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Ça chauffe à Oxfam ! L’injustice climatique au cœur de notre combat

Analyses
Ça chauffe à Oxfam ! L’injustice climatique au cœur de notre combat

Il est difficile aujourd’hui de ne pas avoir entendu parler du réchauffement climatique, et rares sont ceux qui osent encore douter de l’ampleur de l’enjeu qu’il représente pour le futur de l’humanité. Beaucoup de citoyens et d’élus se disent prêts à affronter le problème, à poser les gestes utiles, à prendre les décisions vitales … mais des paroles aux actes, il y a hélas encore beaucoup de chemin à parcourir.

Au-delà de savoir si dans 100 ans, la mer du Nord aura recouvert une partie de la Flandre ou si le Sahara sera au pied des Pyrénées, le réchauffement climatique, c’est déjà aujourd’hui des conséquences désastreuses dans le quotidien de millions de personnes dans les pays du Sud.

Quelques témoignages du Sud

Florida, Bangladesh

Dernièrement, lors de témoignages de partenaires d’Oxfam devant des membres du Parlement Européen, Florida, du Bangladesh, décrivait sa réalité de paysanne et l’augmentation des difficultés à produire de manière naturelle. Cultiver les champs est devenu impossible pour elle. Une situation qui la force, elle et sa famille, à partir chercher du travail à la ville. Et grossir par là-même les rangs des habitants des bidonvilles. Pour survivre, son mari a du tirer des pousse-pousse. Il en est mort. Par la suite, elle est revenue vivre chez ses parents à la campagne. Mais après un cyclone, ils ont tout perdu, ou plutôt le peu qu’ils avaient. Depuis, sa famille ainsi que des milliers d’autres, vivent dans un abri de fortune sur une digue. Les champs sont inondés. Et, l’eau en stagnant cause aussi des maladies…

Ceci n’est pas une dérive dans le misérabilisme pour toucher votre corde sensible. Non, nous ne faisons que relater un témoignage parmi les 5 que nous avons entendus lors de cette audition organisée au Parlement Européen. Tous soulignaient que les habitants des pays du Sud ne veulent pas venir mendier auprès des pays riches pour leur permettre de mettre en place une économie plus durable et financer les investissements nécessaires suite aux impacts du changement climatique. Ils veulent juste, tout comme nous, sur base du principe du pollueur-payeur, souligner que les pays « développés » ont une responsabilité au niveau de la dette environnementale.

Deux acteurs africains du commerce équitable

La crise climatique est une source de difficultés pour les petits producteurs du Sud, dont les récoltes sont directement soumises aux changements climatiques. En raison de l’imprévisibilité des saisons, des sécheresses ou de fortes pluies combinées à l’érosion des sols, les agriculteurs du Sud sont les plus durement touchés.

C’est le continent africain qui en subit l’impact le plus important. Les agriculteurs voient leurs sources de revenus se tarir : la production chute, la qualité baisse et des récoltes sont perdues. La sécheresse qui frappe aujourd’hui l’Afrique de l’Est est probablement la pire depuis 1991. La production de maïs du Kenya a diminué d’un tiers, avec un impact énorme sur les paysans pauvres et leurs familles. Au Nord de l’Ouganda, la récolte de blé va chuter de 50%. Des régions de Tanzanie sont aussi durement atteintes.

A côté des denrées alimentaires de base, d’autres matières premières agricoles sont menacées. En Tanzanie et en Ouganda, les producteurs de café rapportent que des pluies imprévisibles menacent la maturation et la récolte. Conséquence : leurs revenus chutent.

Dès 2007, la coopérative ougandaise Gumutindo, qui produit du café, a tiré la sonnette d’alarme: la production avait reculé de 40%. Le secteur du café, principale source d’exportation de l’Ouganda, fournit de l’emploi à plus de 500 000 personnes. Trop de pluie à des moments donnés empêche la floraison, ce qui fait chuter la production. Les grains de café ne peuvent pas sécher convenablement et de plus en plus de parasites se développent. De longues périodes de sécheresse empêchent les grains de mûrir et le sol perd sa fertilité. Si la température moyenne augmente de 2°C, l’essentiel du territoire ougandais ne sera plus adapté à la production de café. Tout cela pourrait se produire en à peine 30 ans !

« J’ai vécu toute ma vie près du Mont Elgon et je n’ai jamais vu un climat aussi imprévisible. Les pluies sont très fortes pendant des périodes courtes et les saisons sèches deviennent plus longues. Les plants de café se détériorent et ne fleurissent plus. En 2007, nous avons perdu 40% de notre production. Par ailleurs, se nourrir coûte de plus en plus cher et les aliments de base, comme les bananes, subissent aussi les conséquences du changement climatique. Sans travail et sans alternatives, les jeunes sont obligés de s’installer en ville« . (Willington Wamayeye, Directeur de la coopérative Gumutindo Coffee)

Gumutindo mène aujourd’hui une lutte contre l’érosion, en plantant des arbres entre les plantations de café. Cela permet aussi d’améliorer la fertilité du sol. De plus, les paysans de Gumutindo accordent une attention croissante à l’usage rationnel de l’eau.

La coopérative de café tanzanienne KNCU, qui rassemble 60.000 producteurs de café dans la région du Kilimanjaro, a signalé des problèmes similaires en août 2009. “ En Tanzanie, la sécheresse a duré beaucoup trop longtemps. Il n’y a plus de maïs, plus de nourriture, plus de café. Les paysans se demandent même s’ils ne devraient pas remplacer les anciens plants par des nouveaux. Il y a de plus en plus de parasites sur les plants et les grains ne peuvent pas bien mûrir à cause des pluies qui tombent à des mauvais moments. Beaucoup de jeunes laissent tomber la production de café et s’installent en ville. Dans les 20 ans à venir, je vois la production de café s’épuiser.  » (Mapunda Kisuma de KNCU)

La vulnérabilité des populations du Sud

Comme l’illustrent ces deux témoignages, la majorité des pays du Sud tirent leurs revenus de l’exploitation des ressources naturelles. Or, l’allongement des périodes de sècheresse, la baisse des pluies attendues et la perte de biodiversité, provoqueront immanquablement dans certaines régions des diminutions de rendement dans l’agriculture, la pêche et l’exploitation forestière. Le réchauffement climatique accentuera également la prévalence de maladies parasitaires comme la malaria. Les événements extrêmes, comme les cyclones tropicaux, les ouragans et les typhons, seront probablement plus violents, plus imprévisibles et surtout plus fréquents. Ces catastrophes naturelles conduisent déjà sur les routes de l’exode les premiers réfugiés climatiques. Et ce phénomène ne fera que s’amplifier avec la montée du niveau des mers. L’économie déjà fragile de nombreux pays du Sud sera très lourdement affectée par la dégradation des grands écosystèmes mondiaux et la multiplication des catastrophes naturelles.

Toutefois, cette vulnérabilité du Sud vis-à-vis du climat est moins due à des facteurs géographiques qu’à la situation de pauvreté qui y règne. Comment, en effet, protéger sa population des inondations, assurer la préparation aux catastrophes ou adapter ses modes d’exploitation, sans ressources financières suffisantes ? Comment contenir l’explosion de la malaria quand les infrastructures et le personnel de santé font défaut ? Comment gérer au mieux la répartition d’un or bleu qui se raréfie quand l’accès à l’eau est déjà largement insuffisant ? Pauvreté, injustices et vulnérabilité au climat ne peuvent être dissociées. Pour assurer une réponse cohérente et équitable face à ces défis, Oxfam a décidé d’agir au Nord et au Sud.

Agir au Nord, au Sud mais aussi chez soi !

Au Nord

La campagne d’Oxfam autour des changements climatiques est aujourd’hui entièrement tournée vers Copenhague où se négocie
ra en décembre la suite du protocole de Kyoto. Son objectif : contribuer à rendre le futur accord plus ambitieux et plus équitable que celui en vigueur jusqu’en 2012. Il s’agit non seulement de prendre des engagements, mais surtout de les appliquer.

2 axes structurent la campagne :

  • Au niveau atténuation, nous demandons aux pays riches et en particulier à la Belgique (dans le cadre d’un Accord Européen) de diminuer leurs Emissions de Gaz à Effet de Serre (GES) de minimum 40 % en 2020 par rapport à 1990 afin de limiter le réchauffement attendu bien en-dessous des 2°C. Conformément au principe de responsabilités communes mais différenciées, ce sont en effet les pays les plus responsables qui doivent les premiers et de manière contraignante réduire massivement leurs émissions. Les autres pays et en particulier les pays émergents devront aussi s’engager à réduire leurs émissions mais sans que leur soient assignés des objectifs chiffrés. Ces réductions doivent être majoritairement domestiques en limitant au maximum le recours à l’achat de crédits d’émission à l’étranger. Le soutien des pays industrialisés à la limitation des émissions dans les pays en voie de développement est estimé à 70 milliards d’euros. Il doit être additionnel aux réductions domestiques ainsi qu’au budget de l’aide publique au développement.
  • Au niveau adaptation, nous demandons aux pays industrialisés de contribuer au financement de fonds d’adaptation en fonction du principe du pollueur / payeur afin de rembourser les pays en développement du préjudice causé par le réchauffement climatique. Les critères pour juger du partage de l’effort (effort sharing) doivent être fonction de la responsabilité historique et des capacités financières d’un pays. Oxfam a mis au point un « Adaptation Financing Index » (AFI) pour estimer les contributions de chacun. La Belgique doit soutenir des mécanismes financiers (affectations des revenus de mises aux enchères de quotas d’émissions, taxes, pénalités, etc.) permettant d’alimenter un fonds d’adaptation global géré sous les auspices de l’UNFCC. Le soutien espéré des pays industrialisés pour financer l’adaptation dans les pays en développement est estimé à 40 milliards d’€/an en 2010 et doit s’élever à 80 milliards d’€ en 2020. Ces montants doivent, eux aussi, être strictement additionnels à l’engagement d’affecter 0,7% du PNB à l’aide publique au développement (APD).

Pour mener cette campagne, Oxfam a rejoint des réseaux citoyens comme la « Coalition Climat » et participe aussi à de nombreuses actions de plaidoyer pour garantir une meilleure prise en compte des intérêts des pays du Sud dans les politiques défendues par notre gouvernement pour contenir le réchauffement climatique.

Au Sud

Au niveau du programme Sud, Oxfam-en-Belgique plaide pour une reconsidération des pratiques de la Direction Générale de la Coopération au Développement (DGCD) en fonction de cette nouvelle donne climatique.

Oxfam-Solidarité, dans son travail de partenariat Sud, soutient des partenaires qui promeuvent la souveraineté alimentaire et défendent des modèles de production, de transformation et de commercialisation agricoles durables pauvres en carbone (pratiques agro-écologiques, agro-foresteries, coton bio, campagnes nationales pour promouvoir la consommation locale, etc.). Il essaie également d’intégrer au mieux la gestion des risques climatiques (à Cuba, en Haïti et au Salvador) via notamment l’amélioration des infrastructures de stockage de grains au niveau villageois ou encore le renforcement des systèmes de prévention au niveau de certaines municipalités. Enfin, par l’appui à des projets, nous cherchons à favoriser la participation d’organisations paysannes dans les Plans d’Actions Nationaux liés au climat. Et certains des partenaires (comme la CPF au Burkina par exemple) sont d’ores et déjà engagés dans une campagne « climat » nationale. Ils seront eux aussi à Copenhague pour faire entendre leur voix.

Le rôle du commerce équitable

Ruth Simba du Réseau Africain de Commerce équitable, considère que le commerce équitable a un rôle important à jouer: “Avec les critères de commerce équitable, qui incluent des critères environnementaux, nous devons rendre les produits durables, en recourant à des moyens naturels. Grâce à la prime de commerce équitable, les producteurs peuvent investir dans des méthodes de production durables, qui servent aussi à agir contre le changement climatique. Les coopératives peuvent jouer un rôle important de soutien aux producteurs. Dans les périodes difficiles, les paysans investissent la prime prioritairement dans les besoins sociaux. Des moyens sont donc nécessaires pour pouvoir réaliser une adaptation climatique, dans des domaines comme la production biologique, l’agroforesterie et l’irrigation « .

Par exemple, le partenaire de commerce équitable d’Oxfam-Magasins du monde Pushpanjali (Inde) développe dans ses pratiques une commercialisation donnant la priorité aux matières premières respectant l’environnement et aux emballages de produits en carton recyclé. En parallèle à ces pratiques, ils développent également une conscientisation aux enjeux climatiques via l’organisation de séminaires, d’ateliers d’échange.

En complément à ces revendications politiques et ces campagnes citoyennes, Oxfam-Magasins du monde propose des alternatives concrètes qui contribuent à réduire la production de gaz à effets de serre.

Une précédente analyse a montré comment le commerce équitable, davantage que le secteur conventionnel, mettait au premier plan les exigences environnementales dans ses modes de production.

En outre, les activités de vente de seconde main contribuent aussi à limiter la production de gaz à effet de serre : les centaines de tonnes de vêtements, matériel informatique, livres vendus annuellement sont autant de tonnes de CO2 épargnées en ne mettant pas sur le marché de nouveaux produits et en évitant le traitement de déchet supplémentaire. (Par exemple, la revente de 200 tonnes/an de matériel informatique par Oxfam-Solidarité permet d’éviter l’émission de plus de 1000 tonnes de CO2).

Enfin, les 3 Oxfam belges s’engagent dans des démarches de développement durable au niveau de leurs installations, leur mobilité, leur consommation, etc. Oxfam-Magasins du monde est d’ailleurs appuyé par un éco-conseiller dans sa démarche.

Oxfam-Magasins du monde et d’autres organisations mobiliseront les citoyens pour faire entendre leurs voix auprès de nos représentants politiques qui se rendent à Copenhague au sommet de l’ONU sur les accords post-Kyoto. La mobilisation du 5 décembre à Bruxelles, « La vague pour le climat », s’inscrit dans cette droite ligne.

Soyez nombreux à nous y rejoindre !

Pour aller plus loin :

Brigitte Gloire, Oxfam-Solidarité, Développement durable & changements climatiques, bgl [at] oxfamsol.be
Corentin Hecquet,  Oxfam-Magasins du monde,  Animateur politique, corentin.hecquet [at] mdmoxfam.be