Des missions de développement et de justice sociale
En République Démocratique du Congo, la production de café a diminué de presque 70% entre 1986 et 2006. Les nombreux conflits dans la région, la baisse persistante des cours internationaux du café, le manque d’implication des entités publiques dans l’encadrement de la production expliquent le désintéressement des producteurs et l’absence de stratégie de transformation et de commercialisation. Mais, entretemps, le prix du café a monté sur les marchés internationaux. De plus, dans un contexte encore instable, toute opportunité économique est à saisir. Or les revenus que les producteurs obtiennent de la culture de café représentent un surplus appréciable consacré, entre autres, aux soins de santé et aux frais scolaires des enfants.
Les missions d’Oxfam-Solidarité et d’Oxfam-Wereldwinkels [[highslide](1;1;;;)
Oxfam-Solidarité et Oxfam-Wereldwinkels sont 2 associations sœurs d’Oxfam-Magasins du monde
[/highslide]] dans les projets locaux du Sud Kivu rencontrent les objectifs que ces organisations poursuivent en matière de développement et de justice sociale. En effet, pour changer les rapports de force Nord-Sud dans le sens de la solidarité, de la justice, de la libération des peuples, de la coexistence pacifique et de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, le renforcement de partenaires sur place est déterminant. Encore plus en situation de conflit et de reconstruction. Ces organisations tirent leur légitimité de leurs objectifs de travail, de leur expérience en matière de partenariat, du soutien du public, de leur transparence et de leurs méthodes d’action comme de résultats. Dans cette perspective, l’appui direct aux populations en difficulté passe par le soutien de projets caféicoles car ils allient développement économique et projet social ainsi qu’environnemental.
Fournir un appui de première main à la commercialisation des produits mais aussi aux services et aux infrastructures qui encadrent la production a été un préalable. Plus encore, encourager l’association de cultures vivrières – qui assurent l’alimentation de base – à la culture de rente que constitue le café, relève de la sécurité alimentaire. En République Démocratique du Congo, cela passe par des actions de relance des activités agro-pastorales, d’appui à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles. Ces actions ne vont pas sans la structuration des associations paysannes sur place. En matière de souveraineté alimentaire, le renforcement de partenaires dans le Sud rencontre les missions de plaidoyer dans le Nord.
Afin que ces résultats soient à la hauteur des enjeux, à côté du soutien des producteurs, l’intégration des syndicats, des coopératives, des organisations paysannes, des mouvements des femmes aux projets menés, est encouragée. Mais les causes de la pauvreté et de l’injustice étant aussi structurelles, les décideurs économiques et politiques sont interpellés sur place afin qu’ils jouent leur rôle, au niveau local, régional et national.
Des coopératives relèvent les défis d’un pays en reconstruction
Le Rassemblement des Agriculteurs et éleveurs du Territoire de Kabaré (RAEK) est une coopérative du Kivu de près de 600 caféiculteurs dont nombre de jeunes agriculteurs et de femmes, ce qui est déterminant pour une région qui a souffert de la guerre civile et doit se reconstruire sur les forces vives présentes. De plus, l’exode rural vers les bidonvilles est un véritable fléau que des initiatives productives sur le long terme comme RAEK contribuent à freiner.
Dans ce projet, six champs d’action privilégiés d’Oxfam-Solidarité sont réunis :
- L’emploi et le travail
- La sécurité alimentaire
- Les services sociaux de base
- Les droits des peuples et la responsabilité des Etats
- Les urgences liées à des circonstances exceptionnelles, en l’occurrence à la situation de conflit
- Le genre dans la promotion de rapports plus égalitaires entre hommes et femmes
Côté production, une des missions prioritaires pour redynamiser la filière de café est de rajeunir le verger caféier, de mettre en place un suivi de qualité et d’investir dans l’achat de dépulpeuses pour la transformation des produits. A noter que la vente de café transformé rapporte environ 40% de plus que celle du café brut. L’amélioration des techniques familiales de transformation du café permet aussi de donner du travail à d’autres catégories de travailleurs. L’établissement d’un plan stratégique, la tenue d’un tableau de monitoring des activités, un itinéraire technique de gestion durable du café, une revue interne pour diffuser pratiques et normes de gestion, sont parmi les initiatives qui améliorent la production mais forment également les producteurs au travail collectif et projectif.
Sur le plan environnemental, la lutte contre l’érosion des sols est une priorité à laquelle RAEK répond sur plusieurs plans. Des formations aux techniques plus responsables de culture de café se font auprès des producteurs qui sensibilisent les autres bénéficiaires des communautés. A titre d’exemple, l’intégration du petit élevage dans les plantations de café fournit du fertilisant naturel tout en combinant culture de rente et activité agricole vivrière.
RAEK s’est engagée socialement sur plusieurs plans. L’organisation s’emploie à réhabiliter ou améliorer les habitations qui, suite au conflit et dans un contexte de pauvreté générale, manquent des équipements les plus élémentaires.
Par ailleurs, une meilleure scolarisation des enfants est une des priorités de l’organisation. De même, la lutte contre la violence faîte aux femmes est l’opportunité de traiter d’autres phénomènes liés à la question du genre.
Des collaborations existent entre RAEK et SOPACDI, une autre coopérative de caféiculteurs de la région. Les échanges d’expériences sont d’autant plus importants que le secteur du café dans cette région est en refondation après une longue période de désinvestissement. Les deux organisations sollicitent les services publics de l’agriculture, tout comme l’Office National du Café ou l’Institut National d’Etude et de Recherche Agronomique (INERA).
Des communautés en recherche d’un environnement pacifié
SOPACDI est une organisation de caféiculteurs du Kivu qui a été fondée en 2003, « pour promouvoir des valeurs de solidarité et de partage » comme le dit son fondateur, Joachim Munganga. Son nom « Solidarité Paysanne pour la Promotion des Actions Café et Développement Intégral » est des plus explicites. Au départ c’est la COOPAC, coopérative rwandaise, certifiée Fairtrade, qui a appuyé la création de SOPACDI.
Les membres de cette coopérative sont passés de 300 à 3600 membres, en quelques années. Dans un contexte de conflit inter-ethnique, il était novateur de réunir des producteurs d’origine et de langue différentes autour d’un même projet. Il faut dire que la situation était si chaotique que toute tentative de sortir du marasme a gagné à elle nombre de producteurs qui avaient dû fuir leurs cultures en raison des milices et des pillards. En rassemblant des producteurs autour d’un objectif et de pratiques communs, SOPACDI a misé sur un développement économique et social de long terme.
Il s’agissait à la fois d’améliorer dans l’immédiat les conditions de vie des communautés appauvries par des années de conflit et veiller à ce que les investissements effectués bénéficient sans discrimination à tous les producteurs, quelle que soit leur origine ethnique.
Replanter des caféiers était nécessaire car beaucoup dataient de la période coloniale. De plus, la détérioration des sols en raison de techniques inappropriées ou de l’érosion a compliqué la tâche. Le compostage et le paillage des cultures sont une solution et participent de la réhabilitation des terres. La régénération des cultures de café, la distribution de semences et de plantules et les micro-crédits pour accroître la production font partie des initiatives qui visent le long terme.
Beaucoup d’hommes sont morts pendant le conflit ou partis en raison de la situation d’insécurité qui régnait dans la région. Aussi les femmes et les enfants sont restés souvent sans ressources et sans caféiculteurs expérimentés. Il a donc fallu organiser des formations aux planteurs en même temps qu’on plantait de nouveaux caféiers. Sur un autre plan, il fallait encourager les producteurs à ne pas vendre à perte leur récolte à des intermédiaires sans scrupule tout en organisant une nouvelle filière de commercialisation du café.
Dans ces conditions, l’aide de plusieurs organisations, au premier plan desquelles Oxfam-Wereldwinkels, a été déterminante. Le financement de caféiers, d’outils, de moyens de transport et d’équipement de transformation du café sont au compte des investissements de base. A titre d’exemple, la construction de la première station de lavage de café dans la région Est du Congo est une vraie réussite.
En complément de l’aide logistique, des ateliers de formation par des agronomes, des visites d’agents de terrain sont un moyen pour les producteurs de se former mais aussi d’établir des collaborations entre les communautés.
Un meilleur accès au marché est un corollaire de la professionnalisation de la production et de la commercialisation. La certification Fairtrade a été déterminante. Le pré-financement à 50% des frais de production apporte une aide essentielle. La prime de commerce équitable pour le café arabica vendu a permis l’entretien des dessertes agricoles, le financement d’écoles et de dispensaires.
La politique de genre menée par SOPACDI intègre les femmes, dont de nombreuses veuves en raison du conflit, afin de tirer des revenus de la culture du café. Il faut savoir que les femmes sont rarement propriétaires des terres au Congo. L’organisation collabore aussi avec des mouvements de femmes pour assurer des missions de sensibilisation sur les questions liées au genre.
RAEK et SOPACDI sont deux initiatives collectives qui montrent que des projets concrets peuvent fédérer des parties prenantes très différentes, dans des situations de conflit et de de post-conflit parfois très difficiles. Cela s’intègre aussi dans une démarche Nord Sud de partenariat basée sur des valeurs fondamentales. D’abord des valeurs de justice comprise de manière relationnelle à travers les rapprochements inter-ethniques et les questions de genre. La dimension d’équité entre les différentes parties prenantes est également de mise. La solidarité est mise en avant par la responsabilité d’engagement qui prévaut dans une coopérative et par les projets sociaux collectifs. La dignité repose sur la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels (article 22 de la Déclaration des droits de l’Homme). Ces quatre valeurs sont essentielles pour Oxfam-Magasins du monde.
Catella Willi, Partenariat Sud
Sources
- Oxfam-Solidarité pour RAEK : www.oxfamsol.be
- Oxfam-Wereldwinkels pour SOPACDI : www.oww.be
- SOPACDI : sopacdi.com
- Coopération Technique Belge : www.btcctb.org
- Oxfam-Magasins du monde : www.omdm.be