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Oxfam-Magasins du monde

COP21, la lutte continue

Analyses
COP21, la lutte continue

Cette fin d’année 2015 a été marquée par la Conférence de Paris sur le climat et la signature historique d’un accord international entre 195 états. Mais, après analyse, les sentiments restent très contrastés. Que peut-on déjà en retirer à ce stade? Quelles avancées ou bien quels reculs ?
« L’accord de la 21ème conférence pour le climat est adopté » déclarait, ce 12 Décembre 2015, le ministre français en charge de la présidence de la COP21, Laurent Fabius, après avoir asséné le coup de marteau scellant l’accord. S’en sont suivis des applaudissements et des effusions de joie de la part des délégations et de ceux qui ont suivi les pourparlers de l’intérieur. Les autres, qui n’ont pu assister de près aux négociations, se sont montrés plus tempérés ou clairement critiques.

1,5°C, un objectif ambitieux mais risqué

L’objectif de l’accord prévoit de « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C »[1. PDF, Accord de Paris 2015 ]. Ce second seuil, plus ambitieux, a été déterminé à la demande des Etats insulaires qui subissent déjà les effets néfastes des dérèglements climatiques, à travers des catastrophes naturelles importantes, telles que des cyclones, inondations ou de fortes sécheresses, et qui seront les premières victimes face à l’élévation du niveau des mers.
Cependant, le texte manque de détails sur les moyens à déployer pour parvenir au respect de ce seuil. Seule une vague formulation énonce un « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais (…) et à opérer des réductions rapidement (…) de façon à parvenir à un équilibre entre émissions anthropiques et absorptions de celles-ci par des puits de carbone ».
Cet objectif est qualifié de dangereux par beaucoup de scientifiques et de défenseurs du climat, car il ouvre la porte à toutes sortes d’improbables technologies de stockage et de séquestration du CO2, dont la géo-ingénierie. Cette discipline, qui vise à manipuler et modifier le climat à l’échelle mondiale, est connue depuis la deuxième Guerre Mondiale et utilisée à l’époque pour générer des pluies locales ou éclaircir le ciel durant des opérations militaires. À ce jour, les propositions avancées par ses défenseurs sont plus étranges encore, cela va de la fertilisation des océans pour augmenter la capacité d’absorption du CO2 par le phytoplancton, à la pulvérisation de soufre dans l’atmosphère afin de réfléchir les rayons du soleil, comme le font les volcans, et même jusqu’à la modification de l’axe de la Terre[2. http://www.franceculture.fr/emissions/ce-qui-nous-arrive-sur-la-toile/la-technologie-pour-sauver-la-planete
http://www.huffingtonpost.fr/michel-bourban/la-geo-ingenierie-une-solution-au-changement-climatique_b_7753718.html
https://alternatiba.eu/2015/12/laccord-de-paris-ne-stabilisera-pas-le-climat/].
Ces approches dignes de la science-fiction sont cependant sérieuses et la discipline est abordée à plusieurs reprises dans le dernier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat[3. 5e Rapport d’évaluation du GIEC
http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SummaryVolume_FINAL_FRENCH.pdf] (GIEC). Non seulement ces technologies sont incertaines en termes d’efficacité et de conséquences, mais ces réflexions donnent l’illusion que la technologie est la solution pour contrecarrer le réchauffement climatique. Il serait donc inutile de changer nos modes de vie car l’Homme accomplira bientôt un vieux rêve, celui de pouvoir contrôler la nature et l’ordre du monde.

Un plancher, des pertes et des préjudices

Une promesse de dédommagement qui date initialement de la COP15 de Copenhague, stipule dans l’Accord de Paris, que les pays riches devront verser 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, pour l’adaptation des pays les plus vulnérables au changement climatique. S’agissant d’un « plancher » il pourra donc être relevé mais sur une base volontaire de la part des pays développés. À partir de 2025, un nouvel objectif chiffré devrait être établit mais les formulations manquent de précisions pour évoquer ces futurs financements[4. http://www.terraeco.net/L-Accord-de-Paris-ce-qu-il-y-a-et,63116.html
https://www.rtbf.be/info/dossier/cop21-les-negociations-climatiques-de-paris/detail_cop-21-un-projet-d-accord-finalise-sera-presente-samedi-a-11h30?id=9162539
http://www.france24.com/fr/20151212-cop21-detail-accord-final-engagement-analyse-climat-rechauffement-paris-bourget].
L’Accord de Paris introduit également un affaiblissement du mécanisme de « Pertes et dommages », qui définit la responsabilité historique des États du nord dans la crise climatique subis par les pays les plus pauvres. On aurait pu se féliciter d’un tel ajout au sein du texte, cependant il s’avère plutôt décevant puisque sous la pression de certains pays, notamment les Etats-Unis, la reconnaissance de ces « pertes et préjudices » ne pourra pas entrainer de responsabilité juridique ni de droit à des compensations.

Les grands oubliés

À chaque Conférence du climat ses absents. Outre les pays qui n’étaient pas représentés à Paris, cette année ce sont certains termes ou domaines d’actions qui brillent par leur absence au sein de l’accord.
Ainsi, on recensera la question des droits humains qui ne figure plus que dans le préambule et n’a donc aucune valeur contraignante, ou encore le mot « agriculture » qui n’apparait pas une seule fois dans le texte malgré l’importance de ce secteur dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Les océans également, qui recouvrent les deux tiers de la planète, ne sont pourtant cités qu’une seule fois dans le texte, alors qu’ils ont un rôle essentiel dans la régulation du climat en absorbant près d’un tiers des émissions de CO2, en stockant et transportant d’importantes quantités de chaleur et en contribuant à la production de la moitié de notre oxygène.
Par ailleurs, la sortie des énergies fossiles n’est pas non plus mentionnée clairement, il n’y a aucun objectif quantitatif déterminé, tout comme la transition vers les énergies renouvelables. Enfin, les transports maritimes et aériens, qui sont responsables de près de 10% des émissions mondiales de GES, et pourraient d’ici 2050 représenter une part de 40%[5. https://www.fne.asso.fr/actualites/transports-a%C3%A9riens-et-maritimes-les-grands-oubli%C3%A9s-des-n%C3%A9gociations-de-la-cop21], sont eux aussi restés en dehors de l’accord.

Les réponses de la société civile

Face à des engagements jugés insuffisants, non contraignants et sans aucun mécanisme de sanction dans le cas où ils ne seraient pas tenus, il apparait évident à présent que les changements attendus ne viendront pas des décideurs politiques, mais seront provoqués par la société civile.
La Transition citoyenne est en marche et réinvente, partout sur le globe, nos façons de produire, de nous nourrir, d’échanger, d’habiter ou encore d’éduquer nos enfants.
Elle s’illustre notamment à travers de nombreuses alternatives dans l’alimentation (agroécologie, permaculture, circuits courts, jardins partagés), dans l’économie (monnaies locales, banques éthiques, investissement solidaire, financement participatif) et l’énergie (coopératives citoyennes d’énergie, fournisseur d’électricité renouvelable).
Le commerce équitable d’Oxfam-Magasins du monde est la représentation concrète d’un mouvement citoyen qui s’inscrit dans cette Transition par la défense de la souveraineté alimentaire, du travail décent, du respect de l’environnement et le soutien à une agriculture résiliente au Sud et au Nord.
Ces actions existantes, font alors naitre des documentaires comme DEMAIN, En quête de sens, Libres! qui, grâce aux exemples inspirants qu’ils diffusent à plus grande échelle, ont la capacité de rassembler et faire éclore des vagues d’initiatives citoyennes afin de réinventer ensemble « le monde de demain ».

Des avancées toujours ponctuées d’obstacles

L’année 2015 a été riche de victoires pour le climat. Sous la pression des ONG, la France a par exemple, confirmé la suppression des aides à l’export des centrales à charbon qui ne serait pas doté d’un dispositif de capture et de stockage de CO2. Trois des principales banques françaises se sont engagées, par écrit, à ne plus financer le projet minier pharaonique situé dans le bassin de Galilée, en Australie, là où se dresse la Grande Barrière de corail. Du côté des Etats-Unis, après sept années de mobilisations, d’actes de désobéissance civile et guérillas juridiques, Barack Obama a annoncé le rejet du projet d’oléoduc Keystone XL, qui devait relier le Canada au Golfe du Mexique[6. http://www.novethic.fr/empreinte-terre/climat/isr-rse/cop21-le-bilan-de-tout-ce-qui-compte-mais-qui-n-est-pas-dans-l-accord-143777.html].
Et durant la Conférence de Paris, les propositions ont été nombreuses dans le domaine de l’énergie notamment avec la création de l’Alliance Internationale pour le Solaire (ASI) visant à alimenter l’Inde avec 100 GW d’énergie solaire en 2030 ou encore l’Initiative africaine pour l’énergie renouvelable (AREI) visant à fournir au continent 300 gigawatts de capacités d’énergies renouvelables d’ici 2030. Preuve en plus de la volonté des territoires de se mobiliser dans la lutte, lors du Sommet des élus locaux pour le climat, un millier de maires de villes du monde entier se sont engagés à soutenir un cap vers 100% d’énergies renouvelables en 2050[7. http://www.notre-planete.info/actualites/4390-COP21-accord-climat-Paris].
Cependant, il incombe aux militants, associations et ONG de rester vigilants. En effet, dans le secteur du soutien aux énergies fossiles, parmi les 15 banques européennes et américaines les plus importantes au monde, aucune n’a signé l’Appel de Paris – le Paris Pledge – qui prône l’engagement de l’arrêt des financements du charbon d’ici 2020[8. http://www.amisdelaterre.org/Nouveau-rapport-Charbon-le-crash.html]. Au contraire, le rapport « Charbon, le crash test[9. Rapport « Charbon, le crash test : où en sont les banques à l’heure de la COP21 ? » https://issuu.com/amisdelaterre/docs/the_coal_test_digital] » révèle qu’entre 2009 et 2014, 257 milliards de dollars ont été alloués au charbon, par ces banques internationales, contre 105 milliards de dollars aux énergies renouvelables. Rajoutons à cela, les impacts sociaux considérables, qu’engendrent les mines de charbon, avec à titre d’exemple l’Allemagne, où des villages entiers sont rasés pour laisser place à de gigantesques mines à ciel ouvert. Paradoxe, pour un des pays européens les plus avancés en matière d’énergies renouvelables avec 27% d’électricité provenant des énergies vertes[10. http://www.bastamag.net/En-Allemagne-des-villages-entiers-sont-rases-pour-laisser-place-a-de].
Les batailles ne sont donc pas terminées. Les mobilisations citoyennes sont plus que jamais nécessaires pour lutter contre l’abandon des projets climaticides, des partenariats de libre-échange, la fin des subventions aux combustibles fossiles et le développement d’actions en faveur de la transition écologique et sociale et de la justice climatique.
Manon Huteau