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Oxfam-Magasins du monde

Séminaire partenaires : « Le commerce équitable pour quels changements ? »

Analyses
Séminaire partenaires : « Le commerce équitable pour quels changements ? »


Compte-rendu complet du séminaire Le commerce équitable, pour quels changements ? (696.97 kB)
Seminar Fairtrade 2009 – Report (604.54 kB)
Seminario Commercio Justo 2009 – informe (647.34 kB)
Dans le cadre d’un travail de réflexion sur le partenariat établi par les organisations de commerce équitable, un séminaire a été organisé par Oxfam-Magasins du monde du 22 au 25 novembre 2009. Neuf partenaires d’artisanat d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine[[highslide](1;1;;;)AjQuen, Bombolulu, Craft Aid, NDem, Pueblos del Sur, Sasha, Sindyanna, SWATE et Undugu.[/highslide]], un réseau régional de commerce équitable (COFTA), le bureau de plaidoyer pour le commerce équitable (FTAO), cinq organisations européennes de commerce équitable (Fédération Artisans du Monde – France, Claro – Suisse, CTM-Altromercato – Italie, EZA – Autriche) des travailleurs d’Oxfam-Magasins du monde appartenant à différents services et des membres de la Commission Partenariat d’Oxfam-Magasins du monde ont croisé leurs expériences et leurs regards pour comprendre vers quels changements peut conduire le mouvement du commerce équitable aujourd’hui.
Dans le cadre de cette démarche, un travail de recherche sur les pratiques partenariales passées d’Oxfam-Magasins du monde et sur les pratiques d’autres organisations de commerce équitable a été mené au préalable en 2009. Une première base d’analyse a été constituée et compilée dans un dossier pour alimenter la réflexion[[highslide](2;2;;;)Voir le dossier « Histoires de partenariat : le soutien d’Oxfam-Magasins du monde à des acteurs de changement. »[/highslide]]. De même il a été demandé à chaque participant de rédiger une contribution préliminaire selon une grille de questions[[highslide](3;3;;;)Voir document du même nom. Disponible sur demande.[/highslide]] (« Qu’est ce qui vous indigne ? Quels sont vos moyens d’action ? Quels changements avez-vous pu atteindre ? Quels changements visez-vous pour demain ? »). Ces deux documents ressource ont permis de construire le contenu du séminaire en partenariat avec les participants et de ne pas commencer sur une page blanche.
Ce séminaire s’inscrit dans une démarche ambitieuse et représente un premier jalon pour envisager les futures relations partenariales entre les organisations de commerce équitable au Nord et au Sud et déterminer comment elles peuvent se renforcer comme acteurs de changement. L’objectif général de ces trois journées de travail visait à comprendre les changements générés à travers le commerce équitable au Nord et au Sud et la manière dont le partenariat peut les renforcer.

Que signifie être un acteur de changement ?

A partir d’un panel d’actions présenté par chaque participant, il s’agissait de mettre en évidence les «caractéristiques» d’un acteur de commerce équitable.Tous les participants reconnaissent adhérer à des mêmes principes forts. Les valeurs et les concepts attachés aux principes du commerce équitable sont aujourd’hui reconnus et validés par tous. De plus, le commerce équitable est perçu comme un moyen de favoriser le développement d’une conscience démocratique, et ce de manière plus large qu’en s’adressant uniquement à sa propre communauté. Il touche des régions, des pays … Tous les acteurs s’accordent à dire que le travail en réseau est essentiel, même si le travail individuel garde son importance et la promotion locale dans chaque pays permet d’avoir plus de force.
L’une des distinctions fortes entre les organisations de commerce équitable (OCE) au Nord et les OCE du Sud est le niveau d’avancement du marché et la notoriété du commerce équitable. Au Sud, le commerce équitable est encore souvent mal connu et le premier problème à traiter est donc la reconnaissance du secteur pour faire en sorte que le gouvernement mette la question du commerce équitable à son agenda. Au Nord, où le secteur du commerce équitable est connu, l’activité de mobilisation politique porte sur d’autres enjeux.
Les objectifs principaux des organisations de commerce équitable sont de renforcer la place du commerce équitable (en contribuant à la prise de conscience des consommateurs, en augmentant son efficacité, etc.) et de rendre le commerce international plus juste. Tous les acteurs de commerce équitable répondent au premier objectif à travers leurs activités commerciales et leurs efforts de promotion du concept. Le deuxième objectif est, quant à lui, plus ambitieux. Les discussions ont permis de constater que les différents participants ne donnent pas toujours la même signification au terme de « plaidoyer ». Le premier effort durant ce séminaire portait donc sur la définition et la compréhension commune du concept de plaidoyer et de ses enjeux.
Notre action en tant qu’OCE est de vendre des produits de qualité qui soient attractifs. Est-ce donc vraiment important d’investir dans le volet social ? EZA défend le point de vue qu’en ayant de bons produits, les artisans sont amenés à développer des techniques spécifiques, ce qui leur permet d’accéder à un certain niveau de mise en action. Si le produit n’est pas bon, tous les autres volets n’ont pas de sens puisqu’il n’y aura pas de débouché.
La discussion s’étend alors sur la répartition des tâches (au sein d’une OCE, au sein des réseaux de commerce équitable, etc). Quel positionnement doit privilégier chaque acteur, et comment répartir ses ressources (financières, humaines, etc.) pour répondre à ces deux objectifs ? La place et le rôle des réseaux de commerce équitable font l’objet de débat. Que ce soit au niveau global ou régional, les réseaux WFTO sont à l’image des membres qui le composent. Il est donc important de savoir quand agir en tant que mouvement et quand déléguer à des experts.
[highslide](Qu est ce que le plaidoyer ?;Qu est ce que le plaidoyer ?;;;)
Le plaidoyer est l’acte de porter un discours, de plaider en faveur d’une cause, d’une idée ou de politiques données.
C’est un processus dynamique qui vise à un changement progressif d’actions, qui se donne sur le long terme.
Le plaidoyer est distinct du travail de campagne, qui contribue à la conscientisation des citoyens lors de réunions, d’activités publiques et qui soulèvent des questions d’intérêt public.
Le plaidoyer et le travail de campagne sont complémentaires et ne peuvent pas réussir l’un sans l’autre.
Le but de l’activité de plaidoyer est souvent le même que celui du travail de développement : réduire la pauvreté et la souffrance, lutter contre l’oppression, l’injustice et soutenir le développement durable à long terme.
Cependant, le travail de développement est rarement suffisant, car il n’aborde pas les causes plus profondes du problème. Le plaidoyer est donc nécessaire car il :

  • aborde les causes premières de la pauvreté et de l’injustice et vise un changement structurel, à long terme
  • voit les personnes comme les agents du changement de leurs propres communautés
  • peut aider à générer des ressources pour le travail de développement
  • peut changer des structures de pouvoir et les situations d’injustice.
  • peut mobiliser d’autres groupes autour d’un même objectif.

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Quelles stratégies pour atteindre le changement ?

On peut distinguer deux grandes stratégies[[highslide](4;4;;;)Cette grille d’analyse a été construite par Jérôme Chaplier, Directeur du département Politique Education Mobilisation d’Oxfam-Magasins du monde et a fait l’objet d’une présentation détaillée le mardi 25 novembre 2009. Il s’agit ici uniquement d’un extrait.[/highslide]] pour agir en tant qu’acteur de commerce équitable : soit en s’attaquant aux racines de la pauvreté, soit en s’attaquant à ses conséquences.
Le mouvement de commerce équitable met actuellement en œuvre ces deux stratégies… Et continuera à le faire ! Elles sont liées et se renforcent l’une l’autre.

Lutter contre les conséquences

Cette stratégie vise à sortir les petits producteurs marginalisés de la pauvreté. L’un des moyens d’action à notre disposition est de créer et de développer un marché alternatif grâce au commerce équitable. On peut décomposer les différentes activités en plusieurs catégories :

  • activité commerciale : acheter et vendre des produits issus du commerce équitable pour développer les opportunités sociales et économiques des producteurs ;
  • le soutien aux groupes de producteurs, pour les renforcer ;
  • la labellisation, pour donner des garanties aux consommateurs ;
  • la promotion, à travers les activités de sensibilisation, d’éducation et de campagne menées vers les consommateurs, gouvernements ou entreprises ;
  • le travail de plaidoyer pour des politiques plus favorables au commerce équitable (par exemple à travers les achats publics).

Lutter contre les causes

En tant qu’acteurs de commerce équitable, nous pouvons également nous efforcer de rendre le système commercial mondial plus juste et rendre les modes de production et de consommation plus durables. Il s’agit alors de modifier les règles nationales et internationales injustes et les pratiques commerciales des multinationales, de rendre le contexte local plus favorable aux personnes défavorisées, de rendre les consommateurs plus responsables, de changer les modes de consommation en étant attentifs au modèle de société que nous souhaitons.
Les moyens d’action pour atteindre ce changement peuvent viser les responsables politiques (campagnes, plaidoyer), les entreprises (campagnes, plaidoyer), les consommateurs et les citoyens (sensibilisation, éducation).
Les deux stratégies visent les mêmes bénéficiaires, à savoir les populations les plus défavorisées. Le succès et la légitimité proviennent de la complémentarité des deux stratégies. Développer une alternative est la meilleure critique d’un système : expérimenter le commerce équitable tous les jours, montrer que c’est possible et en faire un moyen de pression auprès des acteurs commerciaux conventionnels. De plus, les acteurs de commerce équitable remettent le système en question de l’intérieur, au sein d’un système commercial international (activité commerciale) avec l’intention de changer le système (activités politiques). L’objet du séminaire n’est donc pas de savoir si on fait du commerce ou de la politique, nous faisons les deux. Mais comment, avec qui, et à quels niveaux?

Visions croisées des participants

La majorité des participants au séminaire s’impliquent dans un travail de plaidoyer vers les responsables politiques sur des thèmes liés aux racines de la pauvreté. Quelques-uns font également du plaidoyer vers les entreprises. Cependant, beaucoup insistent sur le travail en alliances pour ce qui concerne les changements liés aux racines. Il s’agit souvent d’une délégation à des plateformes dont les participants sont membres. Pour autant, les participants considèrent que c’est une activité nécessaire, voire fondamentale, mais qu’ils ne peuvent en faire une priorité par manque de ressources (financières et humaines) et privilégient alors le travail en alliance. Pour le FTAO, outre un manque de moyens, il est également difficile de travailler sur les racines parce qu’une vision forte du commerce équitable nécessite d’être constamment réactif par rapport aux nouvelles initiatives « éthiques ». Dès lors, le travail sur les racines de la pauvreté passe au second plan.
L’activité de campagne et de plaidoyer vers les politiques est détaillée par quelques uns. Par exemple, Sindyanna mène des campagnes auprès du gouvernement israélien pour que celui-ci reconnaisse les agriculteurs arabes. D’autre part, l’organisation remet en question la régulation européenne de l’huile d’olive pour pousser l’Union à ouvrir ses frontières à des huiles non européennes.
SWATE s’implique et mène différentes campagnes politiques, principalement sur des questions agricoles. Par exemple, une campagne a été menée pour arrêter la réquisition de terres paysannes par des grandes entreprises. Une grande campagne a également mobilisé des citoyens pour interpeller des élus par rapport à l’exploitation illégale de mines de sable et ses conséquences environnementales dramatiques.
Oxfam-Magasins du monde interpelle lors de chaque élection les candidats sur des thèmes plus larges que le commerce équitable. Au niveau régional/européen, ce travail a également lieu, essentiellement au sein d’alliances (Oxfam-International,…).
Ajquen travaille au niveau politique sur la reconnaissance du commerce équitable et le statut d’artisan. Il existe au Guatemala une loi sur la protection des artisans, mais son application pose problème. Ajquen travaille donc à son amélioration, ainsi qu’à la création d’un mouvement de représentation des artisans. Ajquen demande entre autres une reconnaissance de l’artisanat par l’Etat, une sécurité sociale pour les artisans, un recensement des artisans et des écoles d’artisanat.
Pour travailler sur les racines, le besoin de plus de coordination s’affirme, notamment pour échanger les expériences et les expertises des différents acteurs de commerce équitable. Dans le même sens, l’importance des alliances et des réseaux a été soulignée.
Si le travail sur les racines ne s’affirme pas toujours de manière forte, l’ensemble des participants travaille sur les conséquences. Les partenaires du Sud ont mis en évidence l’importance de la promotion des principes du commerce équitable, non seulement auprès de consommateurs, mais aussi auprès des producteurs eux-mêmes. Au niveau du monde politique, les partenaires du Sud visent à faire connaître le commerce équitable, ses principes et son fonctionnement. Tout comme pour le travail de plaidoyer sur les racines, le travail de plaidoyer sur les conséquences se fait très souvent en alliances avec d’autres organisations.
Après le travail d’identification des leviers d’action des acteurs de commerce équitable et la reconnaissance d’une grille d’analyse commune, quatre thématiques spécifiques ont été analysées en ateliers : commerce équitable et environnement, commerce équitable Sud-Sud, identité culturelle et place de l’artisan[[highslide](5;5;;;)Une seule thématique est développée dans ce document mais les autres comptes rendus d’ateliers sont également disponibles.[/highslide]]. Il s’agissait alors d’identifier des projets et/ou des combats à mener, de définir le contour de nouvelles alternatives et de nouveaux modes de fonctionnement.
[highslide](Commerce equitable Sud-Sud;Commerce equitable Sud-Sud;;;)
Le but de l’atelier était d’interroger le développement d’un commerce équitable Sud-Sud. Les expériences existantes, les possibilités de développement, les barrières…
Le commerce équitable Sud-Sud est un sujet en vogue en Europe, en raison de la place grandissante des questions de la relocalisation de l’économie et de la souveraineté alimentaire.
Souvent, l’activité d’exportation des organisations de commerce équitable du Sud est complétée par une activité tournée vers la consommation locale avec des produits différents de ceux exportés. Par exemple, au Burkina-Faso, les producteurs de mangues séchées produisent également toute une série de produits pour le marché local. En Equateur, certains produits du commerce équitable sont également vendus et consommés localement. Chaque pays est face à des enjeux différents qu’il faut pouvoir identifier. Malgré tout, il faudrait peut-être trouver un moyen de renforcer le commerce équitable Sud-Sud de manière globale et pas seulement à travers des initiatives ponctuelles.
Le commerce équitable peut offrir un gage de qualité aux consommateurs du Sud et être un argument commercial. Dans l’artisanat, le commerce équitable peut être une garantie pour les touristes face au risque de mauvaise qualité ou de prix abusifs.
Ce que des partenaires du Sud peuvent attendre d’organisations de commerce équitable au Nord est principalement une garantie de crédibilité qui permet de trouver des débouchés vers d’autres clients, et ce également sur le marché local. Il faut donc travailler sur le développement d’un réseau fort, commercialement et politiquement. Beaucoup d’initiatives commerciales visant le respect des personnes et de l’environnement existent déjà dans le Sud, mais ne sont pas toujours reliées au concept de commerce équitable. De plus, au Sud, il faut favoriser la conscientisation aux enjeux du commerce équitable du monde politique.
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Perspectives de collaborations futures

La richesse des échanges et des rencontres qui ont eu lieu durant le séminaire permet d’envisager de futures collaborations entre organisations. Un participant explique que les multiples témoignages sont autant de ressources pour alimenter le travail de son organisation. « Nous avons pu observer différentes visions du travail de plaidoyer et de campagne. Nous comprenons mieux pourquoi il existe des points de vue différents et nous sommes donc en mesure de mieux les accepter. Il y a une réelle volonté pour travailler ensemble. Nous devrions nous nourrir des visions des uns et des autres pour construire notre propre vision du travail de plaidoyer ».
Il importe donc de construire ensemble un message cohérent, pour mener une stratégie coordonnée et efficace de plaidoyer.« L’impact sera d’autant plus grand si nous sommes en mesure de communiquer efficacement vers l’extérieur. Nous devrions chacun travailler selon nos propres lignes de travail mais le message devrait être identique ».
L’importance et le rôle des réseaux ont été largement soulignés durant les trois jours du séminaire. De nombreux participants ont reconnu l’importance de s’investir dans leurs réseaux nationaux et régionaux de commerce équitable. Les réseaux sont également perçus comme un outil efficace pour relayer les résultats du séminaire auprès de l’ensemble des membres des réseaux et avoir un effet multiplicateur.
Le séminaire a permis de motiver et de mobiliser les participants à un niveau national et régional. « L’évolution ne sera pas instantanée mais elle est possible. Nous devons continuer à travailler sur ces thématiques et nous revoir lors du Forum Social Mondial à Dakar en 2011 », conclut un participant.
Astrid Bouchedor
Service Politique