Introduction
Lancée en juin 2011, la nouvelle campagne internationale Oxfam « Cultivons, la terre, la vie, le monde », a pour objectif d’attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique sur les défis énormes auxquels l’approvisionnement alimentaire mondial doit faire face, et démontrer les carences des politiques actuelles pour le faire. Elle met en évidence l’impact de ces politiques sur la situation économique, sociale et écologique des paysans et des communautés locales du Sud, mais aussi du Nord.
Garantir un système alimentaire durable et équitable demande une gouvernance politique appropriée à l’échelle internationale. Or, cette gouvernance fait cruellement défaut : l’attention se concentre davantage sur le modèle de production agroindustriel que sur le développement d’une agriculture paysanne durable. Pourtant, le modèle agroindustriel accentue les crises alimentaire et climatique, alors que l’agriculture paysanne durable permet d’y faire face.
Les politiques sont en outre le plus souvent élaborées et exécutées sans concertation suffisante avec les organisations paysannes et la société civile. Le Prix Nobel de la Paix Amartya Sen avait déjà clairement démontré que la cause profonde de la faim dans le monde relève davantage d’un déficit démocratique que d’une insuffisance alimentaire. Nos autorités doivent se responsabiliser face à ceux qui souffrent actuellement de la faim dans le monde et face aux générations futures qui devront lutter contre les effets de la crise climatique.
Depuis quelques années, est apparu le principe de la Souveraineté Alimentaire qui tend à fédérer autour de lui toute une série d’acteurs porteurs d’intérêts largement ignorés dans le cadre des dispositifs formels de décision actuels. Face à la logique néolibérale qui conforte le modèle de l’agriculture industrielle, il oppose celle du débat démocratique sur l’organisation de notre système alimentaire, qu’il est aujourd’hui urgent d’entamer.
Affectés par le développement du modèle agroindustriel, les paysans sont bien évidemment concernés par la question. Mais cette dernière relève clairement d’un débat de société duquel les consommateurs et les citoyens doivent également être directement parties prenantes. Notre campagne s’inscrit dans cette logique en voulant offrir aux consommateurs et aux citoyens les moyens d’agir à leur échelle pour faire advenir un modèle agroalimentaire durable, encore largement à définir.
Le Forum européen pour la Souveraineté Alimentaire – Nyéléni Europe 2011 – s’est déroulé du 16 au 21 août à Krems en Autriche. Il offrait précisément un espace où ce débat pouvait avoir lieu, et devait donner l’impulsion nécessaire pour que se lance un mouvement européen pour la Souveraineté Alimentaire. Concrètement, il a réuni plus de 400 participants de 34 pays européens pour y partager visions et expériences, et discuter ensemble d’un horizon commun à l’échelle européenne.
Dans la mesure où la participation au Forum engageait chaque pays à former une délégation, et où il a amené les acteurs belges, francophones et néerlandophones, à se connaitre davantage, le pari est en partie gagné. La Belgique est en effet partie avec une forte délégation constituée par des membres d’organisations, des paysans, des consommateurs et des militants. Engagé aux côté des paysans du Nord et du Sud, Oxfam-en-Belgique a fait partie de la délégation et s’est rendu au Forum, source d’inspirations multiples pour le suivi de notre campagne.
Dans le cadre de cette étude, nous avons voulu expliquer dans une première partie pourquoi le principe de la Souveraineté Alimentaire est tout à fait pertinent à l’échelle européenne. Dans la seconde, nous avons voulu mettre en évidence l’existence du mouvement belge pour la Souveraineté Alimentaire, en nous concentrant principalement sur quelques initiatives collectives citoyennes. L’objectif poursuivi est de démontrer que l’inscription dans la perspective de la Souveraineté Alimentaire peut se décliner de multiples manières, tout en étant parfaitement à la portée de tout consommateur ou citoyen.