Oxfam-Magasins du monde

Face au backlash antiféministe: rappeler les principes féministes d'Oxfam et du commerce équitable

2025 Analyses Femmes au coeur du commerce équitable
Face au backlash antiféministe: rappeler les principes féministes d'Oxfam et du commerce équitable

Résumé

Cette analyse examine le recul inquiétant des droits des femmes partout dans le monde. Dans un contexte marqué par une montée des conservatismes, de mouvements antiféministes et de reculs des droits fondamentaux, il parait essentiel, maintenant plus que jamais, de communiquer et valoriser le travail des femmes dans le commerce équitable, mais aussi de penser les récits entourant les produits que nous voulons promouvoir. Face au retour de bâton, nous devons faire de notre engagement pour le commerce équitable un levier de transformation féministe et inclusif.

 

Introduction

Partout dans le monde, les droits des femmes reculent. A l’occasion de la 50e Journée internationale des femmes des Nations Unies, le rapport d’ONU Femmes a publié un constat édifiant : en 2024, près d’un quart des gouvernements du monde entier faisaient état d’un recul des droits des femmes[1]. Ce chiffre, loin d’être anecdotique, s’inscrit dans une dynamique globale inquiétante : un retour de bâton antiféministe qui prend racine dans la montée des nationalismes, du conservatisme, et des mouvements anti-genre.

De nombreux événements récents illustrent cette tendance préoccupante : l’élection de Donald Trump aux États-Unis avec un programme ouvertement antiféministe, les attaques contre les droits à l’avortement en Pologne et en Hongrie, ou encore l’accession au pouvoir en Italie de Giorgia Meloni, figure emblématique anti-droits. Même la Suède, longtemps perçue comme un modèle en matière d’égalité de genre, a renoncé à sa politique de diplomatie féministe après l’arrivée au pouvoir de la droite et de l’extrême droite.

Un retour de bâton antiféministe

Ce phénomène communément désigné par le terme de « backlash » ou « retour de bâton » est théorisé par la journaliste américaine Susan Faludi dans son ouvrage Backlash: The Undeclared War Against American Women (1991). Ces mots décrivent la réaction, souvent violente, d’une partie de la société face au progrès des droits des femmes . Dans son livre, Susan Faludi y documentait la stratégie mise en place par des conservateurs et mouvements religieux américains contre les acquis féministes dans les années 1980 et 1990. C’est notamment après l’arrêt Roe vs Wade de 1973 légalisant le droit à l’avortement que se déclenchèrent de vives attaques politiques et culturelles.

Ce concept de backlash montre que l’histoire des droits des femmes et des mobilisations féministes n’est pas linéaire, mais qu’elle a toujours été ponctuée d’épisodes d’avancées et de reculs, que ce soit pour la conquête des droits civiques, politiques, économiques et sociaux, ou le droit à disposer de son corps.

Le backlash contemporain

Depuis la vague mondiale de libération de la parole du mouvement #MeToo, on observe une contre-offensive globale. Cette offensive prend la forme de réductions des protections juridiques, de discours hostiles aux droits des femmes, largement diffusés sur les réseaux sociaux et de montée en puissance des mouvements dits « anti-genre » . Ces mouvements réunissent des forces politiques et culturelles diverses : partis d’extrême-droite, organisations religieuses fondamentalistes, groupes masculinistes, conservateurs bourgeois ou encore cercles néolibéraux. Si ce backlash n’est pas un phénomène nouveau, on observe désormais une tendance à la constitution d’alliances transnationales dans cette opposition, sous couvert de la lutte contre “l’idéologie du genre”.[2]

Les exemples ne manquent pas : le 1er juillet 2021, la Turquie s’est retirée de la Convention d’Istanbul, en Iran le régime des mollahs réprime violemment les révoltes menées par les femmes, en Afghanistan leurs libertés se voient réduites de jour en jour, en Afrique centrale, le nombre de femmes victimes de violences est en constante augmentation.

En Belgique aussi, des signaux inquiétants apparaissent. Le nouveau gouvernement, très majoritairement masculin fait craindre une mauvaise prise en compte des conséquences de mesures politiques et sociales sur les droits des femmes.  En effet, les femmes, dont les carrières sont généralement moins linéaires que celles des hommes, souffrent davantage des coupes budgétaires et des réformes en matière de pension et de chômage notamment.

La controverse autour de l’Evras (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) en Fédération Wallonie-Bruxelles et l’interdiction de l’utilisation du point médian cher à l’écriture inclusive dans les écoles francophones[3]  témoignent d’une hostilité envers toute pédagogie égalitaire ou inclusive, portées par des groupes conservateurs très actifs. Ces attaques parfois symboliques, mais bien réelles, montrent que l’antiféminisme n’est pas un simple désaccord d’opinion : c’est un projet politique réactionnaire structuré et internationalisé.L’importance de la campagne « Artisanat et genre »

Loin d’être une opinion isolée et arriérée, l’antiféminisme est aujourd’hui une force politique active, qui cherche à ralentir ou stopper le mouvement féministe et ses avancées, de manière générale ou sur des enjeux de lutte spécifique, comme le droit à l’éducation, de voter et d’être élue, le droit à l’avortement, la liberté et la sécurité économique, physique et sexuelle des femmes et leur liberté d’expression.

Face à cette régression mondiale, il est d’autant plus crucial de rappeler les principes féministes qui sous-tendent notre action chez Oxfam-Magasins du monde, en particulier dans notre engagement pour un commerce équitable qui reste notre pilier central. La campagne “Artisanat et genre” lancée par Oxfam – Magasins du monde s’inscrit dans cette volonté de visibiliser le rôle des femmes à tous les échelons de ce commerce. Le terme “empouvoirement” que nous utilisons dans ce cadre traduit le mot anglais “empowerment” et fait référence au pouvoir que l’individu peut avoir sur sa propre vie, au développement de son identité, ainsi qu’à la capacité du collectif à changer les rapports de pouvoir dans les sphères économique, politique, juridique et socioculturelle. Ainsi, Oxfam-Magasins du monde a décidé de mettre en avant l’empouvoirement des femmes artisanes dans le commerce équitable, en montrant comment le commerce équitable peut être un bien-être, au statut et à l’émancipation des femmes, notamment dans le domaine de l’artisanat.

Pour que cet engagement prenne sens, il doit aussi être accompagné d’une réflexion sur les valeurs féministes qui la fondent. Il nous parait donc également important de mener une campagne de sensibilisation sur les valeurs féministes d’Oxfam et notre combat pour les droits des femmes dans le monde. Dans un contexte où les discours antiféministes, même parfois portés par des femmes elles-mêmes, se diffusent largement en ligne, il devient crucial de renforcer l’éducation permanente sur ces enjeux. En tant qu’organisation engagée, il nous revient alors de communiquer de manière claire, accessible et régulière sur ces thématiques auprès de nos publics, partenaires et client·es, afin de favoriser l’appropriation des valeurs féministes par le plus grand nombre. Il s’agit ainsi d’ancrer ces réflexions dans le quotidien, d’en faire un véritable levier de transformation sociale, et de permettre à chacun·e de s’impliquer activement dans le combat pour l’égalité des genres.

Conclusion

Face à la montée d’un climat antiféministe et une régression des droits de femmes partout dans le monde, le commerce équitable peut être un puissant outil de transformation sociale et porter un message féministe exigeant et inclusif. Rendre visibles les femmes, leurs luttes, leurs créations, ce n’est pas seulement une démarche éthique : c’est un acte de résistance politique face aux forces réactionnaires qui cherchent à les invisibiliser, les contrôler ou les réduire au silence.

C’est pourquoi nous devons intégrer les valeurs féministes au cœur de nos pratiques commerciales, éducatives et narratives. Plus que jamais, le féminisme doit être au cœur de notre vision du commerce équitable : non pas comme une option, mais comme une condition essentielle d’un monde plus juste, plus durable et plus humain.

Noémie Galland-Beaune

 

Bibliographie 

Notes

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