité pour Green Net, qui agit sur le terrain pour permettre aux paysans de continuer à produire de la nourriture dans des conditions climatiques de plus en plus difficiles.

La complémentarité du bio et de l’équitable

Dès sa création en 1993, la première priorité de Green Net a été de soutenir l’agriculture biologique, la commercialisation de produits paysans sur le marché thaïlandais et l’exportation de ces produits. Auparavant, dès 1988, des contacts entre l’organisation suisse de commerce équitable Claro (alors appelée OS3) et l’organisation thaïlandaise « Surin Farmers Support » avaient mené à l’exportation de riz vers l’Europe dans les conditions du commerce équitable. Cette étape allait contribuer à faciliter la création de Green Net comme coopérative réalisant des activités commerciales sur le marché national et international.

Green Net ou Earth Net ?

Green Net et Earth Net sont deux organisations pratiquement indissociables. Alors que Green Net est une coopérative s’occupant des activités commerciales, Earth Net Foundation est une ONG créée en 2000 pour assurer un appui au niveau des formations, de l’encadrement technique ou encore de la gestion. Dans cette analyse, pour éviter de créer une complexité inutile, nous ne séparons pas les activités menées par chacune des deux organisations sœurs.

Depuis cette époque, les exportations se sont bien développées. Le volume de riz exporté par Green Net est en effet passé de 15 tonnes au début des années 1990 à plus de 570 tonnes en 2008 [[highslide](1;1;;;)
PIRAS, Elisabeth, « Face aux crises actuelles, la production bio et équitable », Ex Aequo, n°26, mai 2009.
[/highslide]] ! Environ 80% du riz commercialisé par Green Net est aujourd’hui exporté, dont une bonne partie (59%) dans les conditions du commerce équitable. Green Net s’inscrit d’ailleurs résolument dans le mouvement du commerce équitable. Son appartenance à l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO, dont Oxfam-Magasins du monde est également membre) et le rôle prépondérant joué par l’organisation pour mieux faire connaître le commerce équitable en Thaïlande l’illustrent parfaitement.
La participation de Green Net au commerce équitable renforce l’engagement de l’organisation pour l’agriculture biologique. Depuis les années 1960, sous l’impulsion des autorités, l’accent est mis en Thaïlande sur les monocultures et l’usage massif d’intrants chimiques avec, entre autres conséquences, une perte de biodiversité et l’endettement des agriculteurs. C’est dans ce contexte adverse que s’est développée l’idée de soutenir l’agriculture biologique. Green Net, qui fait aujourd’hui figure de leader du secteur en Thaïlande, n’exporte que du riz bio et est à l’origine de la création de l’organisme thaïlandais de certification bio. L’organisation mène aussi des activités de sensibilisation du public local à la consommation responsable (en milieu urbain), mais aussi à la production responsable (en milieu rural).
Le parcours suivi par Green Net est le meilleur exemple de la complémentarité du commerce équitable et de l’agriculture biologique. Comme le souligne Vitoon Panyakul, responsable du département agricole de Green Net, le commerce équitable constitue un levier permettant à l’agriculture biologique de se développer sur le long terme [[highslide](2;2;;;)
Entretien avec Vitoon Panyakul, de Green Net.
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L’apport du commerce équitable

Green Net est une coopérative qui travaille avec huit groupes de producteurs rassemblant 675 paysans. La plupart de ceux-ci sont des producteurs de riz actifs dans le plateau de l’Isan, région la plus pauvre de Thaïlande située dans le Nord-Est du pays. Green Net travaille aussi avec des producteurs de noix de coco et tous les groupes cultivent des fruits et des légumes qu’ils vendent sur le marché local ou consomment eux-mêmes.

Apport financier

Le principal avantage de l’exportation via le commerce équitable réside dans le prix de vente du riz à un prix suffisamment rémunérateur. Chaque année, l’assemblée générale de Green Net doit se prononcer sur l’utilisation de la prime de commerce équitable, dont le montant tourne autour de 15 000€. En 2010, cette somme a notamment été affectée à des activités éducatives sur les changements climatiques, à un fonds d’assistance pour les producteurs touchés par les changements climatiques, ou encore au renforcement des compétences des producteurs dans le domaine de l’agriculture biologique.

Renforcement des organisations de producteurs

Au-delà de son apport financier, l’inscription de Green Net dans le commerce équitable et le soutien apporté aux paysans a permis de renforcer l’organisation de ceux-ci. Les membres de Green Net participent directement à la gestion de la prime de commerce équitable payée à la coopérative par les acheteurs. Ce faisant, les paysans membres ont non seulement appris à fixer un prix, à calculer des marges bénéficiaires et à tenir leur comptabilité, mais ils sont parvenus à maîtriser de nouvelles étapes de la filière du riz, en assurant l’usinage et l’emballage du riz dans des unités leur appartenant. C’est ainsi qu’ils quittent le statut de « simples » fournisseurs de matière première agricole et bénéficient de la création de valeur ajoutée qui résulte de la transformation de cette matière première. La réalisation de l’emballage et de la mise sous vide du riz a également permis de créer de l’emploi sur place pour plusieurs dizaines de femmes.
Green Net a bien compris que la combinaison d’éléments comme des relations commerciales stables et le renforcement des organisations de producteurs est une spécificité du commerce équitable. C’est pourquoi l’organisation continue à promouvoir le commerce équitable dans le contexte actuel, marqué par de fortes hausses des prix des matières premières. Green Net rapporte qu’en Thaïlande comme ailleurs, les paysans sont rarement les premiers bénéficiaires des hausses de prix. Ils n’ont pas accès à l’information et manquent des compétences requises. Ils ne disposent pas non plus des infrastructures et des capitaux nécessaires pour stocker ou transformer les matières premières et pour accéder aux marchés [[highslide](3;3;;;)
COMMONS, Michael, The Need For Fairer Trade, juin 2008.
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Grâce au renforcement des compétences et à l’amélioration de la position commerciale des producteurs que permet le commerce équitable, les paysans ont plus de chances de bénéficier aussi des hausses des prix et de trouver des solutions concrètes (comme le stockage et la transformation des matières premières) lorsque les prix baissent.

Priver les Thaïlandais de leur riz ?

A ses débuts, l’exportation de riz équitable a été à l’origine de débats animés en Europe. Certains trouvaient inacceptable que le commerce équitable donne lieu à l’exportation de l’aliment de base des paysans qui le produisent. Si cette critique a le mérite de se baser sur l’objectif légitime de la sécurité alimentaire, elle ne résiste pas aux faits dans le cas de Green Net. En effet, alors qu’ils consomment essentiellement du riz gluant, c’est du riz de la variété Hom Mali (ou « riz au jasmin ») que les paysans de Green Net et de la région produisent pour l’exportation. Et, grâce à la vente de ce riz, ils ont accès à des revenus leur permettant de satisfaire d’autres besoins fondamentaux.

Face à l’urgence climatique

Ces dernières années, les activités menées par Green Net ont été fortement influencées par les changements climatiques. C’est une évidence en Thaïlande comme ailleurs dans le monde : les activités agricoles sont directement affectées par les changements climatiques, ce qui pose de sérieuses questions sur la possibilité de nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse. Par ailleurs, les activités agricoles émettent une part importante des gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques. L’agriculture doit dès lors être au centre des politiques climatiques [[highslide](4;4;;;)
Sur la place de l’agriculture dans les négociations internationales sur le climat, voir l’analyse « Le sommet « COP 17 » à Durban : une étape essentielle pour le climat et l’agriculture ».
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Les effets des changements climatiques, aujourd’hui

Green Net est bien placé pour savoir que les changements climatiques sont non seulement une menace pour le futur, mais aussi un paramètre à prendre en compte depuis déjà plusieurs années dans les activités agricoles. Les paysans membres de Green Net sont confrontés à des changements climatiques préoccupants : des hausses des températures et une légère augmentation du volume des pluies, combinées à une réduction du nombre de jours de pluie. Autrement dit : des pluies diluviennes de plus en plus fortes succèdent à des périodes de sécheresse de plus en plus longues. Et, alors que le nombre de jours de chaleur augmente, avec des températures maximales elles aussi en hausse, le nombre de journées froides en hiver tend à diminuer. De telles conditions peuvent notamment nuire à la pollinisation du riz.
Les phénomènes observés au cours des trois dernières années par Green Net illustrent le dérèglement climatique actuel, ses conséquences graves et la nécessité d’agir sans tarder à tous les niveaux, du local au global.
En 2008, dans la province de Yasothorn, où vivent la plupart des riziculteurs de Green Net, la saison des pluies, qui s’étend habituellement de mai à octobre, a été marquée par une période de sécheresse de deux mois. L’impact sur la productivité agricole ne s’est pas fait attendre : le volume de riz récolté n’a atteint qu’approximativement 50% du volume escompté.
L’année suivante a aussi amené son lot de difficultés. La saison des pluies, qui n’a commencé qu’en août, a donné lieu à des pluies violentes qui ont endommagé les jeunes pousses de riz. Par la suite, alors que le riz était prêt à être récolté, le prolongement de la saison des pluies jusqu’en novembre a rendu impossible le séchage du riz sur le sol. En se combinant à l’humidité, la vague de chaleur exceptionnelle qui a suivi a quant à elle contribué à créer des conditions produisant un riz trop humide, sujet aux moisissures et donc pas commercialisable. Résultat : la capacité de production des paysans de Green Net a une nouvelle fois chuté.
L’année 2010 a encore été une année anormale sur le plan climatique. En octobre et en novembre, des inondations dues à de fortes pluies ont touché près de 7 millions de Thaïlandais dans plus de 25 000 villages [[highslide](5;5;;;)
CNN.com, Death toll in Thailand flooding rises to 206, 14 novembre 2010.
[/highslide]]. Les activités des membres de Green Net ont souffert lourdement de ces inondations, mais aussi de la sécheresse qui les avait précédées. Beaucoup de paysans ont ainsi dû semer du riz trois fois pour obtenir une récolte. Dans ces conditions, il est impossible de couvrir les coûts de production avec les rentrées générées par la vente du riz, et de plus en plus de paysans s’orientent vers des cultures censées leur apporter de plus hauts revenus (comme le manioc ou le caoutchouc), tandis que d’autres font le choix plus radical de quitter le secteur de l’agriculture.
Les changements climatiques obligent aussi les paysans à modifier leurs habitudes. Ainsi, en raison des hausses des températures, qui rendent plus difficiles les conditions de travail, les journées de travail doivent être raccourcies, ce qui a un impact sur la productivité.

Adaptation et réduction des émissions

Dans un tel contexte, où les bouleversements climatiques sont d’ores et déjà une réalité, des actions visant uniquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre ne suffisent pas. Il est en effet nécessaire d’aider les paysans à adapter leurs activités aux changements climatiques si l’on veut qu’ils puissent continuer à produire de la nourriture. Et Green Net joue un rôle important d’appui dans ce domaine, comme le montrent les activités menées par l’organisation dans le cadre d’un programme entamé en 2008. Signalons que certaines de ces activités sont réalisées avec le soutien d’Oxfam Grande-Bretagne, ce qui illustre la complémentarité du partenariat de commerce équitable avec le soutien à des projets locaux de développement.
Green Net accorde une grande importance à la récolte de données sur les changements climatiques. L’organisation collabore notamment avec une université pour obtenir des informations scientifiques sur le climat. Elle consulte aussi les paysans pour connaître les conséquences des changements climatiques sur leurs activités. Par ailleurs, les paysans sont mis au centre du projet, avec des ateliers les réunissant pour partager leurs expériences, mais aussi pour définir ensemble des mesures à mettre en place pour s’adapter aux changements climatiques.
Les changements constatés au niveau des pluies ont fait apparaître la nécessité d’adapter aux nouvelles conditions climatiques la gestion de l’eau utilisée dans les activités agricoles. En effet, dans la province de Yasothorn, où les infrastructures d’irrigation sont pratiquement inexistantes, les paysans dépendent presque uniquement de l’eau de pluie. C’est pourquoi Green Net mène un projet dont l’objectif est d’améliorer la gestion de l’eau et le stockage de l’eau de pluie.
Enfin, la diversification de la production alimentaire est un autre moyen identifié par Green Net pour adapter les activités agricoles. S’ils veulent accéder aux crédits à bas taux d’intérêts proposés par Green Net pour améliorer la gestion de l’eau, les paysans doivent s’engager à cultiver les 31 variétés agricoles identifiées comme étant les plus importantes à Yasothorn. Cette pratique a non seulement un impact positif en termes de sécurité alimentaire (en limitant la dépendance aux cultures menacées par des changements climatiques imprévisibles) mais aussi sur le plan de la sécurité économique, via la vente locale par les paysans des produits qu’ils ne consomment pas.

Des résultats encourageants

La grande force de Green Net réside dans une approche combinant le commerce équitable et des pratiques environnementales ambitieuses. Comme l’ont montré des études d’impacts comparant la situation de paysans non inscrits dans le commerce équitable et celle des paysans membres de Green Net, ces derniers ont des revenus plus élevés, produisent davantage de nourriture pour leur propre consommation et peuvent plus facilement envoyer leurs enfants à l’école [[highslide](6;6;;;)
BECCHETTI, Leonardo, CONZO, Pierluigi, PISANI, Fabio, Market Acces, organic farming and productivity: the determinants of creation of economic value on a sample of Fair Trade affiliated Thai farmers, 2010 & Virtuous interactions in removing
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De même, en plus de bénéficier des avantages de l’agriculture biologique (des sols plus fertiles et mieux structurés, des cultures avec des racines plus développées), les paysans impliqués dans les projets de Green Net pour l’adaptation aux changements climatiques ont vu des impacts au niveau de leurs récoltes de riz et de fruits et légumes, avec des conséquences positives tant au niveau de leur propre consommation que de la vente sur le marché local.
Et les résultats positifs ont un effet multiplicateur. Ainsi, les succès visibles rencontrés par les producteurs de noix de coco appliquant les principes de l’agriculture biologique ont encouragé d’autres producteurs de la région à rejoindre le projet.

« Un paysan dans le coeur de chacun d’entre nous [[highslide](7;7;;;)C’est ce qu’affirme Michael Commons, d’Earth Net. [/highslide]] » : devenir cultiv’acteur

Pour Green Net, l’approche de la problématique des changements climatiques ne se limite pas à la réduction des émissions et à l’adaptation des activités agricoles. Tout comme Oxfam dans le cadre de la campagne Cultivons, Green Net appelle chacun à agir à son niveau, au Nord comme au Sud, et n’hésite pas à montrer l’exemple. L’action de Green Net dans son propre siège administratif – à Bangkok, mégalopole de plus de 10 millions d’habitants – est en effet un exemple pour toutes les entreprises et organisations disposant de quelques mètres carrés de terre. En vue d’assurer une cohérence avec le slogan « The Organic Way of Life », l’arrière-cour du siège est devenue depuis 2008 un jardin potager. Par ailleurs, des produits des paysans membres de Green Net sont servis chaque semaine lors d’un repas offert aux employés de Green Net. Voilà des initiatives qui ne demandent qu’à être imitées !
C’est clair : Green Net n’a pas attendu Oxfam et la campagne Cultivons pour agir et appeler chacun d’entre nous à [[highslide](8;8;;;)
COMMONS, Michael, News from Green Net for our Fair Trade supporters, février 2009.
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cultiver quelque chose de délicieux, même une ou deux plantes sur un
balcon.

Nous portons donc le même message que notre partenaire. On ne peut que s’en réjouir.
François Graas
Service politique