L’enjeu du réchauffement climatique en bref
L’homme fait grimper la température…
En 2015, le doute n’est plus permis. Sous l’effet des activités humaines, les concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre ont fortement augmenté depuis l’ère préindustrielle et provoqué une élévation sensible de la température moyenne de notre planète. Selon le GIEC[1. Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat], la température moyenne a en effet augmenté de 0,8°C au cours du 20ième siècle en Europe. Le réchauffement global représente la plus grande menace environnementale à laquelle l’être humain ait jamais été confronté.
Les causes premières de ce réchauffement sont l’utilisation des combustibles fossiles (± 60%) et le changement d’affectation des terres, comprenant le déboisement (± 20%). Le CO2 émis peut rester plusieurs dizaines d’années dans l’atmosphère et est à ± 80%, émis par les pays industrialisés.
L’ampleur de la menace varie selon les scénarios mais elle est déjà bien réelle et très perceptible : fonte des glaces, variation des fréquences et de l’intensité des précipitations, intensification et augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes (sécheresses, canicules, fortes pluies et ouragans…), érosion de la biodiversité, évaporation des réserves hydriques, salinisation, etc….
Et ce sont les plus fragiles qui paient la note !
Ce qui frappe le plus dans ce tableau déjà bien sombre est le caractère profondément injuste de la situation. Ce sont en effet les pays les plus pauvres et surtout les moins responsables du réchauffement climatique qui sont les plus touchés.
D’abord, les changements climatiques perturbent fortement le fonctionnement des grands écosystèmes mondiaux qui représentent la principale source de revenus pour la majorité de la population des pays en développement. Ils impactent en effet directement l’agriculture, la pêche, la foresterie, l’approvisionnement en eau, la santé, la biodiversité, la sécurité, etc… et rajoutent donc des difficultés supplémentaires au développement d’activités génératrices de revenus stables et sécurisés.
Mais surtout, la plupart de ces pays ne disposent pas des moyens financiers pour faire face et s’adapter aux changements climatiques. A cela, s’ajoute le fait que certains pays riches ne veulent plus contribuer aux financements climatiques qu’en ponctionnant l’aide au développement qui leur revient.
Enfin, loin d’améliorer la situation, certaines fausses solutions climatiques – comme les agrocarburants ou les compensations carbones – non seulement aggravent la situation climatique, mais sont également utilisées comme prétexte pour justifier des pratiques prédatrices sur les ressources naturelles de ces pays.
Historique des négociations climatiques
Le constat que le réchauffement climatique constitue une menace pour la survie de l’humanité n’est pas nouveau. La première conférence internationale exposant la problématique a en effet déjà eu lieu à Genève en 1979 ! Mais, ces conférences peinent encore aujourd’hui à proposer un cadre juste et cohérent pour y faire face.
1992 – Rio
Ce n’est ainsi qu’en 1992 qu’est née la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), dans le sillage de la conférence de RIO sur l’environnement et le développement, plus communément connu comme le 1° Sommet de la Terre. Cette convention est entrée en vigueur en 1994 et précise le cadre dans lequel les 195 Pays signataires s’engagent à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre (GES) « à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique[2. Voir article 2 de la convention disponible sur: http://unfccc.int/resource/docs/convkp/convfr.pdf] ». Depuis plus de 20 ans, les négociateurs se rencontrent donc régulièrement et les grandes décisions liées à la convention se prennent lors des COP (Conférence des Parties) qui se déroulent annuellement. Soit, pour Paris, la COP21.
1997 – Kyoto
L’une des conférences les plus importantes fut celle de Kyoto. Le protocole de Kyoto adopté en 1997 a en effet précisé les cibles de réduction pour les pays développés et pays en transition jusqu’en 2012. C’est aussi durant cette réunion que les Etats Unis (qui n’ont par la suite jamais ratifié le protocole) ont proposé des mécanismes dits de flexibilité. Ces mécanismes, qualifiés par certains de « droits de polluer », permettent aux pays qui ne peuvent (ou ne veulent) pas réduire leurs émissions chez eux d’acheter des « crédits carbone » via des projets de réduction dans les pays en développement. Ils ont été inclus dans le protocole et ont, pour certains, contribué à retarder ou à affaiblir une véritable transition énergétique dans nos pays.
En l’absence du principal émetteur de GES, cet accord n’est entré en vigueur qu’en 2004. La ratification de la Russie ayant enfin permis de dépasser le seuil exigé de 55% de couverture de l’ensemble des émissions mondiales.
2009 – Copenhagen ou… Flopenhagen
Une autre conférence tout aussi importante fut celle de Copenhagen en 2009. Moins de 3 ans avant l’échéance de 2012, il s’agissait de tracer la voie d’un nouvel accord qui, cette fois, devait rassembler l’ensemble des pays de la planète. L’esprit très positif du plan d’action de Bali (1997) pouvait laisser présager que cette conférence serait un véritable succès.
Mais, le sommet de Copenhagen est survenu après la crise de 2007 – 2008, et a jeté une lumière crue sur les véritables rapports de force en présence dans ces négociations. Face à des groupes de pressions extrêmement bien organisés, les milliers de citoyens, qui s’étaient mobilisés partout dans le monde pour soutenir un engagement politique international fort, ne faisaient pas le poids. En outre, même au niveau géopolitique, ni les pays les plus touchés ni l’Union Européenne n’ont été invités aux discussions menées de main de traître, en petit comité et à l’abri des observateurs, par la présidence Danoise.
Le sommet de Copenhagen s’est ainsi soldé par un très grave échec. Pour les citoyens, ce fut un choc et une menace pour la crédibilité des institutions onusiennes et même pour la crédibilité de l’action politique en général. Le pouvoir politique est en effet clairement apparu moins attentif à l’intérêt général qu’au chantage d’acteurs économiques liés aux énergies fossiles et à la persistance d’un modèle de croissance totalement inadéquat pour répondre aux urgences planétaires.
Cancun, Durban, Doha, Varsovie et Lima avant Paris
Les COPs qui suivirent ont alternés les bonnes et les mauvaises nouvelles dans l’optique d’un nouvel accord post 2012.
- Celle de Cancun a permis de « préserver » l’importance d’une gouvernance globale en matière climatique par laquelle chaque pays s’engage, de manière contraignante, via à vis des Nations Unies.
- Celle de Durban a débouché sur la création de la « plateforme de Durban pour une action renforcée » (ADP en anglais) qui travaille depuis 2012 au futur accord 2020 qui devrait être conclu à Paris en décembre 2015. Un nouvel accord qui, cette fois, engagera tous les pays du Monde, même si le Principe de Responsabilité Commune mais Différentiée (CBDR en anglais) restera appliqué et n’imposera pas aux pays les moins responsables et les moins riches des réductions d’émissions.
- La COP de Doha a, heureusement, mais in extremis, permis d’amender le protocole de Kyoto pour que celui-ci continue d’abriter les négociations autour des mesures à prendre ou à poursuivre jusqu’en 2020.
- La COP de Varsovie, appelée aussi la COP du charbon, a vu la société civile quitter l’espace de la conférence suite aux collusions entre les organisateurs de la conférence et le lobby du charbon et a semé le doute sur le réel engagement des représentants politiques à défendre l’intérêt général.
- Enfin, la COP de Lima, que l’on pourrait qualifier de COP du compromis, n’a pas engrangé les résultats qui auraient permis de bien préparer le terrain pour Paris.
Où en sommes-nous ?
Au niveau international, si les responsables politiques sont restés à l’ouvrage en matière climatique durant toutes ces années, le moins que l’on puisse dire est que le cœur et la volonté n’y sont pas et que nous sommes encore loin d’être parvenu à relever le défis des changements climatiques
Un engagement toujours pas à la hauteur des défis et inéquitable
Jusqu’ici, nous ne sommes toujours pas parvenus à nous mettre d’accord pour contenir le réchauffement en dessous de la fameuse frontière des 2°C[3. Référence clé dans les débats depuis un certain nombre d’années]. En outre, les pays gros émetteurs ne respectent pas leurs engagements de soutien financier aux pays en développement, en particulier les financements qui devraient leur permettre de mieux s’adapter aux changements climatiques. Enfin, ils ne soutiennent pas de nouvelles propositions – comme celle émanant du Brésil[4. Voir Views of Brazil on the elements of the new agreement under the convention applicable to all parties UNFCCC, disponible en ligne (http://www4.unfccc.int/submissions/Lists/OSPSubmissionUpload/73_99_130602104651393682-BRAZIL%20ADP%20Elements.pdf)] – pour définir les critères d’équité et de différenciation entre pays alors que celles-ci pourraient rassurer tout le monde sur le réel engagement des pays émergents à atténuer leurs émissions dans le futur. En effet, en l’absence de cadre définissant l’équité, et surtout en autorisant chaque pays à définir seuls des « circonstances nationales » les autorisant à faire très peu, comment éviter que les pays les plus pollueurs puissent, une fois de plus se « dérober » à leurs devoirs ?
Bilan de la dernière COP
En décembre 2014, un texte a été négocié à l’issue de la dernière COP. « L’appel de Lima » vise surtout les enjeux de réduction des émissions et notamment, les fameux CPDN (Les contributions prévues que chaque pays doit déterminer au niveau national) qui constituent la base des discussions pour bien préparer le prochain accord de Paris. Or, depuis la conférence de Bali en 2007, l’ensemble des pays ont reconnu le fait que les efforts de réduction et surtout l’adaptation des pays en développement face au réchauffement climatique, doivent être liés à des financements provenant des pays développés. La volonté des pays industrialisés, affichée dès le départ, de ne pas inclure ces aspects dans les discussions, a, de nouveau, renforcé la méfiance des pays en développement envers les pays industrialisés. Cette COP n’a donc pas permis d’atteindre le niveau de préparation pour Paris que beaucoup attendaient.
Le peu d’attention porté aux principes de cohérence et de précaution durant les négociations climatiques
Durant ces COPs, il est souvent question d’iniquité et d’inadéquation. Iniquité entre les pays ou entre les groupes sociaux. Ce ne sont pas les pays ou les personnes qui sont les plus responsables du réchauffement climatiques qui sont les plus touchées. Et inadéquation, puisque les engagements et mesures actuellement sur la table sont insuffisantes.
Mais ce qu’il faut aussi relever lors de ces négociations climatiques, c’est le peu d’attention porté à l’application des principes de cohérence et de précaution.
Le mot cohérence est souvent cité dans les textes mais aucun paragraphe ne mentionne explicitement la nécessité d’une disparition progressive de l’usage des énergies fossiles alors que cette mesure a beaucoup gagné en reconnaissance ces deux dernières années au travers notamment, du concept de budget carbone. Et, en matière d’incohérence, notre pays n’est pas en reste puisqu’il réduit son soutien aux énergies renouvelables et aux transports publics tout en maintenant la défiscalisation partielle des voitures de société ou son appui à l’extension des aéroports.
Il en est de même pour l’application du principe de précaution, inscrit dans la convention de RIO en 1992. Beaucoup de paragraphes font aussi une part bien trop belle à de futures et éventuelles avancées technologiques – comme la capture et la séquestration du carbone ou le bombardement de substances réfléchissantes dans les nuages – ou à des « fausses solutions » pourtant largement avérées et aux effets négatifs bien documentés, comme les agrocarburants ou les plantations d’OGM.
L’enjeu au niveau Belge et européen
La prochaine étape dans la préparation de la conférence de Paris est donc le « devoir », déterminé au niveau national, que doit soumettre chaque pays à la CCNUCC sur sa propre contribution en matière de réductions de gaz à effet de serre pour la période 2020-2030. Ils portent le joli nom de « CPDN », traduisez « Contribution Prévue Déterminée au niveau National ».
Si la Belgique ne doit pas rendre de copie nationale (l’UE négocie au nom des 28 Etats membres dans le cadre de la convention), l’engagement EU devra, in fine, se décliner en objectifs nationaux. La commission Européenne a soumis son « devoir » au secrétariat de la convention début mars sous la forme d’un formulaire explicitant ses objectifs de réductions d’émissions dans le nouvel accord. Ces informations, qui apparaissent en page 17 de la communication[5. http://ec.europa.eu/priorities/energy-union/docs/paris_fr.pdf] au parlement et au conseil Européen du 25 février sont, sans surprise, en ligne avec les objectifs du nouveau paquet énergie & climat 2030 de l’UE adopté en 2014.
L’UE réduira ses émissions d’au moins 40 % en interne d’ici 2030. C’est une bonne nouvelle, si on la compare aux engagements d’autres pays industrialisés. Mais il y a deux « hic » : d’abord, cet engagement nous place sur une trajectoire bien au-dessus des 2°C puisque pour y parvenir, nous devrions avoir réduit nos émissions de 55 % en 2030[6. Alors que l’UE s’engage à une réduction contraignante d’au moins 40 % de réductions de GES (gaz à effet de serre) domestiques, une augmentation de 27% de énergies renouvelables et R (renouvelables) contraignant au niveau EU et une augmentation non contraignante de près 27 % d’amélioration de l’efficacité énergétique, Oxfam plaide pour que ces 3 objectifs soient tous contraignants et plus ambitieux pour respecter les prespcriptions faites par le GIEC, soit respectivement: – 55 % de GES, plus de 45% d’énergies renouvelables et 40 % d’économies d’énergie. Voir : https://www.oxfam.org/fr/node/6352]; ensuite, cette proposition européenne fait une part trop belle à des « échappatoires » dans la comptabilisation de ses émissions.
Ces échappatoires, comme la prise en compte des « puits » de carbone liés à la végétation ou encore le fait de pouvoir utiliser des crédits carbones accumulés avant 2020, compensent sur le papier – mais pas dans l’atmosphère – les émissions liées aux énergies fossiles. Ils réduisent donc nos objectifs et retardent d’autant la nécessaire transformation de notre société vers une société décarbonisée.
L’appel du mouvement LINGO[7. http://leave-it-in-the-ground.org], « Laissons les énergies fossiles dans le sol » en faveur d’un moratoire progressif à l’extraction des énergies fossiles, est, on ne peut plus clair ! Notre nouvelle boussole, pour nous orienter vers une société viable pour tous, fonctionnera sans carbone !
Les récentes mobilisations influencent-elles le processus ?
Les derniers rapports du GIEC ont de nouveau confirmé, au travers de plusieurs scénarios probables de réchauffement, l’urgence d’agir.
Coté citoyen, le niveau d’éducation, de sensibilisation et surtout de mobilisation autour des enjeux climatiques n’a jamais été aussi élevé. Des centaines de milliers de personnes ont en effet défilé dans les rues de nombreux pays durant l’année 2014. En outre, un grand nombre de citoyens se sont déjà engagés dans des initiatives de transition et démontrent qu’il est possible de bien vivre ensemble sur cette planète tout en adoptant des pratiques de vies qui limitent au maximum le phénomène de réchauffement climatique[8. En Belgique, soulignons l’existence du Forum de la transition solidaire (http://www.transition21.be/?page_id=914) ou des villes et quartier inscrite dans une dynamique internationale de transition (http://www.reseautransition.be/)].
Côté politique, c’est moins évident. Quand on parle avec les représentants des partis politiques qui, soit ne poussent pas à des engagements ambitieux, soit font aveuglément confiance au secteur privé et à la bonne volonté de tous pour y parvenir, ceux-ci brandissent les pertes de croissance et d’emplois. Mais ce qui les dérange le plus est qu’ils ne récolteront pas les fruits électoraux de la nécessaire transition vers d’autres modes de production et de consommation.
Questionner notre modèle de croissance économique, la surconsommation et surtout les politiques et pratiques commerciales qui les soutiennent. Décider, dès aujourd’hui, que seules les énergies renouvelables soutenables peuvent soutenir une transition bas-carbone et qu’aucun fonds public ne peut plus être dépensé s’ils favorisent l’usage des énergies fossiles. S’assurer, avant toute décision politique, que celle–ci est cohérente avec ce nouveau type de société. Voilà des pratiques politiques qui pourraient porter leurs fruits très vite. Alors pourquoi ne sont- elles pas à l’agenda de nos ministres ? Pour Oxfam[9. http://www.oxfamsol.be/fr/climat-dans-le-piege-du-triangle-toxique] et beaucoup d’autres observateurs, le cœur des blocages et de l’inaction se situe dans un triangle toxique : des Etats sans vision qui capitulent, des acteurs financiers qui recherchent le profit à court terme et le secteur des énergies fossiles (ou ceux qui les exploitent et les consomment) qui freine tout objectif ambitieux.
C’est donc, comme en 2014[10. http://www.oxfamsol.be/fr/climat-lheure-de-repondre-lappel-citoyen], aux citoyens d’inverser des rapports de force qui, jusqu’à présent, restent peu favorables à l’ambition.
L’accord qui sera conclu à Paris en décembre ne sera vraisemblablement pas à la hauteur de ce qui est nécessaire. Il faut donc s’engager dans 2 voies. Faire pression d’ici à Paris pour rappeler à nos politiciens qu’ils ne sont pas les seuls à décider et qu’ils doivent penser à l’intérêt général et à leurs enfants avant leur propre intérêt ou celui des secteurs liés aux énergies. Mais aussi maintenir continuellement cette pression après 2015 pour relever le niveau d’ambition et garantir l’équité avant et après 2020.
Brigitte Gloire
Chargée de recherche et plaidoyer – Développement Durable
Pour aller plus loin :