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Oxfam-Magasins du monde

Gaspillage alimentaire : une aberration globale qui nous concerne toutes et tous

Analyses
Gaspillage alimentaire : une aberration globale qui nous concerne toutes et tous
En cette fin d’année et suite à la campagne d’Oxfam-Magasins du monde « Cultivons les alternatives » menée fin 2016 début 2017, cette analyse propose de poser un regard sur l’un des fléaux de notre système alimentaire : le gaspillage.
Après avoir fait un état des lieux de la situation à la fois globale et régionale, nous verrons quelles sont les perspectives pour la suite et ce qu’il y a lieu de mettre en place pour diminuer l’ampleur de ce phénomène.

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Qu’entend-t-on par « gaspillage alimentaire »

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO[1. FAO – Plateforme technique sur l’évaluation et la réduction des pertes et des gaspillages alimentaires : http://www.fao.org/platform-food-loss-waste/food-waste/food-waste-measurement/fr/.], le « gaspillage alimentaire » est une partie distincte des pertes alimentaires. Il se réfère aux aliments qui sont sains et nutritifs, produits pour la consommation humaine mais qui sont jetés ou détournés vers des utilisations non alimentaires le long de la chaîne d’approvisionnement, de la production primaire jusqu’au niveau du consommateur final.

Etat des lieux du gaspillage alimentaire

Pour pouvoir réduire le gaspillage alimentaire, il importe de pouvoir évaluer son ampleur et définir ses causes. En 2017, un tiers de la nourriture produite a été gaspillée ou perdue. Cela correspond à 1,3 milliards de tonnes de denrées alimentaires qui ont fini à la poubelle. Cette réalité peut s’expliquer par toute une série de facteurs, mais globalement on constate que le gaspillage a lieu à toutes les étapes de la chaine alimentaire. Qu’il s’agisse des producteurs, des transformateurs, des transporteurs, des distributeurs, des restaurateurs et des consommateurs, chacun contribue à ce gaspillage de masse.
En Belgique, la perte alimentaire globale est évaluée à 3,6 millions de tonnes par an. À elle-seule, l’industrie alimentaire wallonne gaspille 20.000 tonnes de denrées alimentaires chaque année. Les restaurateurs wallons jettent, pour leur part, entre 20-25% de la nourriture qu’ils achètent. Au niveau des consommateurs et des consommatrices, chaque wallon gaspillerait en moyenne 23 kg de nourriture comestible par an.
Ce gaspillage de masse est catastrophique d’un point de vue environnemental et ce d’autant plus quand on sait que dans le système agroindustriel dominant, il faut en moyenne dix unités d’énergie fossile pour produire une seule unité de nourriture. Rapporté aux 1,3 milliards de tonnes de denrées alimentaires gaspillées chaque année, les quantités d’énergie fossile – qui ont pris des dizaines de millions d’années à se former – perdues sont faramineuses
Ce constat accablant se renforce encore davantage sur les plans social et humain lorsqu’on le croise avec la question de la faim dans le monde, qui touche toujours à l’heure actuelle près d’un milliard de personnes. Selon la FAO, même si seulement un quart de la nourriture actuellement perdue ou gaspillée mondialement pouvait être sauvée, cela serait suffisant pour nourrir les personnes affamées dans le monde.
Nos sociétés dites développées ont mis en place, en un siècle à peine, un système alimentaire totalement irrationnel, inefficace et inégal, fondé sur des principes de rentabilité et de croissance économique et financières, totalement inadéquats avec le rythme naturel des ressources que nous offre notre planète.

Perspectives pour la suite

Les constats développés dans le point précédent nous montrent au combien la question du gaspillage alimentaire fait partie des problèmes à prendre à bras le corps.  Et c’est précisément face à l’ampleur et à la complexité de ce problème que la FAO a lancé, en 2011, l’initiative Save Food[2. Dépliant FAO sur l’initiative Save Food : http://www.fao.org/3/a-i4068f.pdf .].  L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a en effet reconnu le besoin d’agir en partenariat avec d’autres organisations internationales et régionales, ainsi que les acteurs des filières alimentaires depuis les éleveurs, fermiers et pêcheurs jusqu’aux entreprises multinationales. Cette initiative s’axe sur quatre piliers :

  • La collaboration et coordination des initiatives sur la réduction des pertes et du gaspillage alimentaire à travers le monde ;
  • La sensibilisation sur l’impact et solutions pour lutter contre les pertes et le gaspillage alimentaire ;
  • La recherche sur le développement de politiques, stratégies et programmes pour la réduction des pertes et gaspillages alimentaires ;
  • Le soutien aux projets privés ou publics pilotant et mettant en œuvre des stratégies de réduction des pertes.

En 2015, le Gouvernement wallon a adopté le Plan wallon de lutte contre les pertes et gaspillages alimentaires. Baptisé Plan REGAL[3. Plan REGAL : http://www.wallonie.be/fr/actualites/plan-regal-la-lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire-sorganise-en-wallonie .], il comporte 17 actions visant à réduire de 30% le gaspillage à tous les échelons de la chaîne alimentaire à l’horizon 2025.
Plus récemment, la Fédération de l’industrie alimentaire belge le secteur industriel wallon, la Févia[4. Site de la Fédération de l’industrie alimentaire belge le secteur industriel wallon : https://www.fevia.be/fr . ], s’est fixé pour objectif de faire diminuer de 15% ces pertes d’ici 2020.
Si les objectifs visés pourraient être bien plus ambitieux, il est encourageant de constater qu’à l’instar de la FAO, du gouvernement wallon et de la Févia, toute une série de décideurs politiques, d’industriels, de restaurateurs et d’autres acteurs de la chaine alimentaire ont bien conscience de ce problème de gaspillage de masse et cherchent à en minimiser l’ampleur.

Oxfam et le gaspillage

Chez Oxfam-Magasins du monde, en tant que distributeur nous essayons de gérer au mieux nos denrées alimentaires afin qu’elles soient toutes vendues dans les bons délais. Afin d’éviter le gaspillage certains produits non délicats en fin de vie, tels que les chips, le nougat et les jus, sont utilisés en interne notamment lors d’événements ou de formations. Par ailleurs et pour la plus grande partie des invendus l’AFSCA nous autorise à donner des produits alimentaires dont la date limite d’utilisation – la DLU – est dépassée jusqu’à 3 mois. Nous avons pour ce faire un accord avec Les Restos du Cœur. Notre organisation sœur et fournisseur, Oxfam-Wereldwinkels, a un tel accord avec les banques alimentaires.
Pour Oxfam[5. Comment vous pouvez contribuer à réduire le gaspillage alimentaire : https://blogs.oxfam.org/fr/blogs/13-01-21-comment-vous-pouvez-contribuer-reduire-gaspillage-alimentaire .], chacun de nous peut contribuer à changer la donne. Ainsi, tout en exigeant de la part des gouvernements et des entreprises de mettre en œuvre des mesures qui aillent en faveur de la réduction du gaspillage alimentaire, il est nécessaire que nous agissions à notre échelle dans le même sens. En appréciant et accommodant un peu plus nos restes de nourriture et en essayant de réduire notre propre gâchis, nous pouvons contribuer à la réduction de la quantité de nourriture gaspillée.
Tel était la proposition de la méthode CULTIVONS d’Oxfam, lancée en 2012 et qui présentait différentes idées, toujours d’actualité, que nous pouvons toutes et tous mettre en œuvre au quotidien, afin d’aider à la construction d’un système alimentaire plus juste, à commencer par la réduction de nos déchets alimentaire domestiques :

  • Prévoir ses repas : en ayant une idée de la composition et de la répartition des repas au cours de la semaine, on peut estimer la quantité de nourriture à acheter.
  • Revaloriser ses restes dans une nouvelle préparation.

Une multitude d’autres actions peuvent être mises en place, tel que le compostage. Si ces actions peuvent sembler dérisoires face à l’ampleur du problème du gaspillage alimentaire au niveau mondial, gardons à l’esprit que chacun et chacune d’entre nous gaspille une vingtaine de kilogrammes de nourriture chaque année et qu’il a fallu en moyenne dix fois plus d’énergie fossile pour produire, transformer, transporter et distribuer cette nourriture que nous jetons à la poubelle.
Enfin, les périodes électorales de 2018 et 2019 sont des occasions à ne pas rater, en tant que citoyen·ne·s, pour interpeller la classe politique à accentuer les mesures allant dans le sens d’une diminution drastique du gaspillage alimentaire.
Sébastien Maes