A la veille des élections législatives 2007 en Belgique, Oxfam-Magasins du monde, Oxfam-Wereldwinkels et Oxfam-Solidarité ont formulé des propositions qu’ils entendent bien voir progresser au cours de la prochaine législature. Ces propositions sont communes aux 3 membres d’Oxfam-en-Belgique. Elles sont toutefois portées de manière spécifique selon les compétences de chaque organisation.
Pour le commerce équitable
La reconnaissance par les pouvoirs publics de la spécificité de la démarche de commerce équitable
Une reconnaissance par les pouvoirs publics du commerce équitable est importante pour 2 raisons
essentielles :
- Eviter des utilisations abusives du concept du commerce équitable par des acteurs qui voudraient s’approprier son image, sans en respecter les engagements.
- Sécuriser la politique d’attribution des marchés publics pour les pouvoirs publics qui font le choix du commerce équitable
Nous demandons que le Parlement belge vote une législation en la matière. Les propositions de loi qui ont été initiées lors de cette législature nous paraissent un point de départ intéressant.
Le droit à la souveraineté alimentaire
Le droit de protéger les marchés agricoles locaux
Le droit à des échanges équitables
Le droit à réguler le prix et les échanges
Sur les marchés internationaux, les prix des matières premières agricoles sont en permanence instables, chroniquement déprimés et caractérisés par une baisse à long terme. Par ailleurs, les échanges mondiaux de ces produits de base sont souvent inéquitables. Le cacao, le café, le coton, le sucre et le riz illustrent bien l’ensemble de ces problèmes. Cette situation affecte gravement les revenus des producteurs et travailleurs agricoles. Elle contribue à la disparition progressive de l’agriculture paysanne familiale au Sud comme au Nord. En outre, ces problèmes fragilisent considérablement les économies de pays en développement fortement dépendants de l’exportation de ces produits de base. Ils limitent la capacité des pouvoirs publics à garantir à leurs populations l’accès aux services publics les plus fondamentaux et entravent leurs stratégies de lutte contre la pauvreté.
Garantir des prix et des revenus plus stables et plus décents aux agriculteurs et travailleurs agricoles et des échanges plus équitables sur le plan économique, social et environnemental, implique que les pouvoirs publics puissent réguler les marchés agricoles à l’aide de tous les instruments nécessaires (quotas de production, restrictions et taxes à l’exportation, mécanismes de stockage des excédents, contingents à l’importation, droits de douanes et autres outils de la gestion de l’offre). Or, la libéralisation croissante de l’agriculture mondiale prive toujours davantage les pouvoirs publics de ces outils essentiels.
- Nous demandons que la Belgique prenne des initiatives, via l’Union Européenne, afin que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
- reconnaisse le droit des Etats à protéger leurs marchés agricoles locaux (production et transformation) par des mesures appropriées (taxation à l’importation, quotas, soutiens,…) Exemple : le riz ou le coton.
- reconnaisse le droit des pays producteurs de matières premières agricoles à signer des accords internationaux de régulation des marchés pour des prix stables et décents (prioritairement quotas à la production et à l’exportation, stockage des excédents, mais aussi soutien de la demande, amélioration de la qualité, programme de reconversion…) Exemple : le café ou le cacao
- Nous demandons que la Belgique, via le Ministre des Finances et son représentant, recommande au Fonds Monétaire International (FMI) ou à la Banque Mondiale (BM)
- de cesser de conditionner leurs prêts financiers à l’ouverture forcée des marchés et à l’élimination des subventions allouées par les Etats à leur agriculture
- de financer la mise en œuvre d’accords internationaux de régulation des prix et échanges des matières premières agricoles Exemple : le café, le cacao, le riz, le sucre, le coton.
- Nous demandons que la Belgique prenne activement position pour que l’Union Européenne
- mette fin aux exportations de produits agricoles en dessous de leurs coûts de production Exemple : les produits laitiers, les poulets, le sucre
- adapte en conséquence les orientations (2008-2009-2013) de la Politique Agricole Commune (PAC) en veillant à renforcer un modèle agricole familial et durable, et à garantir des revenus décents aux agriculteurs du Nord
- Nous demandons que la Belgique prenne des initiatives au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU), pour
- renforcer l’exigibilité du droit à l’alimentation et encourager la reconnaissance du droit à la souveraineté alimentaire
- revitaliser le rôle de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement – laCNUCED – comme facilitateur d’accords internationaux de régulation des matières premières agricoles
La responsabilité sociale des entreprises
Pour une obligation de transparence
Il y a souvent position dominante des centrales d’achats et de certaines entreprises multinationales vis-à-vis de fournisseurs du Nord et du Sud. La relation inégale qui découle de ce rapport de force et les pratiques d’achat ont trop souvent comme conséquence une pression sur le respect effectif des conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail. Le seul concept de responsabilité sociale des entreprises n’est pas une réponse à la hauteur du défi.
Nous demandons que la Belgique
- soutienne activement, comme première étape,la proposition de la Commission européenne instaurant l’inscription obligatoire du pays d’origine pour certains produits (dont la filière «mode») importés de pays tiers à l’Union Européenne.
- prolonge ce règlement européen en exigeant l’obligation de transparence sur d’identification des principaux intervenants dans les filières de production et d’approvisionnement.
- prolonge ce règlement européen en exigeant l’obligation de transparence sur l’identification du fabricant principal.
Cette obligation de traçabilité est une condition indispensable pour veiller à l’application des conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail.
Nous demandons également que la Belgique
- mette en place des règles de transparence et un code de conduite pour l’Office du Ducroire
La lutte contre les changements climatiques
Un plan d’action qui engage la Belgique
Les arguments scientifiques, économiques et moraux pour une action urgente de lutte contre le réchauffement climatique ne sont plus contestés aujourd’hui.
Afin de respecter ses engagements de Kyoto, la Belgique doit prendre immédiatement ses responsabilités et s’engager à mettre en place des mesures cohérentes sur son territoire, tout en reconnaissant le lien entre réchauffement climatique et développement par une attention particulière aux pays du Sud.
Nous demandons que la Belgique
- respecte ses engagements de Kyoto (diminution de ses émissions de gaz à effet de serre de 7,5% en 2012, 30% en 2020 et 80 % en 2050) sans avoir recours aux mécanismes flexibles (et notamment la vente aux enchères publiques de nos quotas de réduction de CO2).
- mette en place des mesures incitatives fortes pour soutenir la « décarbonisation » de notre économie et de notre
modèle de croissance (économies d’énergie et promotion des énergies renouvelables, rééquilibrage entre la fiscalité sur le travail et la fiscalité sur l’énergie, impôt sur le carbone, soutien à des modes de production, de transformation et de consommation durables). - dégage un budget spécifique pour alimenter le Fonds d’adaptation du Protocole de Kyoto et les autres fonds internationaux consacrés à des mesures de prévention du réchauffement climatique dans les pays du Sud. Cet effort financier doit être additionnel aux budgets de la coopération au développement.
Il serait également intéressant de débattre de l’opportunité que la Belgique introduise de nouvelles normes pour restreindre à la source la mise sur le marché de produits « néfastes » et pour favoriser de nouvelles technologies plus « propres ».
Le droit du peuple palestinien
Pour le respect du droit international
Israël doit démanteler le Mur et mettre fin à l’occupation et la colonisation des terres arabes (territoires palestiniens et plateau du Golan). Israël doit également reconnaître les droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens sur son territoire et appliquer le principe d’égalité. Les droits des réfugiés palestiniens doivent être respectés, protégés et promus.
Nous reconnaissons et respectons le droit de l’Etat d’Israël et du futur Etat Palestinien d’exister dans des frontières sûres, respectant le droit international (frontières définies en 1967). Nous condamnons les violations par tous les acteurs impliqués (étatiques et non-étatiques) contre le droit international humanitaire, comme stipulé dans les Conventions de Genève.
Nous demandons à la Belgique, au sein de l’Union Européenne, avec les Etats membres, de prendre ses responsabilités et de faire pression afin de respecter le droit international
- mettre fin aux sanctions contre l’Autorité Palestinienne et réaccorder l’aide et la coopération, afin de faire face à la crise humanitaire profonde dans les territoires palestiniens occupés
- se référer à l’avis de la Cour internationale de Justice de juin 2004 concernant la construction du Mur et le régime lié à celui-ci
- suspendre l’accord d’association entre l’Europe et Israël tant qu’Israël n’en respecte pas toutes les clauses
- mettre fin à la collaboration et au commerce militaires avec Israël
- reconnaître et promouvoir le cadre juridique du droit international comme base pour mettre fin au conflit et atteindre une solution juste, durable et globale (en ciblant les causes principales du conflit).
Régularisation des sans papiers
Une procédure permanente basée sur des critères clairs
Il nous parait indispensable que la Belgique contribue à un débat global sur une politique d’immigration en Europe basée sur le respect des droits fondamentaux des migrants et la prise en compte des déséquilibres Nord-Sud.
A propos de la régularisation des sans papiers, nous demandons que le Parlement belge remplace l’article 9 alinéa 3 de la loi du 15/12/1980, qui rend la procédure de régularisation arbitraire et opaque, par une loi
- établissant des critères de régularisation clairs et objectifs
- mettant en place une commission indépendante
- accordant le droit au candidat d’être entendu
A propos des centres fermés, nous demandons que la Belgique
- proscrive l’enfermement des mineurs, dénoncé par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt du 12 octobre 2006 condamnant la Belgique
- prône des mesures alternatives aux centres fermés
République Démocratique du Congo
Le Droit à la paix, à la vie et à la sécurité
En 2006, la République Démocratique du Congo a connu ses premières élections démocratiques depuis plus de 40 ans. De nombreux enjeux s’ouvrent à ce pays pour confirmer son engagement sur la voie de la démocratie et du développement. Les premiers enjeux à venir pour relever ces nouveaux défis sont de réussir à faire face aux problèmes toujours importants dans les secteurs humanitaires et de la réforme du secteur de la sécurité. Le maintien de la paix dans le pays passe par la réussite de ces objectifs ainsi que par un dialogue régional constructif. Enfin, le développement et la paix, tels que le peuple congolais les désire depuis si longtemps, se forgeront sur une base solide si la communauté internationale et le gouvernement congolais parviennent à la mise en œuvre d’un système sain et équitable de gestion des ressources naturelles.
Nous demandons que la Belgique s’engage à
- fournir une participation au Plan d’Action Humanitaire 2007 des Nations unies en RDC au moins proportionnelle à celle de 2006
- s’investir au maximum pour la mise en œuvre des différentes réformes des Nations Unies dans le Secteur Humanitaire en RDC, en ce compris le Pooled Fund et, de manière plus globale, le Central Emergency Respond Fund (CERF)
- continuer à investir dans la réforme de l’armée congolaise, et à favoriser le respect des engagements de l’Etat congolais dans la réussite de cette démarche,
- maintenir un engagement dans le dialogue régional au sein de la Conférence Ministérielle Régionale sur la Région des Grands Lacs
- prendre toutes les mesures nécessaires afin que le patrimoine congolais revienne enfin au peuple congolais
- contribuer à la mise en œuvre de systèmes de certifications et de traçages efficaces dans le domaine minier
- promouvoir une approche à dimension sociale et écologique dans le domaine minier
Nous demandons que la Belgique, via l’Union européenne, prenne des initiatives, de manière à
- fournir une participation au Plan d’Action Humanitaire 2007 des Nations unies en RDC au moins proportionnelle à celles de 2006
- influencer les Etats membres à soutenir ce travail à travers l’EUSEC de manière à renforcer l’Etat congolais dans son obligation à protéger ses citoyens par ses propres moyens
- maintenir un engagement important pour favoriser le dialogue régional au sein de la Conférence Ministérielle Régionale sur la Région des Grands Lacs
Nous demandons que la Belgique, via le Conseil de Sécurité des Nations unies, prenne des initiatives
- afin de garantir la prolongation d’un mandat de la MONUC fort et bien financé de manière à ce que la Forces des Nations Unies puissent, de manière prioritaire, assurer la protection des citoyens qui vivent toujours dans un milieu sujet à l’insécurité dans l’Est de la RDC
- afin que les Résolutions du Conseil de Sécurité sur l’Exploitation des Ressources Naturelles en RDC fassent référence aux principes directeurs pour les entreprises multinationales de l’OCDE sur lesquels le groupe d’Experts des Nations unies s’est basé jusqu’ici dans ses rapports
Les Accords de Partenariat Economique (APE)
Pour une politique commerciale respectueuse des objectifs du millénaire entre l’Union européenne et les pays ACP
Si les négociations commerciales actuelles entre l’Union Européenne et la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) sont confirmées dans leurs orientations actuelles, leur issue sera préjudiciable. En effet, elles auraient pour conséquence d’institutionnaliser une concurrence inégale et iraient de pair avec une perte importante de revenus pour les pays ACP.
Ces négociations se déroulent de manière non transparente, occultant les institutions régionales existantes et les dynamiques d’intégration régionale, refusant de prendre en considération les alternatives. Elles instaurent des principes (« les questions de Singapour ») qui ne sont pas acceptés internationalement et
qui vont plus loin que les engagements de l’OMC. Enfin, ces négociations sont menées selon un calendrier irréaliste.
Nous demandons que la Belgique, via l’Union Européenne, prenne des initiatives afin de mettre ces accords en concordance avec les Objectifs Du Millénaire des Nations-Unies que le gouvernement belge s’est engagé à respecter et avec les promesses faites en matière de développement dans le cadre des Accords de Cotonou.
Les étapes nécessaires sont entre autres :
- proposer une nouvelle date butoir et réaliser des études d’impact qualitatives qui tiennent compte des alternatives qui ont été formulées
- faire sortir les questions de Singapour du mandat de l’Union européenne
- assurer la participation active des parlements et groupes d’intérêts de la société civile et la prise en considération de leurs apports
- garantir le droit des pays ACP à protéger leurs marchés
- consacrer des moyens supplémentaires, en plus du Fonds de Développement Européen, en faveur de l’intégration régionale