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[Communiqué] Cure d'austérité pour 85% de la population mondiale en 2023: les femmes et les filles encore davantage précarisées

Presse
[Communiqué] Cure d'austérité pour 85% de la population mondiale en 2023: les femmes et les filles encore davantage précarisées

Alors que le monde est confronté à une crise du coût de la vie et peine à se remettre de la pandémie de COVID-19, 85 % de la population mondiale vivra sous l’emprise de mesures d’austérité d’ici 2023, d’après une analyse des projections du FMI, une tendance qui pourrait se poursuivre jusqu’en 2025. Il ressort également que 54% des pays prévoyant de réduire leur budget de protection sociale en 2023 offrent déjà une gamme de services publics et sociaux tenant compte du genre extrêmement limitée.

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L’austérité précarise les femmes en particulier

Ces mesures d’austérité constituent, de manière directe ou indirecte, un acte de violence économique envers les femmes en particulier : en réduisant les salaires du secteur public dans lequel les femmes sont majoritaires, ou en rabotant le budget du secteur des soins de santé et de la protection sociale, dont dépendent les femmes et leurs familles pour leur survie.

« Ce sont les femmes qui souffrent le plus des conséquences physiques, émotionnelles et psychologiques de ces coupes budgétaires dans les services publics essentiels parce que ce sont elles qui en dépendent le plus. Le relèvement économique post-pandémique a lieu grâce au dur labeur des femmes et des filles, au détriment de leur vie et de leur sécurité, déplore Amina Hersi, responsable de la justice et des droits relatifs au genre à Oxfam. L’austérité est une forme de violence basée sur le genre ».

Des rapports récemment publiés par des agences des Nations Unies montrent que les femmes et les filles vivent déjà dans des situations extrêmement précaires. Oxfam estime que les politiques d’austérité ont eu les conséquences suivantes :

  • De plus en plus de femmes et de filles basculent sous le seuil de pauvreté à l’heure où 1,7 milliard d’entre elles vivent déjà avec moins de 5,5 dollars par jour, et 1 femme sur 3 dans le monde a été en situation d’insécurité alimentaire en 2021.
  • Les inégalités en matière de taux de retour à l’emploi pour les femmes perdurent. D’après les estimations, entre 2019 et 2022, les femmes n’ont occupé que 21 % des nouveaux emplois, dans un contexte de précarité et d’exploitation grandissantes. En Belgique, les pertes d’emploi et le chômage temporaire ont particulièrement touché les ouvrières et ouvriers, et 42% des femmes qui travaillent sont à temps partiel, ce qui impacte leurs salaires à la fin du mois.
  • Le fardeau des soins continue de s’alourdir pour les femmes, alors qu’en 2020 elles avaient déjà fait 512 milliards d’heures supplémentaires de travail non rémunéré.
  • D’après une étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), afin de réduire leurs dépenses durant le confinement, 85 % des pays ont fermé les services d’urgence destinés aux personnes ayant été confrontées à des violences basées sur le genre. Or les besoins restent réels : ainsi en Belgique, les appels vers la ligne d’écoute francophone pour la violence conjugale ont quadruplé le 25 novembre 2021, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Des alternatives existent

L’austérité n’est pas une fatalité, mais un choix : les gouvernements peuvent soit maintenir des mesures qui impactent fortement des populations déjà vulnérables en réduisant les dépenses publiques, soit augmenter les impôts pour ceux qui sont en mesure de les payer. Un impôt progressif sur la fortune des millionnaires et des milliardaires permettrait de générer près de 1000 milliards de dollars de plus que les coupes budgétaires annuelles envisagées par les gouvernements à partir de 2023. Il est urgent de questionner les priorités des investissements publics : 2 % du budget militaire des gouvernements suffirait pour en finir avec les violences interpersonnelles basées sur le genre dans 132 pays.

En Belgique, dans le cadre du budget fédéral 2023-2024, le gouvernement vient ainsi de décider de diminuer les congés parentaux, en réduisant la durée maximale de 3 mois, en abaissant l’âge de l’enfant et en excluant les personnes ayant une ancienneté professionnelle de moins de 36 mois. Ces mesures ne peuvent que renforcer les inégalités d’accès à ce type de congés et vont de nouveau alourdir la charge du travail de soin, portée encore très largement par les femmes dans notre pays.

« Les politiques d’austérité mêlent patriarcat et idéologie néolibérale pour exploiter davantage encore les personnes qui sont déjà les plus opprimées de la société, faisant délibérément fi de leurs besoins », estime Aurore Guieu, responsable du plaidoyer chez Oxfam Belgique.

« L’austérité n’est pas seulement une politique genrée ; c’est aussi un processus genré dans sa « quotidienneté », dans la façon dont elle imprègne la vie quotidienne des femmes en particulier: dans leurs revenus, leurs responsabilités en matière de soins, leur capacité à accéder à des services aussi essentiels que la santé, l’eau et le transport, ainsi que dans leur sécurité générale et l’absence de violences physiques à leur encontre à la maison, au travail et dans la rue », poursuit Aurore Guieu.

Le rapport montre que les femmes sont doublement touchées par les coupes dans les services, la protection sociale et les infrastructures : d’abord directement, à cause de l’inflation et des pertes d’emploi, puis indirectement, car elles sont amenées à jouer le rôle d’« amortisseurs » de la société. On attend d’elles qu’elles survivent et prennent soin de tout le monde lorsque l’État se retire. Ainsi, malgré les conséquences dévastatrices de l’inflation des prix alimentaires, et à l’heure où plus de 60 % des personnes qui souffrent de la faim au niveau mondial sont des femmes, le Fonds monétaire international (FMI) a exigé de neuf pays, dont le Cameroun, le Sénégal et le Suriname, qu’ils introduisent ou augmentent la taxe sur la valeur ajoutée, qui s’applique souvent à des produits courants comme les denrées alimentaires.

Le rapport révèle également que les gouvernements décident de leurs politiques économiques sans collecter et utiliser des données genrées solides. Moins de la moitié des données nécessaires au suivi du 5e objectif de développement durable « Parvenir à l’égalité des sexes » sont actuellement disponibles. Seulement 35 % des données communiquées sont ventilées par genre. La situation est pire encore pour les personnes non binaires et issues de la communauté queer, qui sont quasiment invisibles dans la collecte de données et les enquêtes.

Budgétisation féministe et fiscalité progressive

« Les femmes sont manipulées par le mensonge selon lequel les gouvernements doivent choisir entre le maintien des services publics et sociaux ou le remboursement de la dette afin de favoriser les investissements et la croissance. Elles sont considérées comme une variable sacrifiable. Cette situation n’a rien d’une fatalité », estime Aurore Guieu. Le rapport appelle les gouvernements à adopter des politiques économiques humaines et féministes pour lutter contre les inégalités et favoriser le bien-être des groupes marginalisés en raison de leur genre et de leur origine ethnique dans tous les pays.

Oxfam exhorte tous les gouvernements à en finir avec l’austérité et à trouver des solutions alternatives comme la budgétisation féministe et la fiscalité progressive visant à financer les services publics et la protection sociale universelle, afin de mettre les besoins spécifiques des femmes, des filles et des personnes non-binaires au cœur de leurs politiques. L’organisation les appelle également à offrir un travail décent grâce à la pleine application des normes du travail de l’Organisation internationale du Travail, y compris pour les femmes travaillant dans l’économie informelle et dans l’économie des soins.

Oxfam appelle le FMI à arrêter d’imposer des mesures d’austérité économiques douloureuses et vouées à l’échec et à suspendre les conditions fondées sur l’austérité dans tous les programmes de prêts en cours. Enfin, elle exhorte les pays riches à annuler sans tarder les dettes des pays à revenu faible et à leur accorder des financements sans dette.