À Namur, Oxfam-Magasins du monde et le CNCD ont interpellé de concert les têtes de liste namuroises des partis démocratiques aux élections législatives du 10 juin. Sabine Laruelle (MR), Georges Gilkinet (ECOLO), Philippe Mahoux (PS) et Maxime Prévot (CDH) se sont succédés pour répondre aux questions des deux associations.
C’est Catherine Stommen, coordinatrice régionale d’Oxfam-Magasins du monde à Namur, qui ouvre la rencontre avec le thème de la reconnaissance légale du commerce équitable, un label que s’octroient abusivement un trop grand nombre d’acteurs. En tant que mandataire MR, Sabine Laruelle déclare qu’elle veut défendre la liberté de commerce sans imposer le commerce équitable en argumentant que « bien convaincre, c’est plus durable que contraindre ». Elle convient cependant qu’il faudrait labelliser le commerce équitable par une autorité indépendante en y intégrant les relations Nord-Nord et pas uniquement Sud-Nord. Georges Gilkinet reconnaît la difficulté de définir le commerce équitable. Comme pour le bio, il y a une multiplicité de labels. Il précise que les verts ont déposé un projet de loi avec une définition et des procédures. Il encourage les acteurs associatifs à continuer d’essayer de mettre tout le monde autour de la table. Philippe Mahoux va dans le même sens en souhaitant que tous les acteurs politiques, associatifs mais aussi économiques, se mettent d’accord sur la définition du commerce équitable. Le sénateur socialiste insiste sur la nécessité de critères clairs définis par une structure indépendante : « Si je me définis moi-même comme faisant du commerce équitable, ce n’est pas très crédible ». Sur la position de la FEB qui ne souhaite pas opposer commerce équitable à un autre commerce car cela sous-entendrait que ce dernier est inéquitable, Philippe Mahoux rétorque que « dire que le commerce international actuel n’est pas équitable, ce n’est pas vraiment un scoop… » Outre un label de qualité et de crédibilité que se décernent un peu trop facilement différentes sociétés, Maxime Prévot voit aussi et surtout dans le commerce équitable le moyen de faire du commerce autrement, plus justement. Il souligne que le CDH est partisan de l’adoption rapide d’une loi qui définisse le commerce équitable et est, dans cette optique, prêt à s’engager sur un texte commun.
Jean-Marc Caudron et Stéphane Parmentier (Oxfam-Magasins du monde) abordent la question de la souveraineté alimentaire. Ils demandent aux intervenants s’ils sont prêts à jouer un rôle moteur pour que la Belgique, via l’Union européenne, prenne des initiatives afin que l’OMC reconnaisse deux droits : celui des Etats à protéger leurs marchés agricoles locaux (production et transformation) par des mesures appropriées ; celui des pays producteurs de matières premières agricoles à signer des accords internationaux de régulation des marchés pour des prix stables et décents. Georges Gilkinet répond par l’affirmative et prône un plus grand volontarisme de la Belgique comme à l’époque de l’adoption du protocole de Kyoto. Comme montré dans le film récent « We feed the world », il lui semble évident qu’on ne peut accepter que les règles du commerce mondial s’appliquent sans nuance, sans respect des cultures indigènes et de la souveraineté alimentaire. Philippe Mahoux abonde dans le même sens en ajoutant que la PAC n’est pas une politique de libéralisation et qu’il faut donc la réduire. Si on défend l’agriculture familiale au sud, il faut aussi le faire au nord. Maxime Prévot veut donner à la Belgique un rôle plus important en utilisant notre capacité d’influence pour que les états aient une politique endogène. « S’il est impossible d’avoir un paradis social sur un désert économique, l’inverse est vrai aussi », insiste-t-il. Sabine Laruelle ne veut pas moins d’OMC mais un commerce mondial mieux encadré. La position européenne est bonne, souligne-t-elle. La PAC agit comme une écluse. Subventions à l’exportation et taxations à l’importation. Mais au MR, nous sommes prêts à cesser les aides à l’exportation si les autres pays arrêtent aussi. Et n’oublions pas que le dumping existe aussi dans les relations entre pays du sud.
Jean-Pierre Lahaye (CNCD Namur), interpelle ensuite les candidats sur la nécessité d’une plus grande concertation entre entités fédérales et fédérées sur les questions de coopération et d’éducation au développement. Il prône notamment la convocation trimestrielle d’une Conférence interministérielle de la coopération internationale entre niveau fédéral et entités fédérées. Maxime Prévot se déclare favorable à plus de coordination entre les différentes entités de notre pays mais est clairement contre la défédéralisation de la coopération au développement, une question qui met le doigt sur la structure « tout en lasagne » de notre pays, une structure fédérale dont les articulations doivent naturellement être améliorées
Georges Gilkinet veut plus de cohérence et de transversalité. Dans cette optique, il se demande s’il ne faudrait pas revenir à un état fédéral qui joue un véritable rôle de leadership. La multiplication des entités pour coller aux terrains ne doit pas freiner l’efficacité. Philippe Mahoux souligne qu’il serait intéressant de développer des rencontres entre entités fédérales et fédérées pour viser une plus grande harmonisation. La coopération et l’éducation au développement sur le terrain sont à encourager même si l’Europe ne reconnaît que le représentant fédéral. Sabine Laruelle est la porte-parole de la Belgique pour l’agriculture au niveau européen. A ce titre, elle tient une réunion de concertation chaque semaine. Si elle endosse les responsabilités de la coopération, elle s’engage à augmenter la concertation entre les différents niveaux de pouvoir, si du moins cette concertation permet la décision, insiste-t-elle.
Sur la responsabilité sociale des entreprises et la traçabilité des produits, thème soulevé par Jonathan Lesceux, bénévole au magasin du monde de Namur, Sabine Laruelle prône le respect des obligations européennes, sans plus, au risque de mettre nos propres entreprises en difficulté dans la conquête de parts de marché. Celle qui exerce aussi les fonctions de Ministre des classes moyennes souligne qu’il faut aussi des mesures de bonne gouvernance adaptées aux PME car elles offrent du travail de proximité. Georges Gilkinet insiste sur l’amélioration de l’étiquetage afin de pouvoir vérifier le contenu du produit, son mode de transport, les conditions de travail dans lesquelles il a été fabriqué, etc. Mais il y a une grosse résistance des lobbys commerciaux, regrette le candidat vert. Pour Philippe Mahoux, le rapport annuel des entreprises, avec l’obligation d’intégrer un volet environnemental et social doit déjà offrir une traçabilité correcte des produits. Maxime Prévot préfère parler de responsabilité sociétale et se dit prêt à imposer le nom principal du fabricant sur les produits. Il prône un système qui permette une labellisation sur base d’éléments clairs. Tous les candidats s’accordent pour souhaiter que la Belgique ne fasse plus partie de la minorité de blocage.
Paul Charles (CNCD Namur) demande aux candidats, comment les partis envisagent de s’impliquer sur la question de pays qui subissent des guerres, comme la Palestine. Philippe Mahoux regrette que notre pays, au contraire de l’Autriche par exemple, ne reconnaisse pas l’Etat Palestinien. Le mur construit par Israël et les humiliations infligées par l’Etat hébreu aux Palestiniens est une honte tout comme les attentats terroristes contre les civils israéliens. Nous prônons le droit à Israël et à la Palestine de coexister. Sabine Laruelle souligne des avancées comme la visite du Ministre De Gucht en Palestine et se retranche derrière le fait qu’Israël est toujours considéré comme un état démocratique pour ne pas se prononcer davantage sur cette
question. Georges Gilkinet voudrait que la Belgique ose s’engager dans un bras de fer avec Israël, sans boycott, synonyme de rupture de dialogue, mais en musclant son discours et en l’accompagnant même, si besoin, de mesures de rétorsion. Maxime Prévot regrette le défaut d’action et l’absence d’une réelle personnalité à la tête de l’OTAN, qui font de l’institution une peau de chagrin et la bonne conscience de l’armée américaine. Il se dit en faveur de la mise sur pied d’une réelle armée européenne.
Corentin Hecquet, coordinateur régional d’Oxfam-Magasins du monde à Namur, lance la question de la lutte contre le réchauffement climatique. Philippe Mahoux encourage des économies d’énergie qui ne renforcent pas les inégalités. Il faut des aides ciblées pour que ce ne soient pas que les riches qui puissent s’y intéresser. Des voitures plus propres, le développement du rail et des énergies alternatives – même si dans son fief de Gesves, les éoliennes sont refusées… – sont les autres pistes avancées par le sénateur socialiste. Maxime Prévot a présidé la commission nationale climat en Belgique. Il considère l’achat de droit de polluer comme l’ultime recours à utiliser pour aider un pays du Sud à se développer. Il ajoute que le CDH est favorable à se désengager du nucléaire de manière réaliste et pragmatique, la vraie question étant de trouver un plan alternatif à l’énergie fossile. Pour Sabine Laruelle, il y moyen de s’engager plus sans vivre dans un système de récession. Elle veut notamment travailler sur les outils fiscaux pour permettre aux citoyens de bénéficier des primes dès le démarrage de leurs travaux et non plus a posteriori. Georges Gilkinet défend une union nationale pour le climat car on ne négocie pas avec le Gulfstream. Il ne peut pas y avoir d’accord de gouvernement sans union sur ce point là.
Concernant les sans-papiers, Georges Gilkinet et Philippe Mahoux votent la fermeture immédiate des centres fermés. Maxime Prévot est contre l’enfermement des mineurs à qui il faut assurer un continuum scolaire tandis que Sabine Laruelle préfère donner une réponse plus rapide aux candidats pour ne plus avoir de centres fermés et essayer de créer un avenir pour ces personnes dans leur pays d’origine. Les 4 mandataires s’accordent pour l’adoption d’une loi qui donnera aux sans-papiers une réponse plus rapide sur base de critères précis et non plus à la tête du client.
Jean-Pierre Lahaye, bénévole CNCD Namur
Quelle a été votre interpellation ?
Je souhaitais interroger les candidats sur leur volonté d’encourager une meilleure concertation entre entités fédérales et fédérées sur les questions de coopération au développement.
Etes-vous satisfait par les réponses apportées ?
Quel candidat serait pour moins de concertation ? Si, comme l’a souligné Sabine Laruelle, la concertation est possible en matière d’agriculture, pourquoi ne pas le faire pour la coopération et le développement ? Nous ne voulons pas détricoter le fédéral ou nous arroger les questions multilatérales ou l’aide humanitaire d’urgence qui devrait d’ailleurs être traitée à l’échelon européen. Nous visons la coopération participative de proximité. Nous demandons simplement l’application du principe de subsidiarité et de participation mais il semble difficile d’avoir un débat rationnel sur la question.
Que pensez-vous de la rencontre d’aujourd’hui ?
Je suis très satisfait de cette collaboration CNCD – Oxfam-Magasins du monde à Namur. Mettre en commun nos interpellations renforce notre crédibilité et notre poids auprès du politique.
Jonathan Lesceux, bénévole Oxfam-Magasins du monde
Quelle a été votre interpellation ?
En tant que citoyen de Namur, je voulais interpeller les têtes de liste des partis de la région sur la responsabilité sociale des entreprises et sur l’établissement de normes de traçabilité des produits.
Etes-vous satisfait par les réponses apportées ?
Tous les candidats ont émis des réponses allant dans le sens de ce que j’attendais. Ils se sont tous prononcés pour des engagements plus ou moins forts selon les partis.
Que pensez-vous de la rencontre d’aujourd’hui ?
Si ce type d’interpellation est intéressant, j’ai parfois eu l’impression qu’ils ne connaissaient pas de manière précise tous les dossiers. Dans certains cas, les réponses étaient assez floues.