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Le marché de la seconde main chez les générations Y et Z

2021 Analyses
Le marché de la seconde main chez les générations Y et Z

Le marché de la seconde main est en plein essor depuis plusieurs années, surtout grâce aux plateformes en ligne, comme Vinted qui compte actuellement 25 millions d’utilisateur/rices, au sein de 11 pays ! Autre signe de cette évolution, en 2019, ils étaient déjà 4 Belges sur 10 à déclarer avoir acheté un vêtement de seconde main.  Dans cette analyse, nous nous intéresserons à la place des jeunes (générations Y et Z : 15-35 ans) dans ce marché.

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Introduction

Le marché de la seconde main est en plein essor depuis plusieurs années, surtout grâce aux plateformes en ligne, comme Vinted qui compte actuellement 25 millions d’utilisateur/rices, au sein de 11 pays ![1]https://www.youtube.com/watch?v=PegvfyZ9h_c

Autre signe de cette évolution, en 2019, ils étaient déjà 4 Belges sur 10 à déclarer avoir acheté un vêtement de seconde main[2]Idem.  Dans cette analyse, nous nous intéresserons à la place des jeunes (générations Y et Z : 15-35 ans) dans ce marché. En effet, certaines études ou sondages montrent que ce groupe de consommateurs/rices est celui qui a le plus changé ses habitudes d’achat en faveur de la seconde main ces dernières années. Que ce soit pour la mode ou pour d’autre produits. Nous verrons que les raisons de ce changement sont multiples : économiques, entreprenariat, conscience environnementale, aisance avec le commerce digital, impact de la pandémie liée au covid-19. Nous verrons aussi que ce changement dans les habitudes de consommation a également ses conséquences néfastes et que nous devons rester des consommateurs/rices averti∙e∙s dans les choix que nous faisons, surtout concernant l’intermédiaire que nous choisissons pour nos achats. Ce qui vaut pour le marché vestimentaire traditionnel, vaut également pour celui de la seconde main.

Le marché de la seconde main a explosé ces dernières années

Florence Ferran, enseignante-chercheuse en sciences de gestion à l’université de La Rochelle[3]https://www.rtbf.be/tendance/mode/detail_la-seconde-main-un-bon-plan-pour-les-jeunes-consommateurs-et-l-environnement?id=10777662, identifie le début de l’évolution positive de ce marché à une quinzaine d’année déjà, « notamment avec la classe sociologique que l’on appelle les bobos, qui recherchaient alors beaucoup de produits vintage. » Car la seconde main n’est pas nouvelle. Elle existe déjà depuis très longtemps avec les brocantes ou encore d’autres sites comme le célèbre www.2ememain.be.

En revanche, ce qui est nouveau, ce sont les plateformes de ventes en ligne. Elles se sont multipliées et ont vu leur chiffre d’affaires décoller ces dernières années. En ce qui concerne Vinted notamment, les chiffres sont énormes. En 2019, on y a vendu pour 1.3 milliards de vêtements.[4]https://www.youtube.com/watch?v=PegvfyZ9h_c Cette plateforme commerciale s’est d’ailleurs dernièrement hissée à la 5e place du « top ten » européen dans le milieu. Et selon une étude, « ce sont les jeunes qui tirent le marché vers le haut (…) Les 18-37 ans achèteraient 2,5 fois plus d’articles d’occasion que les autres tranches d’âges. »[5]https://www.levif.be/actualite/belgique/la-seconde-main-une-tendance-qui-devient-la– norme/article-normal-1471839.html?cookie_check=1639673758

Les jeunes consommateur/rices se tournent de plus en plus vers la seconde main

Cette information se vérifie partout dans le monde. « Aux États-Unis, 47% des adolescents ont déjà acheté d’occasion et 55% ont déjà vendu ».[6]https://theconversation.com/pourquoi-la-generation-z-adore-les-friperies-161712 En ce qui concerne la France, près de neuf jeunes (18-25 ans) sur dix déclarent avoir déjà acheté des produits de seconde main. Sur Depop, un plateforme de ventes aux enchères en vogue dans la capitale londonienne, 54% des utilisateurs/rices ont entre 14 et 24 ans.[7]Id.

Les raisons très variées de cet engouement

Quand on les interroge, les jeunes et les chercheurs évoquent différents éléments qui poussent à la consommation de seconde main.

Il y a d’abord le critère économique. En effet, les produits de seconde main coûtent forcément moins cher que les produits neufs. Et l’on sait que la pandémie a eu des conséquences sur la situation financière de beaucoup d’étudiant∙e∙s (qui est en temps normal déjà plutôt fragile). En 2020, selon un sondage mené par Kotplanet, 92 % des étudiants belges avaient déjà consommé des produits d’occasion. Et 20 % d’entre eux achetaient de la seconde main au moins une fois par mois.[8]https://www.levif.be/actualite/belgique/la-seconde-main-une-tendance-qui-devient-la– norme/article-normal-1471839.html?cookie_check=1639673758 Du côté français, un autre sondage indiquait que c’est surtout le budget habillement qui a fortement baissé chez cette catégorie de la population. Pour ce qui est des adolescent∙e∙s, qui n’ont en général pas ou peu de revenu, la raison du budget parait évidente également.

Deuxièmement, cette génération est née avec les nouvelles technologies. Elle est donc très à l’aise avec l’utilisation des plateformes digitales pour se procurer des vêtements de seconde main, qui ne sont pas difficiles à trouver. Dans cette analyse, nous avons déjà beaucoup parlé de Vinted qui est l’une des plus connues en Belgique et en France mais ce n’est pas la seule sur le marché mondial et européen, loin de là. Ces plateformes ont l’avantage de démocratiser l’accès à la seconde main, en permettant d’acheter des vêtements jusqu’en France ou en Espagne, depuis son canapé bruxellois. On peut aussi y faire des recherche précises par marques, couleurs, etc.

Ensuite, il y a la prise de conscience générale de l’opinion publique sur le fait que l’industrie de la mode est la deuxième plus polluante du monde, après le pétrole. Et les jeunes ne font pas exception. On se souvient encore très bien des manifestations climat de l’année 2018, couplées aux grèves scolaires du jeudi. Elles ont démontré le souci des adolescent∙e∙s et étudiant∙e∙s pour la planète. Cette génération est aussi celle qui souffre le plus d’éco-anxiété. Il est donc normal de les voir tenter de changer leurs comportements afin de joindre la parole aux actes et donc se tourner vers une alternative à la fast fashion et ses externalités négatives pour l’environnement (utilisation massive de l’eau, voyage autour de la planète pour la confection d’un jeans, produits pour traiter les tissus, gestion des déchets et des vêtements arrivés en fin de vie). Les jeunes ne peuvent pas forcément se permettre d’acheter des vêtements de marques éthiques et durables comme Veja ou Armedangels, qui sont assez onéreux. Le marché de la seconde main est donc une bonne alternative pour rester en accord avec les valeurs précitées. Il permet aussi de ne pas amener à produire de nouveaux vêtements et donc d’éviter l’utilisation de ressources naturelles pour cela.

Enfin, il y a le critère social. Ces dernières années, plusieurs catastrophes humaines liées à l’industrie de la mode ont été dévoilées. Il y a notamment eu en 2013 l’effondrement du Rana Plaza qui a fait au moins 1135 mort∙e∙s et 2500 bléssé∙e∙s. Il s’agissait d’un immeuble situé au Bangladesh dans lequel se trouvaient des ateliers de confections de vêtements, en contrat avec plusieurs grandes marques comme H&M, Zara, Benetton, etc. Plus récemment encore, en 2020, le rapport publié par l’Australian Strategic Policy Institute dévoilait le travail forcé des Ouïghours[9]Les ouighours sont un groupe ethnique minoritaire musulman et turquophone vivant dans la région autonome de Xinjiang, en Chine. Ils sont victimes de discriminations de la part du gouvernement … Continue reading) ; il a eu l’effet d’une bombe sur le marché de la mode. Plus de 83 firmes multinationales sont concernées et accusées d’esclavage moderne. On retrouve notamment plusieurs enseignes déjà impliquées dans l’effondrement au Bangladesh.[10]https://www.levif.be/actualite/belgique/la-seconde-main-une-tendance-qui-devient-la– norme/article-normal-1471839.html?cookie_check=1639673758 On ne peut donc plus ignorer l’impact social négatif de la mode. De plus en plus de jeunes cioyen∙ne∙s en sont conscient∙e∙s et tentent d’éviter de participer à ce système en se tournant vers la seconde main. Ce dernier critère rejoint celui de l’environnement expliqué ci-dessus. La seconde main leur permet de se procurer des vêtements abordables qui ne produisent pas ces externalités négatives, et qui restent dans leur budget.

Les limites du marché expansif de la seconde main en ligne

Nous l’annoncions dans l’introduction de cet article, ce revirement des plus jeunes générations vers la seconde main a beaucoup d’effets positifs mais provoque également quelques conséquences négatives, surtout en ce qui concerne les plateformes en ligne comme Vinted.

Ce cas a d’ailleurs été étudié par Pauline Grégoire, chargée de recherche et campagne chez Oxfam-Magasins du monde, dans son analyse « Mode de seconde main en ligne : décryptage du modèle Vinted »[11]https://oxfammagasinsdumonde.be/mode-de-seconde-main-en-ligne-decryptage-du-modele-vinted/. Elle pointe, entre-autre le fait que Vinted, avec son célèbre slogan « tu ne le portes pas ? Vends-le ! » encourage la surconsommation de fast fashion en seconde main. Pauline Grégoire constate que celle-ci « ne réduit que faiblement l’empreinte carbone du secteur de la mode, et elle amoindrit la culpabilité d’achat des consommateurs/rices ». Le principe directeur reste de pouvoir renouveler son dressing le plus possible et contribue donc à renforcer l’addiction à l’acte d’achat, sans réflexion sur nos modes de consommations, ni sur les modes de production des vêtements. De plus, ces articles parcourent parfois des kilomètres pour arriver jusque chez l’acheteur/euse et cela s’ajoute au coût environnemental déjà élevé de la production d’un vêtement.

Les jeunes sont-ils sur la bonne voie ?

En conclusion, nous pensons qu’il est nécessaire de continuer à encourager cette tendance chez les jeunes. Il est important de valoriser ces comportements qui correspondent à des valeurs de solidarité, et de respect de la planète. Mais il nous semble également important de coupler cette tendance avec une réflexion autour de nos actes d’achats. Il ne s’agit pas simplement de se dire que l’on peut s’acheter ce t-shirt chez une des grandes enseignes de la fast fashion puisqu’on pourra ensuite le revendre facilement et lui donner une seconde vie. Il s’agit de continuer à faire connaitre les dessous peu glorieux de l’industrie de la mode, et d’encourager les jeunes (et moins jeunes) consommateurs/rices à exiger des marques de changer leurs manières de faire, d’appliquer et de faire respecter des standards éthiques et durables plus exigeants tout au long de la chaine de production de leurs vêtements. Cela revient notamment à payer dignement chaque travailleur/euse qui y a contribué et à réfléchir à l’impact de leurs activités sur l’environnement (de la production de la matière première à la fin de vie du produit). Il s’agit donc de continuer à remettre en question notre modèle de consommation et de production, et d’encourager les jeunes à participer à ce mouvement, en cultivant un esprit critique quant à leurs achats, qu’ils soient de première ou de seconde main.

Bibliographie

Image par Christiane Klieve de Pixabay

Notes[+]