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Ressourcerie ou Charity Shop : deux modèles pour faire du seconde main

Analyses
Ressourcerie ou Charity Shop : deux modèles pour faire du seconde main

Aujourd’hui, le vêtement de seconde main a le vent en poupe, tant au niveau international où le prix de la fripe est au plus haut qu’au niveau national et en Europe, où l’impact de la crise se fait sentir et où les préoccupations écologiques grandissent.  La Wallonie ne risque pas de manquer d’acheteurs, que ce soit à l’exportation ou sur son propre marché.
Puisque le secteur est porteur, de nombreuses initiatives voient le jour. De nouveaux acteurs apparaissent et la concurrence augmente: les Ressourceries sont en pleine expansion, Terre[[highslide](1;1;;;)
Terre est le leader du marché pour les entreprises d’économie sociale actives dans le textile de seconde main.
[/highslide]] s’est par exemple doté d’une nouvelle chaine de production et va entièrement rénover l’un de ses centres de tri. Le besoin d’expliquer sa particularité afin de se différencier devient donc un enjeu majeur.  Oxfam-Magasins du monde doit définir ou créer son modèle au sein du cadre de l’économie sociale[[highslide](2;2;;;)
Voir analyse : Économie  sociale et modèle économique : quelles implications pour le seconde main d’Oxfam ?
[/highslide]].  Pour ce faire, il est intéressant de se nourrir des modèles des autres acteurs dans le domaine. Nous ne pourrons pas aborder ici tous les concepts et modèles existants dans le cadre de l’économie sociale, c’est pourquoi nous choisissons d’étudier plus précisément deux modèles : les Charity Shops et les Ressourceries.

Les Ressourceries

Le terme et concept  de « Ressourcerie » nous vient du Québec, ce qui explique probablement la diffusion du concept principalement vers la Francophonie.  En Wallonie, le concept a été adopté et adapté en 2009 via un arrêté gouvernemental wallon[[highslide](3;3;;;)
Arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 2009 relatif à l’agrément et à l’octroi de subventions aux associations sans but lucratif et aux sociétés à finalité sociale actives dans le secteur de la réutilisation (M.B. 02.07.2009)
[/highslide]]. En parallèle, le terme « Ressourcerie » est devenu une marque déposée (et gérée par Ressources[[highslide](4;4;;;)
Ressources est la fédération des entreprises d’économie sociale actives dans la réduction des déchets par la récupération, la réutilisation et la valorisation des ressources.
[/highslide]]). Centré sur la revalorisation des déchets[[highslide](5;5;;;)
Il est intéressant de remarquer que légalement parlant un bien devient un déchet lorsque son propriétaire s’en défait. Ce n’est pas son état intrinsèque (abimé ou non) qui conditionne son statut de déchet.
[/highslide]] dans un contexte d’économie sociale, le principe des Ressourceries répond en effet parfaitement à la hiérarchie de gestion des déchets[[highslide](6;6;;;)
Hiérarchie simple pour le traitement des déchets: 1.réutilisation/récupération, 2.recyclage, 3.incinération, 4.enfouissement technique
[/highslide]] que les régions doivent désormais respecter suite à la transposition d’une directive européenne visant à réduire les déchets.
L’arrêté définit les conditions d’agréation (une douzaine de critères) ainsi que les droits et obligations de ces structures. Actuellement, le législateur doit davantage enrichir cet arrêté qui se limite à mettre en place un accès plus aisé aux subsides à l’emploi et  une obligation de reporting sur les quantités de biens gérés[[highslide](7;7;;;)
Dans le domaine du management, le reporting est généralement l’activité qui consiste à rendre compte périodiquement de ses performances à l’égard de sa direction
[/highslide]]. L’arrêté dans sa forme actuelle ne va pas au bout des possibilités, entre autres concernant la subsidiation. En effet, il est important de subsidier les acteurs non-publics remplissant des missions sociétales qui devraient être pris en charge par les pouvoirs publics. C’est pourquoi la fédération Ressources milite actuellement pour un subside versé à la tonne collectée (sous conditions de respects d’une série de critères), afin d’encourager la récupération dans les filières d’économie sociale en Wallonie.
Malgré ces faibles incitants légaux, le concept se développe dans une certaine mesure en Wallonie où l’on recense dix Ressourceries reconnues et plusieurs projets. Sachant que l’action de certaines s’étend sur plusieurs communes, cela représente une couverture d’environ 10% du territoire. Si les biens traités et les lieux d’action peuvent varier d’une structure à l’autre, les Ressourceries ont une mission principale commune : la collecte des biens et leur remise en état, bien plus que la vente. Beaucoup de similitudes peuvent être observées avec les « vide-greniers » qui tentent également de maximiser les canaux de réutilisation. Le plus souvent,  la Ressourcerie  est sollicitée pour la reprise des encombrants (mobilier, matériel électroménager, décoration, vaisselle). Elle conclut alors des partenariats avec les communes et leur opérateur de collecte de déchets. Ainsi, la Ressourcerie de la Dyle (Brabant Wallon) dont le siège principale est situé à Genappe, possède un magasin de vente à Ottignies et est le collecteur d’encombrants pour les communes de Walhain, Grez-Doiceau, Court-Saint-Étienne et Ottignies-Louvain-la-Neuve.
Finalement, les premiers critères de l’arrêté reprennent les éléments permettant de s’assurer de l’appartenance des structures à l’économie sociale. Si pour une majorité des projets, la formation et la réinsertion professionnelle sont les principaux moteurs d’action sociale, certains ont pour objectif de financer des projets d’intérêt commun. Par exemple, la Ressourcerie de la Fol’fouille à Braine-l’Alleud finance une maison d’accueil pour femmes victimes de violences.

Les Charity Shops

Les  Charity Shops sont des magasins de détail vendant principalement des biens de seconde main qui sont toujours reçus sous forme de dons. La vente de ces biens a pour but de récolter des fonds pour l’œuvre de charité dont dépend le magasin. Ce modèle est né peu après la seconde guerre mondiale en Angleterre et n’a cessé depuis de prospérer pour devenir un business lucratif dans le pays. Les chiffres officiels annoncent un chiffre d’affaire annuel pour le secteur de 20 millions de livres sterling, soit un peu plus de 245 millions d’euros[[highslide](8;8;;;)
Données publiées par la Charity Retail Aassociation sur leur site.
[/highslide]]. Les résultats des magasins locaux sont également impressionnants, avec des chiffres de vente hebdomadaires allant de 800 à 3225 euros. A titre de comparaison, il s’agit de la fourchette de résultats de vente moyens d’un magasin du monde-Oxfam de seconde main sur une période mensuelle.
Aujourd’hui, le Charity Shop fait partie intégrante des habitudes de consommation anglaises.  Le déploiement est tel qu’une association des Charity Shops , la Charity Retail Association, a été créée dans le but de contrôler les magasins et l’appellation (via le Code of Charity Retailing) et de soutenir  les magasins avec un travail de lobby politique et un pôle d’expertise. L’association cherche également à promouvoir le principe auprès du grand public[[highslide](9;9;;;)
À titre d’exemple, la Charity Retail Association remet chaque année des prix tels que « meilleur nouveau bénévole », « meilleure équipe de magasin » ou encore « meilleure innovation verte ».
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Les Charity Shops vendent de tout : neuf ou seconde main, textile, livres ou encore décoration. Une seule obligation : il doit s’agir de dons que le magasin pourra vendre afin de générer un bénéfice. Car comme leur nom l’indique, les Charity Shops sont avant tout et surtout un moyen de se faire  donateur charitable, en donnant ou achetant un bien.
Ce modèle a donc tout pour plaire et prospérer au Royaume-Uni et ailleurs. Nombres d’associations voient dans ce concept la possibilité de s’assurer des financements sûrs et indépendants provenant de la bonne volonté des donateurs ou des pouvoirs publics. C’est pourquoi il est étonnant que le phénomène ne soit pas plus étendu. En 2010, si Le Royaume Uni comptait 697 Charity Shops, on n’en dénombrait que 45 en Irlande, 36 en Allemagne et seulement 4 en France[[highslide](10;10;;;)
« Le « charity shop » à l’anglaise cherche sa place en France », Le Figaro, 18/11/2011, Isabelle de Foucaud.
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Dans ce dernier pays, le phénomène est relativement nouveau, ce qui explique le nombre très limité de boutiques de type Charity Shop. A l’occasion de l’ouverture de la première friperie Oxfam,  la journaliste Isabelle de Foucaud s’interrogeait sur la capacité du français à se convertir à la « générosité à l’anglaise »,  c’est-à-dire à « adapter sa façon de penser et agir sur un mode culturel autre »[[highslide](11;11;;;)
« Le « charity shop » à l’anglaise cherche sa place en France », Le Figaro, 18/11/2011, Isabelle de Foucaud.
[/highslide]]. Car la question qui se pose ici n’est pas de savoir si les français sont intéressés par le seconde main, mais bien l’adhésion et l’acceptation de le voir apparaitre dans leur quotidien. Jusqu’à présent, le marché du seconde main (textile et autres) s’est bien établi dans le pays via un large réseau de 300 boutiques Emmaüs et de presque 800 vesti-boutiques de la Croix-Rouge. Ces espaces situés en dehors des zones commerçantes sont peu visibles et plutôt destinés aux personnes précarisées. Une particularité des Charity Shops est en effet la volonté d’être visible et de s’intégrer dans les zones commerciales et les centres urbains, mais aussi de s’intégrer dans les habitudes d’achat et de don. Ce constat peut s’élargir à la Belgique où le concept est certes plus présent (via Oxfam-Solidarité[[highslide](12;12;;;)
Les 33 lieux de vente d’Oxfam-Solidarité se situent, sur les grands principes, dans la lignée des Charity Shops.
[/highslide]]), mais où le seconde main reste pourtant quelque peu marginalisé.

Trouver son propre modèle

Le modèle et les résultats des Charity Shops sont exaltants, vu le succès qu’ils remportent au Royaume-Uni. Cependant, l’organisation qui adopte ce modèle doit avoir un objet social fort et clair qui justifie la « cause » à financer. Le public adhérera à l’idée de donner ou acheter dans un Charity Shop seulement s’il adhère à la cause qu’il soutient. Le panel des causes est large au Royaume-Uni : il va de la recherche médicale à l’appui de projets politiques dans le Sud. Dans cette optique, les projets d’Oxfam-Solidarité pourraient être considérés comme «l’œuvre de charité » d’Oxfam-Magasins du monde, le commerce équitable n’étant pas une cause à financer, même s’il ne faut pas oublier les projets d’appui aux partenaires de commerce équitable qui, eux, nécessitent un financement.
Le modèle des Ressourceries est porteur en ces temps de crise que traverse la Wallonie. La création d’emploi répond à une problématique actuelle de notre région. Cependant, un objectif de création d’emploi dans la filière de tri demanderait à Oxfam-Magasins du monde de réorganiser celle-ci intégralement : entièrement gérée par les équipes bénévoles locales, la structure devrait devenir centralisée, et la place du mouvement du modèle participatif dans cette structure devra donc être repensée.
En conclusion, cette analyse montre avant tout que si un modèle économique doit être défini, il est difficile de réaliser un simple « copier-coller » d’un modèle sur l’activité de seconde main d’Oxfam-Magasins du monde. L’organisation doit créer son propre modèle de fonctionnement en s’appuyant sur la réflexion et l’expérience des différents acteurs du secteur.

Sources :

  • Charity Retail Association, site de l’association des Charity Shops du Royaume Uni http://www.charityretail.org.uk
  • Delpont, L., « Connaissez-vous les charity shops? », 27 avril 2007 in l’Express en ligne.
  • British Retail Consortium, étude sur les Charity Shops, mai 2011, sur le site www.brc.org.uk
  • “A point of view: Charity shop blues”, http://www.bbc.co.uk/news/magazine-19662980
  • Annexes du Moniteur belge, Oxfam-Magasins du monde, statuts, dernière publication le 2 octobre 2012
  • Annexes du Moniteur belge, Oxfam-Solidarité, statuts, dernière publication le 25 novembre 2005
  • Arrêté du Gouvernement wallon du 3 juin 2009 relatif à l’agrément et à l’octroi de subventions aux associations sans but lucratif et aux sociétés à finalité sociale actives dans le secteur de la réutilisation (M.B. 02.07.2009)