La première partie de l’analyse nous a permis de définir les critères utilisés pour reconnaitre ou non un système de garantie équitable. La seconde partie est consacrée à l’analyse des principaux systèmes équitables identifiés : Fairtrade, Ecocert, Fair for Life, Naturland, Tu Simbolo et WFTO. L’objectif n’est pas de comparer dans le détail toutes les différences (parfois subtiles) mais de fournir une image globale.
Origine et approche générale
De manière générale, on peut distinguer deux groupes de systèmes de garantie :
- D’un côté, les pionniers que sont Fairtrade International et WFTO, tous deux issus du monde des ONGs de solidarité internationale et de la société civile. Ainsi, le label équitable historique Fairtrade a une approche développementaliste, principalement axée sur l’empowerment des producteurs du Sud. On peut ajouter Tu Simbolo à ce groupe, un label créé en 2010 par la plate-forme CLAC, spécifiquement dédié au développement des petits producteurs d’Amérique latine.
- De l’autre côté, les nouveaux labels – Ecocert, Naturland et Fair for Life – initiés par des organismes certificateurs du domaine environnemental (Ecocert et Naturland proviennent à l’origine du secteur de l’agriculture biologique, Fair for Life de la consommation alternative et écologique).
Types d’organisations, de régions et de produits couverts
Tous les systèmes couvrent principalement les petits producteurs de l’agriculture familiale (excepté WFTO, davantage orienté artisanat), avec quelques légères variations en termes de pourcentages exigés[[highslide](1;1;;;)
En termes de pourcentage de petits producteurs dans l’organisation (ex. FLO requiert minimum 51%) et du volume de produits fournis (ex. 50% pour FLO).
[/highslide]]. Le label Fairtrade est ouvert, pour un certain nombre de produits, aux plantations employant de la main d’œuvre salariée et à l’agriculture de contrat[[highslide](2;2;;;)
Bananes, fruits et légumes frais, jus de fruits, thé, vin et fleurs dans le cas des plantations et entreprises utilisant une main d’œuvre salariée. Riz et coton (Inde), noix et fruits secs (Pakistan), pour les entreprises à contrat de production.
[/highslide]], de même que Fair for Life[[highslide](3;3;;;)
Fair for Life est sans doute le label le plus ouvert, aussi bien en termes de produits (alimentaires, mais aussi artisanat, cosmétiques, plantes sauvages, textiles, services de tourisme, produits miniers, etc.) que d’organisations (organisations de producteurs agricoles, agriculture contractuelle, main d’œuvre salariée de plantations, entreprises familiales de taille moyenne, etc.).
[/highslide]]. Ecocert accepte également des produits en provenance de plantations mais uniquement de manière exceptionnelle et sur dérogation. La garantie WFTO, avec son approche organisation, a l’avantage de répondre aux spécificités du secteur de l’artisanat, souvent composé d’organisations de petite taille et de populations particulièrement défavorisées.
Concernant les régions d’origine des producteurs, tous les systèmes visent les pays en voie de développement. Pour Fairtrade, Naturland et Ecocert, la liste CAD[[highslide](4;4;;;)
La Liste du CAD (Comité d’aide au développement) présente tous les pays et territoires éligibles à l’Aide Publique au Développement. Il s’agit de tous les pays à revenu faible ou intermédiaire basé sur le revenu national brut (RNB) par habitant tels que publiés par la Banque mondiale, à l’exclusion des membres du G8, de l’Union européenne (UE), et de ceux dont la date d’entrée dans l’UE est fixée. La liste comprend tous les pays moins développés tels que définis par les Nations Unies (UN).
[/highslide]] est utilisée (Fair for Life ne s’y réfère pas spécifiquement). Tu Simbolo vise plus particulièrement l’Amérique latine. Naturland est également ouvert aux produits Nord (avec les pays de l’OCDE[[highslide](5;5;;;)
Organisation de coopération et de développement économiques.
[/highslide]] comme référence). Naturland, Ecocert et Fair for Life acceptent d’autres pays sur demande et sous certaines conditions.
Gouvernance
WFTO est une fédération mondiale regroupant de manière particulièrement démocratique importateurs, distributeurs et producteurs (ces derniers représentant plus de 2/3 des membres). Fairtrade et Naturland sont des associations impliquant largement leurs parties prenantes, notamment dans la mise en place des standards. Fairtrade International s’est améliorée sur ce point, les producteurs étant par exemple représentés à hauteur de 50% dans l’Assemblée Générale (même si les travailleurs ne sont eux toujours pas représentés). IMO (Fair for life) et Fundeppo (Tu Simbolo) sont des fondations avec un certain degré d’implication des parties prenantes. Ecocert est une société privée qui n’implique que quelques experts, et seulement dans certains comités (ex. définition des standards).
Processus de certification et d’audit
Tous les systèmes ont comme principe la séparation du processus d’élaboration des standards et le travail d’inspection sur le terrain en deux entités différentes (ex. Fairtrade International vs. FLO-Cert, IMO vs. IMO Control, etc.). Néanmoins, cette séparation peut parfois être assez théorique, les deux types d’organismes étant le plus souvent liés au niveau économique (un auditeur a intérêt à auditer le plus grand nombre de producteurs, et donc à potentiellement diminuer la rigueur de ses contrôles). FLO-Cert et Naturland ont amélioré cet aspect en se faisant accréditer selon la norme ISO-65[[highslide](6;6;;;)
A noter également que Fairtrade est le seul système équitable qui soit membre officiel d’ISEAL, plate-forme rassemblant les principaux systèmes de certification durables au niveau mondial (couvrant divers domaines de consommation tels que forêts, alimentation, etc.). ISEAL a élaboré des normes (codex) afin d’améliorer la fiabilité et la crédibilité des labels. Les autres systèmes équitables affirment cependant respecter les principes de ce codex (un codex qui, de toute manière, n’est pas en soi très contraignant).
[/highslide]]. WFTO se distingue de nouveau en utilisant un mix d’auto-évaluation, d’audits externes, d’évaluations croisées par les pairs, ainsi qu’un outil d’introduction de plaintes, ce qui le rend un peu moins fiable que les autres systèmes.
Critères économiques
Au cœur des principes du commerce équitable, les critères économiques sont globalement très similaires. Fairtrade et Tu Simbolo utilisent des prix minimum et primes de développement fixes par catégorie de produit, tandis que les autres systèmes ont une approche davantage basée sur la négociation (à l’aide d’un système de calcul prenant en compte les coûts de production et les marges[[highslide](7;7;;;)
Dans le cas des primes, ces systèmes demandent un pourcentage minimum du prix minimum, généralement entre 5 et 10%.
[/highslide]]).
Au final, les prix sont très comparables, notamment du fait que Fair for Life, Naturland, Ecocert et WFTO demandant le paiement a minima du prix Fairtrade (s’il est disponible pour le produit considéré). De même, les méthodes de calcul des primes de préfinancement sont très proches (valeurs se situant aux alentours de 50%, sur demande des producteurs). On peut d’ailleurs noter que Naturland, Fair for Life et Ecocert reconnaissent les critères économiques de Fairtrade comme équivalents aux leurs, ce qui démontre la similarité entre ces différents systèmes (mais ce n’est pas réciproque, preuve que Fairtrade reste la référence du secteur).
Critères sociaux
De nouveau, de grandes similitudes existent au niveau social entre les différents systèmes de garantie considérés, qui se basent tous sur les conventions de base de l’OIT[[highslide](8;8;;;)
Les 8 conventions de base couvrent la liberté syndicale (no. 87), le droit d’organisation et de négociation collective (no. 98), le travail forcé (no. 29), l’abolition du travail forcé (no. 105), l’âge minimum (no. 138), les pires formes de travail des enfants (no. 182), l’égalité de rémunération (no. 100), la discrimination (no. 111).
[/highslide]]. Une exception est le label Tu Simbolo, qui prône avant tout le respect de la législation nationale et n’a d’exigence spécifique que pour l’absence de travail des enfants. Cette relative faiblesse sur les critères sociaux proprement dits est néanmoins compensée par son caractère autonomisant comparé aux autres labels (les petits producteurs pouvant davantage s’organiser de manière indépendante, pour le bénéfice social de leur communauté). Quant à la garantie WFTO, elle donne un poids relatif plus important aux critères sociaux (même s’ils restent assez généraux), notamment au travers des principes 6 (égalité des sexes), 7 (conditions de travail saines et sûres) et 8 (respect du droit des enfants). Les labels Fairtrade, Tu Simbolo et Naturland Fair ne font pas spécifiquement référence aux aspects genre.
Le fait que Fairtrade et Fair for Life soient partiellement ouverts aux grandes plantations expose plus particulièrement ces deux systèmes aux risques de violation des droits du travail (du fait notamment de la difficulté à y conduire des audits), comme l’ont montré de récentes études dans le cas de Fairtrade International (ex. plantations de thé au Malawi, sucre aux îles Fidji). La limitation aux organisations de producteurs n’élimine cependant pas tous les risques, certaines d’entre elles acquérant, en grandissant, la capacité d’employer du personnel migrant / saisonnier, pour lesquels les standards sont très limités. Pour faire face ce type de risque[[highslide](9;9;;;)
Voir à ce titre le documentaire ‘le business du commerce équitable, récemment diffusé sur Arte, qui dénonce les conditions de travail des travailleurs immigrés haïtiens dans certaines plantations de banane dominicaines.
[/highslide]], Fairtrade développe une stratégie spécifique aux travailleurs migrants et occasionnels, avec comme focus l’organisation collective / syndicale et les salaires décents[[highslide](10;10;;;)
Lamb H. 02/08/2013. Croissance en toute intégrité. Le rôle de Fairtrade / Max Havelaar.
[/highslide]].
Critères environnementaux
C’est probablement sur cette composante de la durabilité que les différences les plus nettes sont observées. Comme mentionné plus haut, Ecocert et Naturland proviennent originellement du secteur biologique, ce qui se traduit par l’exigence systématique d’une certification biologique pour le premier (du type certification européenne) et l’appartenance au réseau Naturland pour le second (dont les standards se trouvent être plus exigeants que la certification européenne). A l’opposé, le label Tu Simbolo est faible dans ce domaine, se contentant de bannir les OGM[[highslide](11;11;;;)
Organismes génétiquement modifiés.
[/highslide]], ainsi que certains pesticides. Fairtrade et Fair for Life se situent quelque part entre ces deux extrêmes, rajoutant à l’interdiction de ces substances le développement de modes de production plus écologiques, ainsi que des méthodes de gestion des sols, des intrants, des ressources en eau, de l’énergie, de la biodiversité et des déchets. A noter qu’Ecocert se distingue par des exigences importantes en matière d’emballages écologiques. Le label WFTO inclut lui le respect de l’environnement comme l’un de ses 10 principes, mais quasiment uniquement sous forme de critères de progrès (seul le respect de la législation environnementale nationale est obligatoire).
Règles de composition et d’étiquetage des produits alimentaires
Dans l’alimentaire, la règle pour tous les labels est que tous les ingrédients pouvant être équitables doivent l’être (règle « All That Can Be »). Pour les mono-produits[[highslide](12;12;;;)
Produits composés d’un seul type d’ingrédient, par exemple du chocolat noir, à l’opposé du chocolat au lait, lui composé de cacao et de lait.
[/highslide]], cela signifie que l’entièreté des composants du produit doit être certifiée équitable (avec cependant l’exception, dans le cas de Fairtrade, et pour certains produits, du système de ‘mass balance’ – voir le chapitre ‘traçabilité’ ci-dessous).
Les produits composés[[highslide](13;13;;;)
Produits composés de plus d’un seul type ingrédient (exemple du chocolat au lait mentionné dans la note précédente).
[/highslide]] peuvent contenir des ingrédients non équitables (si non disponibles en version équitable encore une fois), mais avec une limite par rapport au poids total (en % de matière sèche) : 20% minimum d’ingrédients équitable pour Fairtrade, 50% pour Naturland Fair et Tu Simbolo, 80% pour Fair for Life et 95% pour Ecocert. Même si ces deux derniers systèmes semblent plus exigeants, ils sont par contre ouverts à une certification ingrédient. Celle-ci permet d’abaisser la limite à respectivement 20 et 25%, avec en contrepartie un changement de formulation sur l’emballage : « fabriqué avec des ingrédients du commerce équitable » pour Fair for Life, « Commerce équitable filière X » pour Ecocert (où X représente le nom de l’ingrédient provenant d’une filière donnée, par exemple cacao ou café). Fairtrade envisage une certification ingrédient de ce type, limitée dans un premier temps aux secteurs du cacao et du sucre[[highslide](14;14;;;)
Nommée originellement ‘New Business Option’, elle porte maintenant l’appellation plus politiquement correct de ‘Fairtrade Sourcing Partnership’.
[/highslide]].
A noter enfin que Naturland dispose d’une garantie organisationnelle, en plus du label produit, qui accorde le label ‘Naturland Faire Partnerschaft’ aux organisations dont 70% de la gamme est certifiée Naturland Fair. Un tel système, qui permet de distinguer les organisations de commerce équitable des autres acteurs, est également à l’étude chez Fairtrade.
Traçabilité
Une traçabilité physique est requise dans tous les systèmes. Cela signifie que l’on doit pouvoir prouver que les ingrédients d’un produit proviennent bien d’organisations certifiées équitables.
Fairtrade fait cependant une exception à cette règle pour 4 catégories de produits : cacao, sucre, jus de fruit et thé. Ces produits nécessitent des processus de fabrication complexes, souvent dans des usines de taille importante, ce qui rend la séparation physique entre produits équitables et non équitables difficile. Un système de ‘mass balance’ est donc utilisé : cette méthode oblige à se fournir en équitable pour la même quantité que ce que l’on vend, mais sans devoir garantir le caractère directement équitable du produit labellisé. Cela permet d’avoir par exemple du cacao non équitable dans un chocolat certifié équitable (une approche critiquée par nombre d’acteurs plus radicaux du secteur).
Concernant Naturland et Ecocert, la traçabilité de leurs produits est assurée dans la mesure où ils sont tous issus de l’agriculture biologique[[highslide](15;15;;;)
C’est nécessaire en agriculture biologique puisque les méthodes de production affectent le produit lui-même, cf. par exemple les résidus de pesticides.
[/highslide]]. Fair for Life exige une séparation physique pour ses produits biologiques, avec une tolérance de 5% dans les cas où la séparation est trop complexe (par exemple avec des processus de fabrication en continu).
Couverture de la chaine d’approvisionnement
C’est l’un des domaines, avec les critères environnementaux, où les différences entre les systèmes sont les plus sensibles. Historiquement, Fairtrade (ainsi que Tu Simbolo, qui peut être considéré comme la réplique sud-américaine du label Fairtrade Max Havelaar originel) s’est clairement concentré sur le premier maillon des chaines de valeur agricoles, c’est-à-dire sur les organisations de producteurs. Certains critères Fairtrade s’appliquent bien aux autres acteurs, en particulier les détenteurs de licence (acteurs fabriquant et/ou commercialisant les produits finis), mais ces critères concernent principalement les aspects commerciaux (contrats, préfinancement, modalités de paiement du prix minimum, etc.).
En comparaison, les labels Naturland et Fair for Life imposent davantage de critères sociaux et environnementaux aux autres maillons. Naturland demande ainsi à ce que les critères sociaux de la composante biologique de sa certification[[highslide](16;16;;;)
Ce qui signifie concrètement le respect des conventions de base de l’OIT.
[/highslide]] soient respectés par tous les acteurs, incluant les sous-traitants. Naturland exige également une forte implication au niveau social des détenteurs de marque et des premiers acheteurs (ceux en contact direct avec les producteurs). De même, et afin d’assurer de bonnes conditions de travail tout au long de la chaine, Fair for Life demande aux différents acteurs d’être certifiés au niveau social[[highslide](17;17;;;)
Les critères sont cependant plus exigeants pour les acteurs en bout de chaine, premiers acheteurs et détenteurs de marque, que pour le reste des acteurs ‘intermédiaires’, qui peuvent utiliser les standards sociaux mentionnés plus haut (ETI, SA8000, etc.), mais aussi une simple lettre de ‘recommandation’ d’un syndicat.
[/highslide]] (SA8000, ETI, standards sociaux d’IFOAM, GOTS pour le textile, etc.). Ecocert a un niveau d’exigence intermédiaire entre Fairtrade et Naturland, les critères portant essentiellement sur les aspects environnementaux. A noter que Fairtrade est engagé dans un processus d’amélioration de ses standards commerciaux, pour y inclure, comme Naturland et Fair for Life, une composante sociale[[highslide](18;18;;;)
Sur base des standards de la filière coton (les seuls à inclure actuellement des aspects sociaux dans la phase de production industrielle), le projet prévoit de demander aux acteurs ‘ultérieurs’ de la filière de « faire des efforts » pour respecter les droits fondamentaux des travailleurs (respect de 11 conventions de l’OIT). Pour plus de détails, voir l’analyse sur les récentes évolutions des standards Fairtrade dans ce même cahier thématique.
[/highslide]]. Cela illustre une fois de plus la forte compétition à laquelle s’adonnent les différents systèmes de certification (dans ce cas-ci vers le haut).
Concernant la garantie WFTO, elle est sans doute l’une des meilleures dans ce domaine puisqu’elle implique un raccourcissement de la chaine d’approvisionnement et/ou une implication équitable de la plupart des acteurs[[highslide](19;19;;;)
Avec cette garantie, tous les acteurs doivent avoir le commerce équitable pour mission essentielle et activité principale, à l’exception du transport.
[/highslide]]. Cette plus grande facilité de garantie sur l’ensemble de la chaîne de valeur (et notamment son dernier maillon, la commercialisation) est l’un des avantages les plus importants d’une telle certification organisationnelle[[highslide](20;20;;;)
Leal N., Veillard P. Février 2013. La certification ‘organisation’ WFTO.
[/highslide]].
Développement des capacités des producteurs
Seuls les labels Naturland, Ecocert et WFTO (principe 3, « extension de compétences ») exigent clairement dans leurs critères un support aux producteurs (au-delà de la prime de développement). Fairtrade fonctionne différemment puisque le label n’inclut pas ce type de support dans les critères mêmes, mais au travers d’un programme séparé, financé par Fairtrade International. Mis en place en 2004, ce programme nommé PSR (Producer Services and Relations) accompagne les producteurs vers leur accès à de nouveaux marchés et fournit des formations en management, environnement, etc. Si ce programme a comme avantage une certaine efficience économique (spécialisation des formateurs, économies d’échelle, etc.), il présente le défaut de ne pas conscientiser les détenteurs de licence vers un changement de leurs relations clients-fournisseurs, avec tous les problèmes d’incohérence et de récupération d’image que cela peut entrainer (cf. équitable dans la grande distribution). Fair for Life n’exige pas mais « encourage » les porteurs de label à renforcer les capacités des producteurs (ex. achats d’intrants subventionnés, projets communautaires, etc.).
Critères de sensibilisation, éducation, plaidoyer politique
L’idée est ici d’effectuer des actions éducatives et politiques, en termes notamment de justice économique et de changement des règles du commerce mondial, un aspect fondamental mais éludé par beaucoup d’acteurs équitables. Les systèmes de garantie ayant des exigences spécifiques inclus dans leurs cahiers des charges sont Naturland et WFTO (principe 4 « promotion du commerce équitable »). Fairtrade ne demande pas spécifiquement ce type d’action au porteur de label mais l’effectue de manière séparée, via Fairtrade International ou ses différents affiliés nationaux, parfois en s’appuyant sur un réseau de bénévoles. Comme mentionné plus haut, les avantages en termes de spécialisation et d’économie d’échelle sont contrebalancés par les risques de déresponsabilisation des détenteurs de licence. Fairtrade effectue par ailleurs de nombreuses études d’impact[[highslide](21;21;;;)
Exemple, dans le cadre du dispositif d’études d’impacts de la PFCE, Max Havelaar France a collaboré à la réalisation d’une étude d’impact sur la filière quinoa en Bolivie, ainsi qu’à l’édition d’une cartographie des études d’impacts existantes sur le commerce équitable, commandée au CIRAD.
[/highslide]], un enjeu important dans le secteur étant donné les dérives et pertes de crédibilité de plus en plus fréquentes.
Comparaison de systèmes de garantie équitables sur les critères complémentaires aux critères de de développement durable[[highslide](22;22;;;)
Synthèse réalisée par l’auteur sur base du site infolabel.be, du guide des labels équitables (PFCE, 2011) et de l’étude comparative des systèmes de certification équitables (Forum Fairer Handel, 2012).
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Conclusions
Tous les systèmes de garantie couverts dans cette analyse sont reconnus comme équitables par la plupart des acteurs du secteur. De manière générale, ils respectent les principes fondamentaux et la philosophie originelle du commerce équitable, notamment sur les aspects économiques (prix juste, relation durable, formes de préfinancement, etc.). Il est donc logique que les différences constatées soient relativement faibles.
De par son principe de fonctionnement différent (garantie organisation), la garantie WFTO est celle qui se distingue le plus, étant à la fois plus complète dans certains domaines (couverture de l’entièreté des chaines, focus important sur les aspects sociaux, éducatifs et politiques, comme instrument de transformation des modes de production et de consommation) mais aussi plus faible dans d’autres (manque de rigueur des contrôles, peu d’exigences au niveau environnemental). La généralisation progressive du FTS, plus conforme aux standards internationaux, devrait lui permettre de gagner en crédibilité[[highslide](23;23;;;)
Leal N., Veillard P. Février 2013. Op. Cit.
[/highslide]].
Le label historique Fairtrade (et jusqu’il y a peu monopolistique[[highslide](24;24;;;)
Il représente toujours plus de 80% des produits équitables vendus dans le commerce.
[/highslide]]) reste une valeur sûre, même s’il est de plus en plus fréquemment remis en cause, notamment dans les medias. A juste titre sans doute, tant certaines évolutions ces dernières années sont inquiétantes (New Business Options, mass balance, etc.[[highslide](25;25;;;)
Voir également l’analyse sur l’évolution de FLO dans ce même cahier thématique.
[/highslide]]). Les risques de violation des droits du travail dans les plantations constituent à ce titre le problème sans doute le plus crucial auquel l’organisation doit aujourd’hui faire face. Néanmoins, d’autres évolutions sont positives, telles l’introduction de critères pour les travailleurs saisonniers, l’accréditation ISO 65, l’amélioration de la qualité des audits et de la gouvernance ou encore l’étude pour de possibles passerelles avec la certification biologique. Au final, l’organisation est toujours tiraillée entre, d’une part, la tentation d’un abaissement de ses critères, afin de faciliter l’entrée des plus gros acteurs (grandes entreprises / distributeurs), et d’autre part, un alignement avec les nouveaux labels, souvent plus exigeants ou complets[[highslide](26;26;;;)
Veillard P. Mars 2013. Le commerce équitable aujourd’hui. État des lieux, Tendances et positionnement d’Oxfam-Magasins du monde.
[/highslide]].
Les nouveaux labels (Naturland, Ecocert, Fair for Life) ont comme particularité de partager une même origine commune, le secteur environnemental / biologique. Cela se traduit par de grandes similarités des critères, ainsi qu’une plus grande exigence au niveau environnemental par rapport au label Fairtrade. Tous les trois couvrent également davantage l’entièreté des chaines d’approvisionnement aux niveaux social et/ou environnemental. Le label Naturland est sans doute le plus exigeant, étant également très complet sur les aspects support aux producteurs ou éducation / sensibilisation au commerce équitable (ce qui le rend aussi plus discriminant vis-à-vis de producteurs incapables de s’aligner sur ces exigences, par manque de moyens financiers, humains, etc.). De nouveau, Fairtrade prend directement en charge ces aspects (ou via ses affiliés) mais ne les exige pas ou peu des porteurs de label. Au final, le désavantage majeur (et assez structurel) des nouveaux labels est d’être beaucoup moins connu des consommateurs que le label Fairtrade, ce qui nécessite un effort supplémentaire de communication.
Quant au petit dernier, Tu Simbolo,il peut paraitre à première vue comme l’un des moins complets, du moins si l’on se base uniquement sur les critères proprement dits, qui sont relativement peu développés aux niveaux social (respect seulement des principes de base de l’OIT) et environnemental (respect des lois nationales, souvent très faibles). Néanmoins, le type de catégorisation utilisé par l’étude 2012 du Forum Fairer Handel n’est sans doute pas à son avantage, n’étant intégrés dans les critères sociaux que les critères du type OIT (ex. meilleures conditions de travail, absence de discrimination, etc.). Or ces critères sont plus spécifiques à la catégorie ‘travailleurs’ que ‘producteurs’, alors que ces derniers sont la cible exclusive du label Tu Simbolo. De plus, ce label est très fort sur les aspects de support économique, qui contribuent également énormément, voire plus, au développement social des producteurs. A noter enfin que ce système dispose d’une plus grande légitimité : il est originaire des organisations de producteurs elles-mêmes (et limité à eux) et il répond plus spécifiquement à leurs besoins, notamment en termes de production et de certification (et non à ceux des acteurs sociaux et économiques du Nord). En ce sens, il peut être perçu comme une forme de résistance aux phénomènes d’industrialisation de l’équitable [[highslide](27;27;;;)
Veillard P. Mars 2013. Op. Cit.
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Patrick Veillard
Expert commerce équitable
Octobre 2013