Dans le cadre de cette analyse, il a été choisi d’aborder le métier d’animateur/trice en Education à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire (ECMS) et ses spécificités avec un public jeune. Cette analyse reprendra principalement des témoignages d’animateurs/trices de terrain, présents lors du séminaire « Les jeunes et nous » organisé par les ONG SCI[1. Service Civil International] et DBA[2. Défi Belgique Afrique] les 5 et 6 décembre 2016. Ce séminaire était un lieu de partage d’expériences et réflexions sur les jeunes d’aujourd’hui, leur manière de fonctionner, leurs motivations, leurs préoccupations et leurs valeurs. Qui sont ces jeunes à qui nous nous adressons lors de nos animations ? Qu’est-ce qui les motive ? Quelles sont leurs valeurs et leurs besoins ? Comment fonctionnent-ils ?
Dans les prochaines lignes, il sera question d’aborder deux théories qui permettent de questionner le métier d’animateur. La première théorie a trait aux besoins des jeunes et la seconde aux facilitateurs d’apprentissage. Dans les deux cas, ces théories seront éclairées par la pratique d’animateur/trices et leurs témoignages récoltés lors du séminaire. En d’autres termes, comment tenir compte des spécificités du public jeune (ses besoins et ses moteurs pour apprendre) dans le cadre d’animations en ECMS. Quelles sont les bonnes pratiques que les animateurs/trices peuvent en tirer afin de mener des animations d’ECMS qui visent un impact sur les jeunes et leurs représentations de notre modèle de société.
Il ne s’agit pas ici de détailler de manière exhaustive les spécificités des jeunes que nous rencontrons au fil de nos animations, mais plutôt de partir d’un échange concernant nos pratiques, nos expériences de terrain et de nos ressentis face aux jeunes, confrontés entre eux et à des apports théoriques. Il s’agit donc d’une vision empirique nourrie par notre métier d’animateurs/trices. Ce point de vue est forcément subjectif mais permet un retour critique.
Un animateur/trice qui tient compte des besoins de son public
Une théorie dans laquelle les animateurs/trices peuvent trouver des repères pour comprendre et pratiquer leur métier est « l’éducation postmoderne » de Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet. D’après les auteurs, une bonne animation ne peut se faire sans tenir compte de la recherche d’identité des jeunes, qui se traduit par un besoin social, cognitif, affectif et idéologique.
Il y a tout d’abord un besoin social. Le jeune va chercher sa place dans le groupe, va essayer de faire partie du groupe, il va être en recherche de considération, en quête de pouvoir et d’autonomie sociale à la fois par un processus d’individualisation mais aussi d’appartenance sociale. Ce besoin social englobe les besoins de communication, de considération et de structures. La sollicitation de ces besoins va encourager l’ouverture vers le monde extérieur et l’autonomie de la personne qui va se différencier de son groupe d’origine et devenir elle-même. Les animateurs/trices présents lors du séminaire remarquent très fort ce besoin social chez les jeunes. Parfois, cette construction identitaire qui passe par un besoin de reconnaissance, de se « montrer » peut déstabiliser l’animateur/trice. Cela peut se traduire par du chahut, par des « petits comiques » qui perturbent l’animation. La difficulté des animateurs/trices en ECMS est de repérer rapidement les dynamiques de groupe. En effet, souvent ils ne connaissent pas le groupe avec lequel ils vont travailler, ils le découvrent au fil de l’animation. Ils doivent alors, en plus de leur contenu et méthodologie d’animation, essayer de percevoir la dynamique de leur groupe, les différentes personnalités des jeunes, leurs relations et le climat du groupe. « Quand on débute le métier d’animateur, on pense que ce qui compte pour qu’une animation soit réussie est ce que l’on va dire. On ne fait pas trop attention aux participants, on se concentre plutôt sur ce que l’on dit, que ce soit clair et précis. Au fil des expériences, on se rend compte que pour être entendu, il ne suffit pas simplement de dire les choses, mais d’avoir su rapidement comprendre son public et sa manière de fonctionner. » Laurent Lahaye, responsable des projets Sud à l’ICHEC.
Selon les auteurs, le jeune a également un besoin cognitif. Il va vouloir renforcer ses connaissances, son savoir en étant stimulé, en expérimentant dans l’objectif de s’accomplir. Le jeune va être en quête de sens afin de comprendre et maitriser son environnement, pour pouvoir éventuellement le transformer. Lors du séminaire, les animateurs/trices ont de nombreuses fois évoqué la curiosité des jeunes. Ils sont en recherche, se posent des questions. Ils sont alors contents de faire des liens, de comprendre les choses mais aussi de déposer leurs interrogations sur des sujets de société. Comme le souligne Coline Duchesne de l’absl Green Planet « On vient avec des idées et du contenu, on sent très fort que les jeunes ont envie d’en apprendre plus, surtout quand ils peuvent relier ce que l’on dit à ce qu’ils entendent à la télévision ou dans leurs familles, à propos de la mondialisation, de la consommation ou des migrations par exemple. » Souvent, les jeunes nous perçoivent comme étant « un expert qui va venir avec des faits et des chiffres » car il vient de telle ONG qui maitrise le sujet évoqué. Souvent ils attendent alors « la » bonne réponse, l’avis de l’animateur/trice qu’ils considèrent être le bon. Il ne faut pas tomber dans ce piège car l’animateur/trice doit garder en tête son objectif de développer l’esprit critique des jeunes et les pousser à se forger leur propre opinion en croisant différentes sources.
Le besoin affectif doit lui aussi être pris en compte. Ce besoin concerne les liens interpersonnels du jeune qui veut se situer par rapport au groupe et définir sa relation aux autres. Le jeune va être en quête de liens et d’affiliation, et pour cela il va s’investir dans le groupe afin de se faire accepter. En animation, ce besoin se traduit souvent par la peur du jugement du groupe. Le jeune fait énormément attention à l’image qu’il donne de lui-même et celle que le groupe perçoit. Cela peut donc influencer l’animation, par exemple avec des jeunes qui interviennent très peu car ils n’osent pas donner leur avis. Phénomène parfois amplifié avec les réseaux sociaux, où le soir même l’intervention d’un jeune peut se retrouver sur Facebook, moquée par ses camarades. On voit également un autre phénomène, que Laurent Lahaye, responsable des projets Sud à l’ICHEC, qualifie du banc de poisson : « Il y a parfois une vraie pression à la conformité. Lorsque l’on demande aux jeunes un avis sur une question, leur opinion peut partir dans un sens ou dans un autre, en fonction de la popularité du jeune qui avance l’idée. Si un jeune considéré comme leader avance un argument pour, on voit tout le banc de poisson argumenter en faveur du pour, puis si on voit un autre jeune considéré lui aussi comme un leader avancer un argument contre, tout le banc de poisson continuent dans la même lignée. On assiste à des débats alors très peu intéressants ».
L’animateur/trice joue souvent le rôle du « facilitateur » qui essaye de libérer la parole dans un groupe et donner une place à chacun(e). Ce rôle est plus ou moins facilité par la posture de l’animateur/trice qui est une personne extérieure, de passage par rapport à l’école. Il est parfois plus facile d’établir rapidement un climat de confiance et un espace de discussion quand il n’y a pas d’enjeu dans la relation, il/elle ne doit pas évaluer l’élève et n’a pas de contrôle/pouvoir sur la réussite de son année.
Le dernier est le besoin idéologique. Le jeune est en recherche de ce qui est considéré comme « bien, bon, vrai » pour et par la société, principalement véhiculé par la famille et l’école. Le jeune va être en quête de sens et de valeurs. Les animateurs/trices présents au séminaire constatent que les jeunes sont souvent contents que l’on vienne leur parler de valeurs et que l’on interroge ensemble notre modèle de société. Certains animateur/trices se voient comme des agents de trouble qui posent des questions, chamboulent, voire déstabilisent les jeunes dans leurs convictions. « J’essaye d’être un provocateur, un déclencheur, un transmetteur », explique Foued Bellali, animateur pour l’ASBL 2Bouts. Il a également été évoqué l’idée de « semeur de graine », comme Sandrine Debroux d’Oxfam-Magasins du monde l’explique : « On propose des idées, des réflexions mais on ne fait finalement que planter des graines, on ne sait pas si elles vont germer, si les jeunes vont se saisir des questionnements que l’on propose, les animateurs n’ont que peu de prise sur la manière dont leur message est reçu ». Il a été également évoqué qu’à l’inverse, les jeunes perçoivent parfois les animateurs en ECMS comme des donneurs de leçons, des moralisateurs. Face à des jeunes parfois pessimistes, désillusionnés de la politique, fatalistes, il est difficile de combattre le « on ne peut rien y changer ». A nous de naviguer entre leurs propres émotions et l’espoir que l’on désire leur insuffler (voir analyse d’Oxfam-Magasins du monde 12 – 2016 : « La motivation chez les jeunes avec lesquels nous travaillons, comment la développer et l’entretenir ? » Sandrine Debroux)
Ce modèle des 4 besoins identitaires fondamentaux a pour objectif de montrer comment un jeune construit son identité. Il est impératif que l’animateur/trice garde ces variables à l’esprit car elles semblent essentielles afin qu’un jeune puisse se développer de manière harmonieuse. Chaque animation devra alors avoir comme objectif de tenter de répondre à ces quatre variantes, sans sur investir l’une ou faire fi d’une autre afin de prendre en compte les besoins des différents participants. Ce modèle permet également de comprendre que les jeunes ont des besoins divergents, qui ne se rencontrent pas forcément lors de l’animation proposée. Souvent, nous sommes face à certains jeunes qui attendent du contenu, des chiffres, des exemples concrets alors que dans une autre partie du groupe ils sont plus désireux de s’exprimer, d’avoir des débats ou des échanges. Cette attention portée aux besoins des jeunes leur permet de prendre une place d’acteur au sein de l’animation pédagogique et permet également à l’animateur/trice de porter d’autres lunettes sur le comportement parfois déstabilisant des jeunes et ainsi mieux comprendre leurs fonctionnements.
Quels sont les facilitateurs à l’apprentissage ?
Un autre modèle théorique intéressant pour la pratique d’animation en ECMS est « Les 7 facilitateurs à l’apprentissage » de Léonard Guillaume et Jean-François Manil, tous deux docteurs en sciences de l’éducation et toujours instituteurs en fonction. Leur méthodologie est basée sur une longue période de systématisation des expériences auprès d’élèves auxquels ils ont demandé d’identifier les facilitateurs et freins à l’apprentissage grâce à un dictaphone qui restait en classe.
Les auteurs ont retiré de cette expérience avec les jeunes sept facteurs qui facilitent leur apprentissage :
Le premier facilitateur est l’émotion : tenir compte des émotions des jeunes et de leur vécu de l’activité. La prise en compte de l’émotion est importante car elle canalise la motivation et l’engagement des jeunes. Il s’agit offrir des canaux de communication pour que les jeunes puissent exprimer et accepter leurs ressentis, puissent dire ce qui les gêne dans les propos tenus, etc. Afin de tenir compte des émotions, les animateurs/trices se basent souvent sur la réalité des jeunes pour débuter une animation. Gaëlle David de Caritas International explique « On part souvent de leur vécu ou de leurs représentations afin d’introduire le sujet. Cela nous permet de situer les connaissances du groupe, mais laisse également une place au jeune qui se sent écouté, valorisé. Dès le début de l’animation, ils sentent qu’ils pourront s’exprimer tout au long des discussions.».
Le second facilitateur est l’action : Faire et exposer, c’est-à-dire laisser les jeunes faire par eux-mêmes. Les participants présentent aux autres ce qu’ils ont découvert, cherché, trouvé (une affiche, une phrase, un slogan, un résumé, ..) … ce qui suppose qu’ils s’engagent, qu’ils sont des sujets auteurs de l’animation. Ceci fonctionne mieux quand les participants sont réellement associés au choix du sujet et de son contenu, car ils auront davantage envie de s’exprimer et de rechercher des informations. L’animation peut également déboucher sur une production, individuelle ou collective, afin de concrétiser les apprentissages, mais aussi de garder une trace. Julie Poncin de DBA explique : « Quand un animateur est fort stressé par une animation, il peut avoir tendance à faire un exposé sans laisser une place pour de l’interaction avec les jeunes, car il est plus confortable de suivre sa propre trame d’animation que de rebondir sur les propos des participants. Mais cette méthode est très peu participative et il y a de gros risques que les jeunes ne s’approprient pas le contenu et surtout, aucune place ne leur est donnée pour développer leur esprit critique. »
Le troisième facilitateur est l’étayage : il s’agit de ne pas donner une réponse ou une opinion trop vite, de considérer tous les participants comme capables d’apprendre, de leur donner un statut d’expert qui co-construit le contenu de l’animation. Il n’est pas toujours facile pour l’animateur/trice de placer les jeunes dans une réelle position de co-constructeur de l’animation car il/elle souhaite souvent amener un message précis auprès de son public. Une question qui a été amenée par les animateurs/trices lors du séminaire était d’ailleurs celle de l’équilibre à trouver entre l’animateur/trice qui pourvoit du contenu tout en laissant une large place à l’élève pour donner son avis et amener lui-même sa vision du monde. Mais si les jeunes ont souvent envie de s’exprimer sur le sujet évoqué (les migrations, le commerce mondial, la mondialisation, etc.), peut-on avoir des échanges intéressants sur des sujets complexes sans donner des informations, des chiffres, des analyses ? Le risque est d’avoir des échanges fort stéréotypés, qui ne se fondent que sur les on-dit sans vraiment ajouter une plus-value au débat. Il faut donc naviguer entre leur envie d’avoir un vrai espace de discussion qu’ils peuvent s’approprier et d’en savoir plus avec des faits étayés amenés par l’animateur/trice, qui nourriront cet espace de discussion.
Une piste proposée lors du séminaire pour laisser une large place aux jeunes dans l’animation est de leur laisser choisir la forme de l’expression, c’est-à-dire utiliser les moyens qui les mettent à l’aise et qu’ils auront eux-mêmes choisi pour s’exprimer. Ils peuvent se tourner vers des moyens plutôt scolaires (exposé, …) ou plus artistiques (théâtre, vidéo, …) en fonction de leurs envies.
Le quatrième facilitateur est l’organisation : gérer le temps, les consignes et les référents. Un aspect fondamental pour le métier d’animateur/trice en ECMS est celui du temps : il faut mettre du temps au service des apprentissages, proposer une éducation « lente » car les effets peuvent se produire à plus long terme quand il s’agit d’amorcer une réflexion complexe sur notre société. Mais cet élément « temps » est un obstacle majeur, encore plus spécifiquement en milieu scolaire où les horaires sont cadenassés. Il est difficile de voir un groupe plus de 50 minutes ou 2x 50 minutes, ce qui laisse très peu de place pour amener du contenu, des questionnements mais aussi amener les jeunes à développer leur esprit critique. La possibilité de travailler sur le long terme est rare et ne colle pas aux spécificités du système scolaire. Dans le cadre d’interventions en école, pour se donner un peu plus de temps, Cécile Van Overstraeten de la Croix Rouge explique « Je propose aux professeurs de venir deux fois dans l’école, une première rencontre d’une heure pour rencontrer les jeunes, voir leur réalité, leurs intérêts et leurs préoccupations, et une autre fois deux heures afin de faire l’animation à proprement parler ».
Le cinquième facilitateur est celui de la sécurité : Assurer la stabilité et la sécurité. Cela exige de l’animateur/trice une présence bienveillante, c’est-à-dire qui soit guidante tout en intégrant l’erreur dans l’action de l’apprentissage. Il s’agit ici d’établir un climat de confiance dans le groupe en mettant en place des règles de respect de chacun afin que chaque participant puisse s’exprimer sans se sentir jugé par l’animateur/trice ni par le reste du groupe. Il faut aussi qu’il sente qu’il a le droit de s’exprimer librement, et qu’il ne doit pas nécessairement dire ce que l’animateur/trice voudrait entendre.
Un exemple qui illustre une situation où la sécurité n’était pas en place pour les participants : lors de retour de voyages d’immersion dans plusieurs pays africains, une centaine de jeunes qui ne se connaissaient pas étaient mélangés en cercles de discussion de quinze personnes pour parler de leurs expériences respectives. Il leur était demandé d’expliquer ce qu’ils ont vécu, ressentis, appris. Mais la parole se libérait très difficilement, les « blancs » furent nombreux, car les conditions de sécurité n’étaient remplies : les élèves ne se connaissaient pas entre eux et ne connaissaient pas les animateurs, la posture était distante avec des jeunes assis et les animateurs qui posent les questions debout, la porte du local restait ouverte avec certains animateurs extérieurs qui s’arrêtaient, écoutaient les discussions puis repartaient. On peut retenir qu’un espace trop ouvert, avec des personnes qui se connaissent trop peu, à qui il est demandé de parler de choses intimes et personnelles ne fonctionnera que difficilement, même si ce qu’ils ont vécu a été très fort.
Le sixième facilitateur est la réflexivité : laisser les jeunes parler de ce qu’ils sont en train d’apprendre. Il s’agit de s’émanciper d’une simple exécution afin de privilégier la « méta communication » sur son apprentissage et ainsi dégager du sens de l’animation. Il est néccessaire de prendre le temps de « sortir de l’animation » et de réfléchir à ce que l’on dit. Qu’est-ce que cela nous dit, sur nous, nos comportements, notre relation aux autres ? A quoi cela nous sert, qu’est-ce que l’on peut en faire dans nos vies de tous les jours? Les participants se placent ici comme de réels auteurs de leurs apprentissages.
Il peut également s’avérer utile pour un animateur/trice de méta -communiquer lorsqu’une animation ne se passe pas comme prévu. Par exemple, Emmanuel Toussaint du SCI explique : « Lorsque les jeunes trichent lors d’un jeu pédagogique que l’on propose, lorsqu’ils contournent les règles au point de saboter l’animation, ou à l’inverse lorsque les jeunes sont trop mous, amorphes, qu’ils ne participent pas et que les débats ne décollent pas et que l’animation ne marche pas, sortir de l’animation peut aider. L’animateur/trice peut alors demander aux participants quel est le souci, qu’est-ce qui explique leur attitude, et interroger leurs besoins, leurs attentes, et ce qu’il y a lieu de mettre en place pour que l’animation se passe bien ? Est-ce que l’animation s’arrête ici car personne n’y trouve son compte, ou si elle se poursuit, qu’est-ce que chacun est prêt à faire pour qu’elle se passe mieux ? ».
Le septième facilitateur est la coopération : organiser les interactions entre les différents participants. Pour cela, il s’agit d’alterner les moments où l‘on travaille tous ensemble avec ceux en sous-groupes ou seuls, avec des moments de mise en commun afin de coopérer. Cette méthodologie permet à la fois de construire tous ensemble le contenu de l’animation mais permet également à chacun de cheminer selon son propre rythme. Pour faciliter cette coopération, il peut être utile de croiser et d’alterner les supports et les méthodes pédagogiques, par exemple pour des jeux éducatifs qui mêlent des moments de débats avec des vidéos, des activités à résoudre ensemble, etc.
Ce modèle théorique, bien qu’imaginé sur la base d’un apprentissage formel scolaire entre un professeur et ses élèves, peut s’avérer utile dans le cadre d’une animation en ECMS. Nombre de ces aspects sont mis en place naturellement, souvent de manière inconsciente, mais leur énumération peut être un repère utile pour des animateurs/trices novices.
Ces éléments moins maitrisables par l’animateur/trice en ECMS…
Ces sept facilitateurs de l’apprentissage, illustrés ci-dessus par des témoignages d’animateurs/trices lors du séminaire, concernent des aspects que l’animateur peut mettre en place lors de son animation. Mais à côté de ces aspects maitrisables, il y a aussi des éléments extérieurs sur lesquels l’animateur/trice n’a pas de prise et qu’il devra tout de même gérer.
Il peut s’agir d’aspects logistiques : une mauvaise communication avec le prof, un local mal indiqué et l’animation débute en retard, le matériel promis s’avère inexistant ou personne ne sait comment l’utiliser, un local trop petit pour le nombre de participants, etc. Comme l’explique Emmanuel Toussaint du SCI, il y a également des événements extérieurs sur lesquels on n’a pas de prise. « J’ai animé pour des rhéto alors que c’était leur jour de fête, les « 100 jours » : impossible d’avoir leur attention ou de susciter de l’intérêt car ils étaient davantage préoccupés par le programme des festivités une fois mon animation terminée. Un autre exemple, animer après une énorme dispute à la récréation qui concerne les élèves de l’animation. L’état émotionnel des participants ne permettait pas à l’animation de se dérouler sereinement. »
Un autre élément abordé plusieurs fois lors du séminaire est pour les participants celui du choix de leur présence. Gaëlle David de Caritas International explique « si les jeunes sont volontaires ou forcés d’être là, l’animation ne se passera pas de la même manière. Il y a plus de chance que l’animation se déroule bien quand les jeunes sont partie prenante du processus et qu’ils ont choisi d’être là. Ils viennent alors dans une optique positive car la question traitée les intéresse, et non pas par obligation de l’école, ce qui les met souvent dans une attitude négative, bien avant que l’animation n’ait réellement commencé ».
En conclusion
L’étymologie nous rappelle que le mot « animer » vient du latin animare qui signifie « donner de la vie ». Dans le cas des animations en ECMS, nous pouvons en déduire qu’il s’agit de donner la vie à des discussions, des échanges de point de vue. En ce sens, afin de maintenir les échanges vivants, les rôles de l’animateur/trice sont multiples : il/elle devra tantôt stimuler, tantôt clarifier, faciliter, etc. Animer en ECMS, c’est un métier qui ne s’improvise pas. Il faut une capacité de modulation, d’adaptation, il faut pouvoir rebondir, modifier sa trame en cours d’animation afin de s’adapter à son public et à la situation qui se présente. C’est un métier qui se pratique, en se confrontant à différents publics, dans différents contextes, avec différentes méthodologies. Il faut pouvoir expérimenter, tenter, oser et ensuite s’analyser et se remettre en question. Les lectures théoriques peuvent être un guide, mais rien ne remplacera la pratique sur le terrain. Une piste intéressante est celle de l’observation bienveillante entre pairs, il est toujours intéressant d’avoir l’avis d’un autre animateur/trice, qu’il soit expérimenté ou non.
Finalement, quel que soit le sujet ou la méthodologie de l’animation, l’ambition sera d’amener les jeunes à être des transformateurs de la société, en véritables citoyens responsables actifs critiques et solidaires (CRACS). Il ne s’agit pas de proposer des idées toutes pensées, mais plutôt de développer l’esprit critique des participants afin de leur donner les clés pour se forger leur propre opinion. Les animations en ECMS, c’est d’avantage un accompagnement des jeunes dans leur réflexion sur notre monde qu’un exposé ou une dénonciation qui leur imposerait notre vision.
Carole Van der Elst
Animatrice-Formatrice en ECMS chez Oxfam-Magasins du monde
Bibliographie
« L’éducation postmoderne », Pourtois Jean-Pierre et Desmet Huguette, PUF (février 2002).
« Les 7 facilitateurs à l’apprentissage : vivre du bonheur pédagogique», Léonard Guillaume et Jean-François Manil, Editeur Chronique Sociale (17 mars 2016).