30 ans après : un scrutin qui se cherche encore. Les élections européennes qui seront organisées du 4 au 7 juin [highslide](1;1;;;)Dans un ensemble regroupant 27 Etats, l’organisation des élections doit tenir compte de différentes habitudes électorales. Si, en Belgique, on vote traditionnellement le dimanche [le 7 juin], les citoyens de certains Etats européens votent habituellement un autre jour de la semaine. D’où l’étalement du scrutin sur plusieurs jours.[/highslide] prochains seront les septièmes du genre. En effet, depuis 1979, les citoyens de l’Union européenne sont invités à élire directement les eurodéputés qui les représentent dans les hémicycles de Strasbourg et de Bruxelles [highslide](2;2;;;)Illustration des difficultés à se mettre d’accord entre Européens, les activités du Parlement sont réparties entre Strasbourg [12 sessions plénières annuelles], Bruxelles [pour six sessions plénières additionnelles, pour les réunions des commissions et les réunions des groupes politiques] et Luxembourg [Secrétariat général du Parlement].[/highslide] .
Le moins que l’on puisse dire est que ces élections ne suscitent pas les passions chez les citoyens européens. Et il semblerait que l’on se trouve face à une vague de désintérêt qui vient de loin… En effet, l’évolution du taux de participation aux élections européennes révèle non seulement un manque d’intérêt, mais aussi une perte de vitesse de la mobilisation citoyenne. Les chiffres sont éloquents : le taux moyen de participation aux élections européennes a baissé à chaque scrutin depuis 1979, de 63% à 45,6% en 2004 [highslide](3;3;;;)Source : site internet du Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/elections2004/ep-election/sites/fr/results1306/turnout_ep/turnout_table.html[/highslide] . Cette évolution électorale ne peut évidemment pas être observée en Belgique, où le vote est obligatoire mais, quand on sait que chez nos voisins néerlandais, allemands et français, le taux de participation est tombé nettement en-dessous de 50% lors du dernier scrutin européen, on peut supposer que, le 7 juin, tout le monde ne cochera pas avec enthousiasme et conviction les cases de son choix dans le bulletin de vote européen.
Ce désintérêt pour l’Union européenne est-il justifié ? L’Union européenne est-elle un niveau de pouvoir trop lointain pour qu’on s’y intéresse ? Ou le vote du citoyen est-il une donnée négligeable dans le mode de décision de l’Union ? Certainement pas ! D’une part, l’Union européenne est un acteur politique majeur, dont les décisions influencent considérablement les politiques nationales des Etats membres, la vie quotidienne des citoyens européens, mais aussi celles de centaines millions de personnes dans le monde. C’est, par exemple, le cas des décisions prises au sein de la PESC (politique étrangère et de sécurité commune), ou de la PAC (politique agricole commune, qui concerne notamment les subventions à l’exportation des produits agricoles), ou encore de celles concernant l’asile et les migrations. D’autre part, le choix de l’électeur, même s’il peut sembler dilué dans des dizaines de millions de voix et des dizaines de partis politiques en course dans les 27 Etats membres, est un facteur qui détermine en grande partie les politiques européennes. Autrement dit : si le citoyen dispose d’un pouvoir réel, pourquoi s’en priver ? En tant que citoyens, il y a donc bel et bien des raisons de (bien) voter le 7 juin prochain !
Le Parlement européen : une force démocratique
En tant qu’assemblée dont la composition dépend directement du vote des citoyens, le Parlement européen est l’institution de l’Union européenne disposant de la plus grande légitimité démocratique. Signe de cette légitimité : le choix du Président de la Commission européenne par les gouvernements des Etats membres et la nomination des Commissaires européens doivent être approuvés par le Parlement. D’ailleurs, beaucoup se souviennent sans doute qu’en 2004, les eurodéputés avaient empêché la nomination au poste de Commissaire européen de l’Italien Rocco Butiglione, en raison de ses propos homophobes. Face à ce rejet, le gouvernement de Silvio Berlusconi avait dû faire marche arrière et proposer la nomination d’un autre candidat au poste de commissaire européen.
La fonction législative du Parlement
A l’image des parlements nationaux, le Parlement européen a essentiellement une fonction législative. Mais, à la différence de la Commission, il n’a pas de pouvoir d’initiative. Il ne peut donc pas décider de légiférer dans un domaine de son choix, mais doit se contenter de se prononcer sur les projets que la Commission lui soumet. Plus précisément, dans la plupart des matières communautaires, le Parlement est en position de codécision avec le Conseil de l’Union européenne, organe où sont représentés les gouvernements de chaque Etat membre. Autrement dit, ces deux institutions doivent voter en faveur des propositions de la Commission pour que celles-ci deviennent des « lois » européennes, sous forme de directives et de règlements.
La procédure de codécision communautaire est extrêmement complexe, ce qui ne facilite pas le suivi des débats qui prennent place dans le cadre de l’Union. Toutefois, des cas concrets permettent de montrer l’influence du Parlement, qui tend à grandir progressivement depuis sa création :
- En 1999, face à la menace de censure par le Parlement dont elle fait l’objet en raison de suspicions de mauvaise gestion, la Commission présidée par Jacques Santer démissionne avant la fin de la législature.
- En 2006, suite à la mobilisation massive de la société civile européenne, le Parlement européen adopte la directive « services dans le marché intérieur », mieux connue sous le nom de directive « Bolkestein », après l’avoir amendée et avec un contenu qui diffère sensiblement – même si le résultat est loin d’être complètement satisfaisant – de celui proposé à l’origine par la Commission européenne.
Dans le cas de la directive Bolkestein comme dans d’autres, les organisations de la société civile ont exercé une pression au niveau du Parlement européen et des gouvernements des Etats membres pour s’opposer à une mesure proposée par la Commission. Il s’agit évidemment de combats difficiles, qui demandent une organisation dépassant les frontières nationales et dont l’issue est toujours incertaine. Ils montrent aussi que les mobilisations citoyennes ne sont pas vaines, mais que celles-ci ont bien sûr plus de chances d’aboutir lorsque le choix des électeurs a permis de constituer un Parlement qui leur est favorable.
Le rôle d’influence politique du Parlement
A côté de sa fonction législative en codécision, le Parlement peut prendre position sur les sujets qui lui semblent opportuns. Ce type de positionnement n’a pas d’effet contraignant, mais il a le mérite d’alimenter le débat au niveau européen et de contribuer à inciter la Commission à agir sur des thèmes donnés. Le travail mené par le Parlement sur le commerce équitable illustre bien la capacité d’action autonome du Parlement. Mais aussi les limites de cette action sans effet contraignant.
Exemple d’initiative du Parlement européen : le commerce équitable
Au cours de la législature 2004-2009, le Parlement européen a adopté une attitude plutôt favorable au commerce équitable. Ainsi, une série d’eurodéputés issus de différents groupes politiques et de différents pays ont soutenu le commerce équitable et ont collaboré régulièrement avec le mouvement du commerce équitable, qui a agi essentiellement au travers du « Fair Trade Advocacy Office » (FTAO), bureau de plaidoyer installé à
Bruxelles par FINE, plateforme internationale du commerce équitable [highslide](4;4;;;)Sur FINE et sur la structuration internationale du commerce équitable, voir l’analyse « Les structures internationales du commerce équitable », disponible sur la page www.omdm.be/analyses[/highslide] . Dans le même sens, un groupe de travail été constitué au sein du Parlement pour étudier les possibilités de renforcer la place du commerce équitable dans les travaux du Parlement.
De plus et surtout, le Parlement a, dans sa résolution de 2006 sur le commerce équitable et le développement, officiellement appelé la Commission européenne à agir pour soutenir le commerce équitable. Ce geste politique en faveur du commerce équitable mérite d’être souligné et constitue une excellente base d’interpellation pour les acteurs voulant contribuer à renforcer la place du commerce équitable dans l’Union européenne.
Le contenu de la résolution est en effet très satisfaisant pour les acteurs du commerce équitable. Le commerce équitable y est présenté comme « un instrument essentiel pour assurer la réduction de la pauvreté et un développement durable et [le Parlement] est convaincu qu’à long terme, il pourrait faciliter une participation équitable des pays en développement au système commercial multilatéral, leur assurer un accès au marché européen qui soit à la fois stable et durable et sensibiliser les consommateurs »[highslide](5;5;;;)Extrait de la Résolution du Parlement européen sur le commerce équitable et le développement, § 5. Le texte de la Résolution est disponible sur le site Internet du Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/[/highslide] . La résolution du Parlement contient par ailleurs une série de recommandations adressées directement à la Commission européenne, notamment sur la nécessité de mener des études d’impact du commerce équitable et sur les mesures possibles d’appui au commerce équitable [highslide](6;6;;;)Sont cités, entre autres : une baisse de la TVA et une suppression des droits à l’importation pour les produits équitables, une meilleure coordination des activités de la Commission dans le domaine du commerce équitable et la sensibilisation au commerce équitable.[/highslide] .
Malheureusement et malgré l’appel lancé à la Commission, l’attitude positive du Parlement par rapport au commerce équitable n’a pas amené la Commission à agir dans le sens de la résolution. Depuis de longs mois et 3 ans après la résolution, une communication de la Commission sur le commerce équitable est annoncée, mais celle-ci se fait encore attendre au moment où ces lignes sont écrites, à quelques semaines des élections européennes. Par ailleurs, le contenu probable d’une éventuelle communication ne suscite pas vraiment l’optimisme dans le monde du commerce équitable. On craint en effet que la Commission adopte une approche ne considérant le commerce équitable que comme une initiative commerciale éthique parmi d’autres, dont les impacts ne sont pas suffisamment prouvés et en contradiction avec les principes de libre échange défendus par une Commission qui reste décidemment très inspirée par le libéralisme économique.
De manière assez proche, signalons que les acteurs européens du commerce équitable sont actuellement plutôt opposés à une régulation du commerce équitable à l’échelle européenne. Cette position n’est pas orientée par une opposition de principe à l’intervention de l’Union européenne dans le secteur, mais plutôt par une crainte de voir l’Union mettre en place une norme résultant d’un compromis très large entre acteurs privés et publics des différents Etats membres, ce qui entrainerait certainement un recul au niveau de la définition du contenu du commerce équitable. Mieux vaut donc garder un système autorégulé qui fonctionne plutôt bien qu’introduire une régulation poussant le concept de commerce équitable vers le bas.
La Commission européenne : moteur et pilote
Grâce au droit d’initiative dont elle dispose dans le processus législatif européen, la Commission européenne joue un rôle de moteur dans la prise de décision de l’Union européenne.
Dans l’ensemble des politiques communes de l’Union européenne, c’est la Commission européenne qui est au pilotage : c’est elle qui élabore les textes législatifs sur lesquels le Conseil et le Parlement doivent ensuite se positionner. Ce pouvoir d’initiative est très clairement la source d’un pouvoir énorme, qui s’exerce dans un nombre important de domaines, dont la politique agricole commune. La Commission joue aussi un rôle de « gardienne des traités », dans le sens où c’est elle qui vérifie que le droit communautaire est bien appliqué par les Etats membres. En cas de non-respect du droit communautaire par un Etat, la Commission le rappelle à l’ordre et peut aller jusqu’à engager une action contre l’Etat en cause devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Exemple de compétence communautaire : la PAC enjeu d’aujourd’hui – et de demain
Avec un budget qui pèse pour 45% du budget total de l’Union européenne, la politique agricole commune est un authentique poids lourd des compétences européennes. La PAC fait partie du « premier pilier » de l’Union européenne, qui regroupe toutes les compétences communautaires supranationales. Dans ce cadre, les Etats membres ont choisi de déléguer à l’Union une série de compétences. A côté de la PAC, on trouve d’autres matières, comme l’Union économique et monétaire ou l’Union douanière. Les Etats ont un pouvoir important dans les compétences communautaires, via leur droit de vote au sein du Conseil, mais ce pouvoir est plus limité dans le premier pilier que dans les autres domaines, dans le sens où c’est la règle de la majorité qualifiée qui est de mise. Un seul Etat ne peut donc pas bloquer la prise de décision, contrairement aux domaines dans lesquels les décisions se prennent à l’unanimité des Etats membres.
Les choix de politiques agricoles de l’Union européenne ont des conséquences importantes au Nord comme au Sud. Ces dernières années, les décisions prises au sein de la PAC ont été orientées vers une dérégulation des marchés agricoles. Conséquence au Nord du recul de la régulation au niveau de l’offre des produits agricoles : les agriculteurs doivent faire face à des prix de plus en plus bas [highslide](7;7;;;)Voir, sur le cas du lait, l’étude « Une agriculture… sans paysans. L’exemple du secteur laitier européen », disponible sur le site d’Oxfam-Magasins du monde : www.omdm.be/analyses.[/highslide] . Dans les pays du Sud, l’avancée vers une libéralisation toujours plus poussée des marchés agricoles donne lieu à des situations de compétition déséquilibrée pour les petits producteurs du Sud, incapables de faire face à la concurrence de produits agricoles fortement subsidiés et issus d’exploitation recourant à des méthodes agro-industrielles.
Dans les prochaines années, la PAC traversera des étapes décisives. Dès 2009, son budget sera réévalué. Et en 2013, elle subira une réforme profonde. Au vu de l’importance de la PAC dans les politiques de l’Union européenne, on peut s’attendre à ce que ce dossier soit l’un des gros morceaux qui attendent l’Union pour la législature courant de 2009 à 2014.
Le 7 juin : on ne votera pas pour rien
Les enjeux qui se déploient au niveau européen sont divers et nombreux. Il n’est donc pas possible de brosser l’ensemble des défis qui devront être relevés par les institutions européennes au cours de la législature 2009-2014. Pour en savoir plus sur les enjeux européens touchant au domaine de la solidarité internationale, on peut notamment consulter le mémorandum 2009 du CNCD-11.11.11
et de ses membres [highslide](8;8;;;)Le mémorandum est disponible sur le site Internet du CNCD : www.cncd.be[/highslide] , dont fait partie Oxfam-Magasins du monde. Dans la catégorie des actions de plaidoyer en direction des institutions européennes, soulignons aussi le travail coordonné par le « Fair Trade Advocacy Office » pour obtenir des soutiens politiques concrets pour le commerce équitable sur base du texte du « Pledge for Fair Trade » (sur cette action, voir par ailleurs dans la rubrique « actualités » du BI du mois de mai).
A partir de quelques exemples concrets illustrant le mode de prise de décision au sein de l’Union européenne, cette analyse a cherché à montrer que le rôle démocratique du citoyen est indispensable. Non seulement parce que les enjeux européens sont extrêmement importants, bien au-delà des frontières des Etats membres de l’Union, mais aussi parce que l’approche de ceux-ci peut être fortement influencée par le scrutin du 7 juin. Si cette analyse ne veut pas donner une image idyllique de la santé de la démocratie à l’échelle européenne, elle entend rappeler que le droit de vote est un levier d’action dont les citoyens auraient tort de se priver, et qu’ils ne devraient certainement pas utiliser à la légère.
François Graas
Service politique
[highslide](Qui elira-t-on le 7 juin ?;Qui elira-t-on le 7 juin ?;;;)
Au total, 736 eurodéputés seront élus pour siéger au Parlement européen jusqu’en 2014 et y représenter plus de 500 millions de citoyens européens. Les parlementaires belges occuperont 22 de ces sièges, dont 13 dévolus à des néerlandophones, 8 à des francophones et 1 à un(e) représentant(e) de la Communauté germanophone.
Une fois élus, les eurodéputés rejoignent le groupe politique européen dont leur parti est membre. Ainsi, les eurodéputés du cdH siègent au sein du Parti Populaire Européen (PPE), ceux du PS rejoignent le Parti Socialiste Européen (PSE), les élus MR intègrent l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe (ADLE) et les élus Ecolo se retrouvent au sein du groupe Les Verts/Alliance Libre européenne. Ces groupes ne sont pas vraiment des partis politiques européens, dans la mesure où des divergences importantes peuvent exister en leur sein et où il n’y règne pas la discipline qui prévaut dans la plupart des partis politiques, mais ils permettent de structurer les activités du Parlement européen et d’identifier les grandes tendances politiques qui coexistent au Parlement.
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[highslide](La Commission: une espece politique à part;La Commission: une espece politique à part;;;)
La Commission européenne n’est pas un organe élu. En effet, c’est à chaque Etat membre qu’il revient de désigner un candidat commissaire, dont la candidature est soumise au vote du Parlement européen.
Actuellement, la Commission compte donc autant de commissaires qu’il y a d’Etats membres. Les 27 commissaires encore en poste seront donc remplacés par 27 autres dans les prochains mois. Suite aux deux dernières vagues d’élargissement de l’Union, dont le nombre d’Etats membres est passé de 15 à 27 entre 2004 et 2007, l’attribution d’un commissaire à chaque Etat membre est devenue difficilement justifiable, surtout en vue des probables élargissements à venir. Si le système actuel devait être maintenu, on peut aussi se demander quelles compétences seraient attribuées à des commissaires supplémentaires. Si la création récente d’un poste de commissaire au multilinguisme montre que les dirigeants européens ne manquent pas d’imagination, des questions se posent sur le caractère indispensable de tous les portefeuilles des commissaires et sur le sens d’attribuer un poste par Etat membre dans un organe dont la mission n’est pas de représenter les Etats, mais de faire fonctionner la « machine » européenne.
Le Traité de Lisbonne a défini un nouveau cadre, avec 18 commissaires, dont un président élu par le Parlement européen. Mais, vu l’enlisement du processus de ratification du Traité, il semble peu probable de voir cette nouvelle organisation être rapidement mise en œuvre.
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