Cette analyse présente brièvement la naissance et les enjeux du collectif inter-associatif « Agroecology in Action » et cherche à démontrer que tout acteur qui agit pour une transition agroécologique de nos systèmes alimentaires, comme le fait Oxfam-Magasins du monde, a tout à gagner à rester impliqué dans un tel collectif.
Depuis plus de 40 ans Oxfam-Magasins du monde s’attèle à créer une alternative au commerce conventionnel, en remettant le commerce au service de l’humain et de son environnement. Bien qu’elle soit spécialisée depuis plusieurs années dans le secteur du « non-food », elle considère la filière alimentaire comme une activité économique et un vecteur de sensibilisation clés. En 2013, consciente du fait que soutenir les producteurs et les productrices d’Asie, d’Amérique Latine et d’Afrique ne pouvait se faire sans apporter un soutien aux producteurs et aux productrices de nos régions, l’association a développé une gamme de produits et un positionnement « Paysans du Nord ». La volonté était alors d’avoir une offre cohérente sur l’origine des produits en favorisant, quand c’est possible, les filières en circuits courts, tout en gardant les standards du commerce équitable propres à Oxfam-Magasins du monde et le soutien à l’agriculture paysanne.
Mais mettre à profit l’expérience acquise auprès des partenaires historiques du commerce équitable pour mettre en place des filières locales, ne pouvait se faire sans développer un ancrage au sein des réseaux belges de représentants des milieux agricoles, des consommateurs et des consommatrices, des personnes actives dans la recherche, et de tous les autres acteurs qui agissent pour une transition de nos systèmes agricoles et alimentaires. En effet, le développement d’une charte « Paysans du Nord » n’a rien d’un coup marketing, uniquement destiné à s’adapter à l’évolution des choix de consommation de nos publics. Il s’agit de faire évoluer le commerce équitable pour qu’il réponde encore davantage aux enjeux sociaux et environnementaux mis à mal par l’agroindustrie. Oxfam-Magasins du monde n’a pas la prétention d’apporter seule une solution globale à un tel chantier et se doit de collaborer avec ces autres acteurs.
Cette analyse présente brièvement la naissance et les enjeux du collectif inter-associatif « Agroecology in Action » et cherche à démontrer que tout acteur qui agit pour une transition agroécologique de nos systèmes alimentaires, comme le faitOxfam-Magasins du monde, a tout à gagner à rester impliqué dans un tel collectif.
Naissance d’un mouvement
Né en décembre 2016 à la suite d’un forum de rencontres et d’échanges autour de l’agroécologie organisé par des associations et organisations structurées au sein du Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne (ReSAP), le collectif inter-associatif Agroecology in Action rassemble des acteurs et des actrices de la transition agroécologique en Belgique : des paysan.ne.s et leurs syndicats, des groupes de consommateur·rice·s, des chercheur·euse·s, des coopératives, des mutuelles de santé, des réseaux de lutte contre la précarité, des organisations environnementales, des ONG,… Plus d’une trentaine d’organisations ont rapidement adhéré au mouvement.
Suite au forum de 2016 été adoptée une Déclaration d’Engagement[1]Déclaration d’Engagement d’AiA, 2016 : http://www.agroecologyinaction.be/spip.php?article24. visant à poser un cadre de référence commun pour les acteurs et actrices souhaitant s’inscrire dans la dynamique AiA et à définir des pistes d’engagement et d’actions pour le futur. Divers documents de positionnement[2]Les déclarations du mouvement AiA : http://www.agroecologyinaction.be/spip.php?rubrique37. ont été rédigés par les membres d’AiA depuis lors : le procès-verbal de la mise au vert de 2017, le mémorandum à destination des politicien·ne·s pour les élections communales belges et le procès-verbal de la mise au vert de 2019.
Agroecology in Action s’inscrit dans un mouvement social plus large au niveau européen et international. Notamment avec les dynamiques que sont : le mouvement Nyéléni Europe et sa Déclaration de 2011 (Krems, Autriche) ; la Déclaration du Forum International sur l’Agroécologie de 2015 (Nyéléni, Mali) ; le mouvement Voedsel Anders et son manifeste de 2014 (Wageningen, Pays-Bas) ; et la Déclaration sur l’agroécologie adoptée par les membres de la Coordination Européenne Via Campesina en 2014 (Evenstad, Norvège).
L’agroécologie vue par Agroecology in Action[3]Sur base des travaux de Vincent Dauby : « Parler d’agroécologie – Construction d’un narratif agroécologique à partir des données récoltées par le collectif inter-associatif Agroecology … Continue reading
En 2018, Agroecology In Action (AiA) est allé à la rencontre des acteur·trice·s de terrain, en vue de favoriser les synergies, les discussions et d’écouter les réalités vécues par les porteur·euse·s d’initiatives, les producteur·trice·s, mais aussi par l’ensemble des personnes impliquées dans les différents aspects de l’agroécologie et de l’alimentation solidaire.
Les objectifs de ces rencontres étaient d’identifier (1) quelles sont les difficultés rencontrées au quotidien par ces personnes actives dans la transition agroécologique, (2) quels sont les freins au passage à cette transition, (3) quelles sont les stratégies mises en place pour relever les défis d’une agriculture respectueuse de l’humain et de l’environnement et (4) quelles sont les stratégies mises en place pour relever les défis d’une alimentation durable accessible à toutes et à tous.
Aujourd’hui, AiA incarne, en Wallonie, un courant citoyen qui interprète l’agroécologie comme un mouvement social transformateur de la société.
Dans son travail de recherche et d’analyse[4]Idem. des traces issues des différents forums décentralisés d’AiA, entre 2018 et 2019, Vincent Dauby, membre du Mouvement d’Action Paysanne et de la coordination d’AiA, identifie deux caractéristiques importantes dans l’interprétation qu’ont les membres et kes sympathisant·e·s d’AiA du concept d’agroécologie : le caractère hautement social et solidaire d’une part, et l’articulation de différentes luttes, d’autre part. L’agroécologie, vue par les participant·e·s aux forums et par les membres d’Agroecology in Action se propose de revoir l’ensemble du système agricole et alimentaire afin de le rendre plus solidaire, plus durable et plus résilient.
Les initiatives et actions mises en avant par ces acteur·trice·s démontrent cette volonté de proposer des solutions émancipatrices et solidaires. La solidarité, couplée à la démocratie, sont des éléments politiques importants qui ressortent fréquemment.
Si l’objectif partagé par les membres d’AiA et par les personnes présentes aux forums est d’effectivement arriver à permettre à chacun·e d’avoir accès à une alimentation saine, produite de façon agroécologique et solidaire, l’étape suivante doit réussir à traduire ce narratif en termes et actions politiques. Pour Vincent Dauby cela doit passer par une conscientisation de la population sur la réalité du monde agricole et ses enjeux, par le développement d’initiatives alternatives et par un travail de lobbying politique.
Ce travail de lobbying politique fait précisément l’objet d’une attention particulière des membres de la coordination d’AiA. En ce sens, début novembre 2019, AiA a accepté la proposition qui lui avait été faite par Bruxelles Environnement de siéger au sein du nouveau Conseil Participatif de la stratégie Good Food[5]Site de la Stratégie Good Food : https://www.goodfood.brussels/fr/content/strategie-good-food. . Outre ses autres actions, AiA y voit une opportunité pour avancer sur la question de la démocratie dans le pilotage de la transition de nos systèmes alimentaires à partir d’un point de vue agroécologique. Pour AiA, participer au Conseil Participatif de la stratégie Good Food est un enjeu de positionnement politique, de rapport de force et de lisibilité (compréhension) du mouvement par rapport aux institutions publiques et aux acteurs dominants de la chaîne alimentaire.
Conclusion : OMM & AIA des synergies incontournables
En développant l’alternative du commerce équitable et des circuits courts, Oxfam-Magasins du monde a pris l’option de montrer au monde politique qu’un autre commerce est possible… Tout en dénonçant les dérives d’un système néolibéral qui augmente les inégalités sociales, qui détruit l’environnement et aggrave le réchauffement climatique.
Lors de l’assemblée générale d’Oxfam-Magasins du monde de décembre 2018, Olivier De Schutter insistait sur le rôle du commerce équitable comme outil en faveur de la transition sociale et écologique. Loin d’être un combat du passé, il s’agit, selon lui, d’une niche d’innovation, d’un laboratoire dont toutes les politiques commerciales devraient s’inspirer.
Mais dans un monde où les règles du jeu favorisent majoritairement un modèle socialement et environnementalement inefficace et injuste, les alternatives peuvent difficilement se développer et devenir structurelles. En témoignent les difficultés financières rencontrées par un grand nombre d’acteurs du commerce équitable à travers le monde, et la difficulté de la mise en place de circuits courts offrant un revenu vital aux producteurs et aux productrices, tout en étant accessibles à toutes les franges de la population.
Pour permettre à Oxfam-Magasins du monde de se donner les moyens de lutter pour une plus grande justice économique, sociale et environnementale, d’être une réelle alternative qui remet en question le modèle dominant et qui s’inscrit dans la transition agroécologique, il faut que l’organisation continue à accorder toujours plus d’importance au cadre sociétal dans lequel son alternative vit et se développe. C’est en ce sens qu’Oxfam-Magasins du monde est actif au sein de la coordination et du « Groupe de Travail Plaidoyer » d’AiA. En effet, les synergies établies au sein d’un mouvement tel que celui d’AiA sont une condition sine qua non pour la transition du cadre politique et l’implémentation d’un système agroécologique tel qu’AiA et Oxfam-Magasins du monde, l’entendent.
Au risque d’utiliser des termes propres au monde de l’entreprise – dont Oxfam-Magasins du monde fait également partie de par son activité commerciale – on peut considérer AiA comme un service de « Recherche et Développement » entendu comme l’ensemble des activités entreprises « en vue d’accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l’humain, de la culture et de la société, ainsi que l’utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications » (OCDE) porté par et pour ses membres en vue de mener à bien la nécessaire transition agroécologique.
Sébastien Maes
Notes