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Pistes d’action pour le commerce équitable Sud-Sud

Analyses
Pistes d’action pour le commerce équitable Sud-Sud

Des pistes d’action pour répondre à trois défis

Cette analyse sur le « commerce équitable Sud-Sud » s’inscrit dans le prolongement direct de l’analyse « Les défis du commerce équitable Sud-Sud », où nous avons présenté huit défis majeurs que doivent relever les organisations de producteurs de commerce équitable pour accéder aux marchés du Sud. Le texte qui suit a pour objectif d’approfondir trois de ces défis en dégageant des pistes pour l’action dans les domaines correspondant à ces défis.

Une caractéristique commune se dégage assez clairement de l’analyse : les organisations de commerce équitable ne peuvent pas répondre efficacement à elles seules aux défis du commerce équitable Sud-Sud. D’autres acteurs ont effectivement un rôle à jouer, en complémentarité avec les organisations de commerce équitable. Nous allons donc essayer de déterminer quels acteurs peuvent agir, et comment.

1. Le défi de la sensibilisation des consommateurs

S’ils souhaitent contribuer à sensibiliser les populations du Sud au commerce équitable, les pouvoirs publics des pays du Sud peuvent agir de différentes manières.

  • Ils peuvent soutenir le travail de sensibilisation réalisé par des organisations de la société civile déjà engagées sur ce terrain.
  • Les pouvoirs publics peuvent aller plus loin et mener eux-mêmes des campagnes de communication/sensibilisation sur le commerce équitable vers le grand public. Un tel travail est mené dans certains pays du Nord. Ainsi, en Belgique, le Trade for Development Centre de la CTB (Agence belge de développement) organise chaque la Semaine du commerce équitable, qui permet d’informer un large public sur le commerce équitable et ses évolutions.
  • Enfin, leur rôle de décideur donne aux pouvoirs publics la possibilité de prendre des mesures favorables au commerce équitable. Dans ce registre, les mesures à portée symbolique – par exemple, faire de l’équité commerciale un objectif explicite dans une loi ou une Constitution – côtoient les mesures pratiques mettant en place des règles tenant compte des impacts des choix de consommation, par exemple dans le domaine des achats publics.

 

Les organisations de commerce équitable du Sud ont évidemment un rôle essentiel à jouer en vue d’améliorer leur accès aux marchés du Sud. L’observation des activités menées fait apparaître des « bonnes pratiques » probablement reproductibles au moins en partie dans d’autres contextes.

  • Ces organisations peuvent organiser ou participer à des foires commerciales, pour acquérir de la visibilité et diffuser de l’information sur leurs activités et leurs produits.
  • Celles qui disposent déjà de points de vente propres peuvent utiliser ces espaces pour diffuser des informations, grâce à des outils de sensibilisation.
  • Les organisations les plus avancées dans le domaine de la vente au Sud peuvent enfin partager leurs expériences, leur expertise et leurs outils avec d’autres organisations désireuses de suivre le même chemin.

Les organisations de commerce équitable du Nord peuvent elles aussi contribuer indirectement au travail de sensibilisation des consommateurs du Sud. En effet, leur expérience de sensibilisation des consommateurs du Nord, souvent déployée depuis des décennies, peut être une source d’inspiration pour les organisations du Sud. Dans ce domaine, les degrés de collaboration seront variables, de la présentation à des organisations du Sud des outils et des expériences des organisations du Nord à la mise en place de partenariats Nord-Sud dans le domaine de l’éducation au développement et de la sensibilisation à la consommation responsable.

Pour conclure sur ce point, ajoutons que les habitants des pays du Sud ont aussi un rôle à jouer, en menant une réflexion sur leurs habitudes de consommation et en faisant évoluer ces habitudes. De même, les collaborations avec des organisations actives dans des domaines proches du commerce équitable, par exemple la consommation responsable, la protection de l’environnement ou le soutien à l’agriculture paysanne, constituent un levier permettant de toucher un public plus large avec un discours intégrant des objectifs largement complémentaires.

2. Le défi de l’obtention du soutien des pouvoirs publics

Le mode d’action prioritaire pour renforcer le soutien des pouvoirs publics au commerce équitable est bien sûr le travail de plaidoyer, qui implique de porter un message en faveur d’une cause donnée vers les responsables politiques ayant accès aux leviers de changement adéquats. Les actions de plaidoyer peuvent être orientées vers le niveau local, régional, national ou international, en fonction des thématiques et des objectifs visés.

Les organisations de commerce équitable du Sud ont la possibilité de faire passer leurs messages aux pouvoirs publics de différentes manières.

  • Dans un premier temps, il est probablement nécessaire de présenter aux pouvoirs publics les activités développées dans le cadre du commerce équitable et les impacts de ces activités.
  • Afin de faciliter une action de plaidoyer sur le plan local, les organisations qui travaillent avec des groupes de producteurs peuvent mener des activités de formation à destination des producteurs, afin que ceux-ci mènent eux-mêmes des actions d’interpellation.
  • A un autre niveau, la constitution de réseaux formels ou informels d’organisations est un moyen de favoriser le rassemblement des organisations de producteurs – par exemple à l’échelle nationale – pour leur permettre de parler d’une seule voix et donc de renforcer l’impact de leur discours. Les réseaux d’organisations peuvent par ailleurs contribuer à faire connaître plus largement les initiatives concrètes dans le domaine de la vente au Sud.
  • Dans la perspective de la création d’alliances, les organisations de commerce équitable du Sud peuvent rechercher des collaborations avec d’autres organisations déjà existantes et poursuivant des objectifs compatibles avec le développement du commerce équitable.

Les organisations de commerce équitable du Nord entretiennent avec les organisations de producteurs du Sud des relations de partenariat qui dépassent dans de nombreux cas la dimension commerciale. Ces organisations ont donc un rôle à jouer pour appuyer leurs partenaires du Sud.

  • De la même manière que pour la sensibilisation des consommateurs, l’expérience plus longue des organisations du Nord peut contribuer à alimenter la réflexion et les projets des organisations du Sud.
  • A un niveau plus politique, les organisations du Nord ont un rôle à jouer vis-à-vis des pratiques des entreprises du Nord qui nuisent aux droits fondamentaux des populations du Sud. Le renforcement des pratiques de commerce équitable peut effectivement être étroitement associé à la lutte contre les pratiques commerciales inéquitables.

Enfin, d’autres acteurs ont un rôle à jouer en vue de renforcer le soutien des pouvoirs publics des pays du Sud au commerce équitable.

  • Par le biais de la consommation collective, les écoles peuvent contribuer à renforcer la demande de produits équitables et à sensibiliser les jeunes aux problématiques de la consommation responsable.
  • L’action des pouvoirs publics locaux – par exemple sur le modèle de la campagne « Communes du commerce équitable » – peut avoir une influence sur des niveaux de pouvoir régionaux ou nationaux.
  • Les travaux de recherche, par des académiques ou des centres d’étude spécialis
    és, peuvent également contribuer à alimenter le travail de plaidoyer avec une expertise dont de disposent pas nécessairement les organisations actives dans la promotion et le plaidoyer.

3. Le défi de la création de valeur ajoutée dans le Sud

Comme pour les deux autres défis, les organisations de commerce équitable du Sud sont en première ligne pour agir sur cette thématique.

  • Le développement ou le renforcement de la commercialisation locale représente un moyen de garder un maximum de valeur ajoutée dans le Sud.
  • En continuant à travailler au renforcement des capacités des groupes de producteurs, les organisations du Sud soutiennent ceux-ci dans leur recherche d’un accès aux marchés. Ce soutien peut notamment intervenir au niveau de l’amélioration de la qualité ou du calcul des coûts de production, qui constituent des compétences cruciales dans le domaine commercial.
  • Le développement des collaborations entre les producteurs de matières premières et les transformateurs de ces matières premières représente un moyen de renforcer mutuellement ces deux catégories d’acteurs et de créer une plus grande valeur ajoutée dans le Sud.
  • Les organisations de commerce équitable du Sud peuvent susciter les échanges de technologies entre organisations de producteurs, afin de favoriser la transformation des matières premières dans le Sud.
  • Sur un aspect concernant davantage la vente aux consommateurs, les organisations du Sud peuvent travailler à la mise en place de systèmes de garantie adaptés aux circuits commerciaux du Sud.
  • Enfin, les organisations de commerce équitable du Sud peuvent, via les réseaux dans lesquels elles sont actives, participer à la création de liens étroits entre les producteurs de matières premières, les organisations transformatrices de ces matières premières et les distributeurs des produits finis.

Quant aux organisations de commerce équitable du Nord, leur apport potentiel se situe autour de pratiques qui sont « habituelles » pour elles.

  • L’appui aux projets des organisations du Sud.
  • La mise en contact d’acteurs du Sud pour des échanges de bonnes pratiques et des échanges commerciaux, grâce aux réseaux que ces organisations ont pu constituer par leurs activités de commerce équitable.

Échanger pour innover : le besoin d’un mouvement global fort

En conclusion, il nous semble que le besoin principal pour développer l’accès du commerce équitable aux marchés du Sud réside dans la consolidation d’un véritable mouvement global du commerce équitable, capable de donner lieu à des échanges entre organisations menant des activités dans différents domaines et pouvant faire profiter d’autres de leur expérience et de leur expertise. Le renforcement d’un mouvement global pourrait aussi favoriser les échanges commerciaux entre organisations du Sud, ainsi que faciliter la constitution d’alliances avec des mouvements portant des préoccupations proches de celle des acteurs du commerce équitable.

François Graas
Service politique